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Ferme laitière du village : L’amour des affaires avant l’amour des vaches

Photo : Valérie Renaud et Luc Poirier forment un redoutable tandem, elle comme gestionnaire de troupeau, lui comme gestionnaire d’entreprise.

Il fait cultiver ses propres terres, n’élève plus ses génisses, a construit une étable à l’image de sa devise : simplicité en toutes choses. La Ferme laitière du Village est une entreprise axée sur le lait, mais surtout sur la rentabilité.

La passion de la production. L’amour des animaux. Ces expressions galvaudées, Luc Poirier les a trop entendues. Cet entrepreneur-gestionnaire de Sainte-Agathe-de-Lotbinière produit bien du lait, mais dans une approche résolument différente : les affaires avant les sentiments! « Ce n’est pas la passion qui fait les paiements, analyse-t-il froidement. Il faut rester en affaires! »

Ce gaillard de 6 pi 4 po balance les mots « affaires » ou « business » toutes les cinq minutes. Valérie Renaud, diplômée en agronomie et gestionnaire du troupeau, ponctue aussi la conversation d’idées de la même école. Assis dans le bureau dont les larges baies vitrées surplombent l’étable, les deux s’expriment sans gêne, sans langue de bois. Ils affichent néanmoins une réticence manifeste devant le rédacteur du Coopérateur : ils ne veulent pas être mal cités, encore moins passer pour des donneurs de leçons, avec leur modèle qui détonne.

 

Sur la gestion

« L’argent se fait à l’étable », émet d’abord Luc. Ce constat évident s’est affiné par une connaissance pointue de ses coûts ramenés par hectare, tonne d’aliments, vache, logette, kilo de quota ou hectolitre de lait. « Il faut aussi calculer ce que coûte une tonne d’ensilage en incluant la perte de productivité à l’étable, car inévitablement, il y en aura une : un producteur de taille moyenne, dans des conditions normales, peut être bon dans tout, mais excellent dans rien. » C’est en commençant à donner des travaux à forfait, en 2008, que Luc a réalisé combien valaient son travail et ses actifs, notamment sa machinerie, qui torpillait sa marge.

Depuis trois ans, ce détenteur d’un quota avoisinant les 550 kg loue ses 325 ha à un agriculteur spécialisé dans les travaux à forfait (Robert Allard, de la Ferme Champfleuri, à Lévis), dans un modèle à l’états-unienne. Semer, épandre, pulvériser, récolter : tout est confié à cette entreprise capable d’ensiler 125-150 tonnes de maïs et 100-125 tonnes d’herbage à l’heure. Luc spécifie ses besoins en quantité et en qualité. Robert s’arrange pour fournir des aliments à prix compétitif.

« Comment une ferme laitière moyenne possédant sa propre machinerie peut-elle être aussi efficace qu’une entreprise de travaux à forfait comme la mienne? J’ai commencé avec un million de dollars d’actifs, j’en suis à six millions », expose le forfaitaire, qui cultive 1010 ha au total et budgète toujours 25 % plus de superficies pour satisfaire ses clients. Et s’il a des surplus? Il engrange les profits en vendant les produits à d’autres acheteurs, ce qui ajoute à sa compétitivité. « Personne ne peut offrir des prix comme les nôtres », assure Robert, qui souligne qu’une entreprise comme la sienne attire plus facilement conducteurs de machinerie et ouvriers spécialisés que celles qui n’embauchent que de manière saisonnière.

Le modèle suscite un questionnement. Il ne se passe plus un mois, voire une semaine, sans que des producteurs laitiers interrogent Luc. D’ailleurs, il a déjà été recruté pour accompagner des producteurs qui, somme toute, résistaient aux changements. « Les producteurs avec qui je parle semblent vouloir se faire dire de garder leurs terres », indique l’Agathois, qui déplore en outre qu’ils prennent des décisions d’affaires basées sur leurs liquidités ou leurs avoirs propres plutôt que sur la rentabilité. Le gestionnaire offre un autre conseil : selon lui, avant de comparer ses données technicoéconomiques avec celles d’autres fermes de différents regroupements, il vaut mieux commencer par se comparer à soi-même – avant et après des changements importants – et en tirer les leçons qui s’imposent.

 

Lire l'article complet dans l'édition de mars 2020 du Coopérateur.

Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.