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Tirer le maximum de chaque mode de traite

Ce n’est pas le mode de traite qui dicte la performance, comme en font foi les résultats qu’obtiennent les trois fermes dans ce reportage. Chaque mode a ses avantages et ses inconvénients. Il s’agit d’en tirer le maximum – et d’en retirer un certain plaisir!

 

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Et les vaches chantent la liberté!

Liberté de mouvement, liberté de traite. Les vaches sont aux anges! Et les producteurs ne sont pas enchaînés pour autant à leurs ordinateurs. La traite robotisée, c’était le choix logique de Groupe Lieutenant, à Stoke.

En avril 2019, elle était terminée, la transition de l’étable avec salle de traite (exploitée depuis 1997) à l’étable robotisée. Le nouveau bâtiment répond aujourd’hui aux besoins et aux aspirations de ses propriétaires. Avec huit robots de traite, les Lieutenant sont même le plus gros client « robotisé » du réseau Sollio. Quand on appelle à la ferme, un système téléphonique automatisé est chargé de l’accueil. « Pour l’étable robot, appuyez sur 4 »!

Tout est neuf, efficace, bien pensé. On a relocalisé la nouvelle étable à 10 km de l’ancienne, plus près des terres de l’entreprise – un impact financier non négligeable quand viennent les chantiers d’ensilage ou de fumier. Dans la conception du bâtiment, on a tout prévu, même un convoyeur à copeaux de bois qui évite de déplacer les vaches et d’ouvrir les portes de garage pour refaire la litière durant l’hiver.

Prévoyants, les Lieutenant? Oui. L’étable modulaire, construite en blocs et pouvant accueillir quatre robots dans une même « cabane », permettra de traire des vaches jusqu’à un quota de 680 kg. Après? On pourra passer de 8 à 10 robots, car tous les services (électricité, eau, air, etc.) sont déjà enfouis dans le béton. Chaque enclos compte 120 vaches, qui ont accès à deux robots et sont alimentées par un mélangeur complet. Pour l’instant, on a regroupé les vaches non pas sur la base de leur production, mais plutôt sur des critères de parité et de dominance : 1er veau, 2e veau, vaches matures dominées et vaches matures dominantes. Ces groupes demeurent pour la durée de la lactation.

Les 430 vaches remplissent le quota de 640 kg. Et les robots, jusqu’ici, ont tenu leurs promesses : le nombre de traites quotidiennes est passé de 2 à 3,1, la moyenne annuelle par animal est montée de plus de 1000 kg de lait pour s’établir à 12 200 kg. En conséquence, quelque 90 vaches ont dû être vendues pour le lait, dont des primipares!

 

pittet

Un petit tour de manège, trois fois par jour

Pionnier de la traite robotisée au Québec, Alphonse Pittet est passé, au fil de sa carrière, de l’étable à attaches à la salle de traite avec robots, puis enfin au carrousel, en novembre 2016. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond à Saint-Tite?

Derrière ses petites lunettes, on distingue un regard pétillant, un homme qui réfléchit. Alphonse Pittet, dans les affaires avec sa conjointe (Claire Désaulniers) et leur fils (Jérémie) depuis 2012, a pesé et soupesé chaque système. À son avis, avec 420 kg de quota et 270 vaches en production, il était rendu à l’étape d’un carrousel de traite intérieur de 24 places. La Ferme Pittet a opté pour un manège d’occasion en liquidation, qu’elle a acquis d’un autre producteur. Jérémie, diplômé en machinisme agricole et habile avec la clé à cliquet, a géré le démontage, le transport et le remontage du carrousel.

Mais revenons en arrière. « On a opté pour les robots en 2003 afin de remplacer une main-d’œuvre manquante ou difficile à gérer. On formait tellement de gens… », lance Alphonse, qui, aujourd’hui, a même remplacé les opérateurs de robots (une denrée rare) par une main-d’œuvre étrangère fiable et facilement disponible.

