Les coopératives, antidote à la polarisation et à l’isolement social
Dans une époque dite de polycrise, la polarisation sociétale s’envenime. Et si la coopération et la mutualisation pouvaient recréer des liens?

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Dans le contexte politique, économique et social actuel, l’Année internationale des coopératives nous rappelle qu’il faut garder le cap sur un développement durable, équitable et juste pour toutes et tous. Nous traversons une époque dite de polycrise où se côtoient partout en Occident la pénurie de logements, les effets des changements climatiques, la désorganisation de nos infrastructures publiques de santé et d’éducation, le vieillissement de la population, le tout sur un fond de polarisation sociétale grandissante. Et sur ce dernier volet, la coopération et la mutualité peuvent jouer un rôle déterminant pour créer des liens.
Dans son rapport 2025 sur les risques globaux, le Forum économique mondial place la polarisation sociétale au troisième rang des risques les plus importants pour les deux prochaines années. Elle se définit comme les divisions idéologiques et culturelles présentes ou perçues au sein des communautés et entre elles, divisions qui mènent au déclin de la stabilité sociale, à l’impasse décisionnelle, à la disruption économique et à la polarisation politique.
En 2025, trois Canadiens sur cinq perçoivent le Canada comme étant « plus divisé aujourd’hui que par le passé » (Baromètre de confiance Edelman 2023). On assiste à une diminution de la confiance envers les autres, l’État et d’autres institutions démocratiques. Cela en dépit du fait que les personnes qui font confiance à leurs voisins affichent un plus haut degré de satisfaction à l’égard de la vie (Statistiques Canada). Il existe une crainte « que ces clivages entraînent une augmentation des préjugés et de la discrimination, qu’ils rendent encore plus difficile la résolution des problèmes de société et qu’ils nuisent au développement économique » (L’Actualité, 2 avril 2025).
Cette polarisation s’accompagne d’un isolement social grandissant : la socialisation en personne a décliné de 20 % entre 2003 et 2023. Chez les hommes non mariés et les personnes de moins de 25 ans, le déclin est de 35 % (ces groupes démographiques passaient plus de temps seuls en 2023 qu’en 2021, durant la pandémie). L’Organisation mondiale de la Santé relève que le manque de liens sociaux est un facteur de risque de mort précoce équivalent ou supérieur au tabagisme, à l’abus d’alcool, à l’inactivité physique, à l’obésité et à la pollution de l’air. On assiste ainsi à une hausse de l’anxiété et du stress et à une diminution de l’estime de soi et à une perte de motivation.
Quelles solutions se présentent à nous devant cet état de fait? Comment faire face à de tels défis à notre échelle personnelle ou locale?
C’est l’appel que fait l’ONU aux élus du monde entier en cette Année internationale des coopératives : l’appel de la coopération.
En raison de leur fonctionnement et de leur structure, les coopératives et les mutuelles peuvent être des antidotes à la polarisation et à l’isolement. En plus d’une entreprise économique, elles constituent, si on se fie aux données sur l’isolement, un outil de santé publique! Elles agissent en tant qu’infrastructures sociales essentielles, elles sont des lieux de socialisation au même titre que les associations ou les bibliothèques publiques, où l’on apprend et où l’on expérimente les normes de réciprocité qui sont nécessaires pour vivre en société.
Les coopératives et les mutuelles contribuent à la démocratie au sens large, non seulement au sein des institutions démocratiques et politiques, mais aussi comme projet social. Elles élargissent le cercle de relations. Par la coopération et la mutualité, nous tissons des liens autour d’un projet socio-économique.
Cet espace de dialogue permet la prise en charge collective grâce au partage de préoccupations communes et à la recherche de solutions adaptées. Chaque assemblée générale, activité de consultation de nos membres et tournée auprès de nos membres par nos conseils d’administration constituent des forums pour poser des questions, exprimer son point de vue, débattre de ses idées et s’organiser, et ce, grâce au projet commun qui mitige les divergences pour avancer. La coopération implique de se mettre au service d’un projet plus grand que soi. Par le dialogue et le compromis, nous apprenons l’humilité et la confiance. Et des liens se créent!
Comme le souligne l’Alliance Coopérative Internationale, les coopératives « comblent les fractures économiques et sociales, renforcent la résilience des communautés et favorisent la cohésion sociale ». Notre époque a grandement besoin des coopératives et des mutuelles.
Cet article est initialement paru dans le magazine Coopérateur de septembre 2025.