Guy Litalien : Avons-nous aujourd’hui adapté suffisamment notre modèle coopératif pour affronter efficacement l’avenir?
Guy Crépeau : Nous avons effectivement pris conscience que notre modèle doit constamment évoluer. La compétitivité régionale dans le milieu agricole est particulièrement forte sur le territoire d’Agiska, ce qui attire de nombreux fournisseurs d’intrants externes. Il est essentiel que notre modèle soit non seulement adapté, mais agile. Nous devons continuellement optimiser notre efficacité et assurer une réactivité rapide face aux demandes de nos membres et aux changements du marché. L’agilité opérationnelle et décisionnelle constitue un enjeu crucial pour convaincre nos partenaires de notre capacité à nous adapter rapidement et dissiper tout doute à ce sujet.
GL : Les demandes des producteurs évoluent-elles dans le même sens que nos offres actuelles?
GC : Cette adéquation entre nos services et les attentes de nos membres reste notre priorité numéro un. La proximité et la qualité des services, particulièrement grâce à nos experts-conseils sur le terrain, sont essentielles. Nous devons constamment nous interroger pour rester alignés avec les besoins réels des producteurs. Nos conseillers, comme l'équipe Agrizone Ben, Ben et Francis, constituent un bel exemple puisqu’ils jouent un rôle déterminant dans leur secteur en assurant une présence proactive et en étant à l’écoute permanente des membres.
GL : La crise porcine récente a marqué profondément le secteur agricole. Quels enseignements en tirez-vous pour la coopérative?
GC : Cette crise a effectivement mis en évidence la nécessité de revoir nos façons de faire dans certains secteurs, particulièrement celui de l’approvisionnement en intrants agricoles. Elle a souligné l’importance de diversifier nos activités et de renforcer notre réactivité stratégique. La diversification doit figurer parmi les pistes de réflexion.
GL : Quels sont les enjeux prioritaires en agriculture aujourd’hui?
GC : Plusieurs enjeux méritent une attention soutenue. En premier lieu, la consolidation des fermes, qui entraîne une transformation importante de notre clientèle et de leurs attentes en matière de services. Il faut également surveiller les effets potentiels des changements dans la gestion de l’offre, notamment sur les prix des terres agricoles en matière d’investissement. Par ailleurs, nous devons être attentifs au recul du soutien gouvernemental, même si la productivité dans nos fermes s’améliore.
GL : L’agriculture durable semble prendre une place croissante dans les préoccupations des producteurs, plus particulièrement de la relève. Comment cela affecte-t-il les décisions stratégiques d’Agiska?
GC : Les enjeux économiques ont repris une certaine prépondérance, mais l’importance de l’agriculture durable reste incontournable. Les nouvelles générations y accordent beaucoup d’importance. Ainsi, nous devons intégrer pleinement ces préoccupations environnementales dans nos réflexions stratégiques et dans l’accompagnement que nous offrons à nos membres.
GL : Quel rôle joue aujourd’hui l’immigration dans le secteur agricole, selon vous?
GC : L’immigration est aujourd’hui un élément clé dans tous les secteurs agricoles, et pas seulement dans le secteur maraîcher, comme c’était le cas il y a dix ans. Elle répond aux besoins croissants en main-d’œuvre spécialisée, essentielle au développement et à la croissance des exploitations agricoles modernes.
GL : Quels défis voyez-vous dans la relève et la rétention du personnel au sein de notre coopérative?
GC : Avec la consolidation des fermes, dans certains cas, la relève agricole se regroupe sous forme d’actionnariat multiple. Cela modifie les attentes, particulièrement en ce qui concerne la mobilité et la flexibilité professionnelles. Pour notre coopérative, dans un contexte de plein emploi, attirer et retenir les talents est devenue plus complexe. Nous devons donc accentuer les efforts que nous déployons en formation, en mobilité professionnelle et en création de conditions de travail attractives pour maintenir une relève solide.
GL : En quoi consistent les chantiers de réflexion auxquels participent les membres du Forum des présidents?
GC : D’abord, notre distinction repose fondamentalement sur notre capacité à réfléchir de manière proactive aux enjeux actuels. Nous réalisons des diagnostics précis pour continuellement nous adapter aux besoins évolutifs de nos membres. Notre modèle coopératif encourage la coopération réelle, c’est-à-dire le partage actif de connaissances et d’expertises entre membres, partenaires et alliés. C’est cette philosophie collaborative qui demeure notre force.
En mai dernier, dans un cadre de réflexion stratégique, le Forum des présidents, en collaboration avec Sollio Groupe Coopératif et des gestionnaires du réseau, a débuté un projet d’échanges stratégiques, et nous travaillons activement sur quatre chantiers majeurs :
- Santé du réseau et compétitivité;
- Équipes commerciales et gestion;
- Rôle et responsabilités au sein du réseau;
- Développement des offres commerciales.
Je participe au sous-comité dédié au rôle et aux responsabilités au sein du réseau, soulignant ainsi l’importance stratégique que j’accorde à ce volet.
Nous sommes à l’heure des questions et, lors du Forum des présidents de novembre prochain, nous ferons le point sur les réponses à ces chantiers. Je me ferai un devoir d’informer les membres d’Agiska Coopératif à ce sujet.
GL : Enfin, quelle place détient la rentabilité économique dans ces chantiers?
GC : La rentabilité économique reste une préoccupation majeure. Elle est essentielle pour garantir la viabilité à long terme de notre modèle coopératif. Nous devons sans cesse rechercher un équilibre économique entre les secteurs agricoles, qu’il s’agisse des grandes cultures, du secteur laitier, du secteur porcin, ou du secteur avicole, pour ne nommer que ceux-là. La prospérité économique assure la pérennité de notre coopérative, qui est une richesse collective qui appartient à nos membres.