Le carrousel est aujourd’hui utilisé sur trois quarts de travail, pour un total de 10,5 heures par jour (12 heures en incluant le nettoyage). Il pourrait facilement être utilisé jusqu’à 20 heures par jour. « Le hic, ça reste le nombre d’heures par jour où on dérange la vache pour le voyage vers la traite, où on l’affecte dans son rythme circadien et son rythme de vie pour boire, manger, ruminer, dormir et socialiser. Ça ne peut pas être plus de trois heures par jour », prévient l’éleveur.

Dès 2010, l’idée d’une nouvelle étable était bien présente. Coincé entre la route, la rivière et les voisins, le site principal original n’offrait pas les options les plus reluisantes. Dans son étable à stabulation libre, Alphonse observait aussi des comportements signalant que le bâtiment n’était pas optimal pour le confort (largeur des allées, longueur des stalles). « J’ai perdu 14 ans de ma vie avec cette étable et ces robots », dit même l’éleveur, à qui on doit une partie de l’expertise en robots au Québec. « Je n’ai jamais réussi à atteindre 11 000 kg de lait avec eux. »

La famille est donc allée planter sa nouvelle étable et son carrousel sur un button éloigné dans le champ d’en face, à trois fois les distances séparatrices minimales des voisins.

 

drahoka

S’attacher à la traite en stabulation entravée

Ce n’est pas par idéologie mais bien par choix technicoéconomique que les Drapeau de la Ferme Drahoka, à Kamouraska, gardent encore leurs vaches attachées. Stabulation entravée? Hyperproductivité!

Leurs performances donnent le tournis : meilleur indice de performance du troupeau (IPT) en stabulation entravée au Canada en 2018, parmi 4606 troupeaux; MRC combinée de 886 en 2018 et MCR projetée de 955 pour 2019; production de 13 250 kg... avec seulement deux traites quotidiennes!

Oui, Sylvain et Francis Drapeau produisent du lait en quantité, mais aussi des taures à profusion, avec un intervalle de vêlage de 393 jours et un taux de gestation moyen de 37 % lors des deux dernières années – le double du taux moyen des autres troupeaux, estime leur médecin vétérinaire, Justin Rousselle, qui visite la ferme un lundi sur deux.

Côté santé du pis, le pince-sans-rire Sylvain évoque la « régie des bouses » comme facteur de succès. Mais il y a plus : on évite bien des mammites qui commencent ou s’éternisent avec un bain de trayons prétraite ainsi que des tests de détection de cellules somatiques et de bactéries totales (CMT et boîte de Petri) chez toutes les vaches venant de vêler. À un compte par millilitre de 98 000 l’an dernier, la science de la microbiologie donne raison aux Drapeau!

Signe que la ration est parfaitement équilibrée et synchronisée au rumen en protéine et en énergie, le taux d’urée du lait a affiché l’an passé une moyenne de 10 mg/dl, pile sur l’objectif. Deux recettes différentes permettent de ravitailler les vaches, dans une ration totale mélangée servie six fois par jour par un robot sur rail. Pionnière, l’entreprise utilise depuis une douzaine d’années des rations anioniques pour prévenir la fièvre du lait (hypocalcémie) et favoriser la consommation.

Les Drapeau ne sont pas dupes : ils savent que l’élevage en stabulation libre dans une étable froide, sur litière accumulée pour les vaches taries et les sujets de remplacement (depuis octobre 2017), fait progresser leurs performances – détection des chaleurs, longévité, facilité de vêlage. Si le coût par mètre carré très faible de leur vacherie (bonne jusqu’à 200 kg de quota) justifie de poursuivre la production en stabulation entravée, leurs fils Maxim et Ludovic décideront peut-être de loger les animaux en toute liberté, question de propulser la productivité vers d’autres sommets. Pour l’instant, on préfère consolider et investir dans une autre sorte d’actif : le quota.

 

Lire l'article complet dans l'édition de janvier-février 2020 du Coopérateur.

Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.