Le sexage déploie ses ailes
L’IA optimise le sexage des poussins chez Sollio Agriculture : plus de précision, de productivité et de satisfaction client.
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Auparavant effectué manuellement, voilà que l’intelligence artificielle vient faciliter le triage des femelles et des mâles dans les deux couvoirs de poussins à poulet de chair de Sollio Agriculture, pour des poussins… triés sur le volet!
Depuis les années 1980, des classificatrices de plus en plus difficiles à recruter s’échinaient, 20 heures par semaine, à sexer un poussin aux deux secondes autour d’un grand carrousel. Mais voilà qu’un engin remplace ce travail minutieux et fastidieux, pour un coût de production équivalent, mais pour une qualité de sexage rehaussée.
Après une incubation des œufs de 18,5 jours et une mise en éclosoir de trois jours, les poussins fraîchement éclos sont déposés et déplacés, peinards, sur des convoyeurs. Au fil du parcours, quand on les soumet à un petit dénivelé, mâles et femelles, par réflexe, déploient leurs petites ailes pour révéler une différence marquante introduite dans le génome depuis quelques décennies : un caractère d’emplumement lent qui s’exprime exclusivement chez ces messieurs. Ainsi, en pleine « chute », des appareils-photo croquent les oiseaux, et les clichés sont analysés en quelques fractions de seconde par l’intelligence artificielle qui repère une rangée de plumes naissantes chez les poulettes et l’absence de plumes bien définies chez les coquelets. Il ne reste plus qu’à utiliser des jets d’air pour dévier les oiseaux ainsi sexés sur le bon convoyeur où ils seront par la suite vaccinés par vaporisation, comptés et mis en bac de 102 poussins prêts pour le voyage vers les parquets d’élevage.
Au couvoir de Victoriaville de Sollio Agriculture, on a mis en fonction en novembre 2024 l’appareil de tri, alors qu’au couvoir d’Ange-Gardien, on utilise depuis juillet 2025 le WingScan 2.0, l’appareil de sexage le plus moderne installé au Canada. L’automate de 5,64 m de longueur développé par Targan, une entreprise de Raleigh en Caroline du Nord fondée en 2015, promet une précision d’au moins 97 % du sexage, mais Ian Lacharité, le directeur des couvoirs de Sollio, observe déjà une précision supérieure à 98,5 %, meilleure encore que le sexage à la main qui présentait traditionnellement une précision de 95 à 97 %, un pourcentage généralement en baisse à la fin de grosses journées de production. « Avant l’installation des trieurs optiques, chaque poussin passait entre les mains des classificatrices, relate Arianne Moreau, conseillère technique dans les couvoirs depuis 11 ans. Contrairement aux humains, la machine ne perd pas sa concentration et ne se fatigue pas. »
Rencontré au couvoir d’Ange-Gardien, l’ingénieur Achille Germain Seke, du manufacturier Targan, suivait avec attention les performances enregistrées en continu de l’appareil, ajustant le flux de poussins selon différents paramètres comme l’âge et le poids des oiseaux, prenant des photos avec son téléphone pour nourrir la base de données de photos de mâles et de femelles dans des angles variés pas toujours commodes. À intervalles réguliers, l’ingénieur en profitait aussi pour nettoyer les appareils-photo et les capteurs électroniques dans un environnement empli de duvet d’oisillon volatil.
En 2020, la filière avicole coopérative s’interrogeait dans nos pages sur la pertinence du sexage (« Quand le sexage devient moins sexy »). Voilà qu’un appareil vient trancher la question pour de bon, allégeant le fardeau que représentait le sexage, rendant la pratique simple et facile. Au poulailler, le sexage favorise l’uniformité des troupeaux alors qu’à l’abattoir, il facilite l’abattage et la découpe, à la satisfaction des acheteurs et des rôtisseurs qui apprécient des quarts cuisse ou des quarts poitrine homogènes en cuisson sur la broche. De fait, selon les données étatsuniennes exposées par Targan, des poulets non sexés peuvent présenter une distribution allant de 2,56 kg pour les femelles à 2,97 kg pour les mâles. Pour des oiseaux correctement sexés, la variation est considérablement réduite, avec 24 % plus d’oiseaux qui avoisinent le poids cible de 2,72 kg (6 lb). La pertinence du sexage n’est donc pas nutritionnelle, car les formulations en meunerie ne varient pas selon le sexe, mais surtout axée sur la satisfaction des partenaires en aval de la filière avicole.
Chose certaine, l’augmentation de la productivité du sexage est manifeste. À Ange-Gardien, l’appareil peut classifier sans fléchir jusqu’à 34 000 poussins à l’heure. À la fin de la station de triage, deux personnes vérifient la qualité des lots de mâles et des lots de femelles tout comme la qualité des poussins de race Ross – bec droit, duvet fourni, nombril refermé, réactivité de l’animal. La mortalité 0-7 jours à la ferme viendra corroborer la qualité des poussins expédiés, mais chose certaine, à un niveau de certitude de plus de 98,5 %, les poussins étaient bien sexés!
Cet article est paru dans le Coopérateur d'octobre 2025.