Chaque jour, à chaque décision d’affaires, Isabelle Duchesne et Hugo Bouchard, de la Ferme H. Bouchard, écrivent le roman de leur démarrage en production laitière, secondés par leurs trois enfants. Récit chronologique en huit moments marquants.
15 juin 1996
Il était une fois non pas des vaches, mais des veaux… laitiers. Depuis 1996, les parents d’Isabelle élevaient, surtout pour le plaisir, du veau de grain à Sainte-Brigide-d’Iberville. De 2001 à 2004, Isabelle et Hugo s’exercent à cette profession et apprivoisent l’élevage, à raison de 180-200 bêtes produites par année. Le prix élevé des veaux – plus de 300 $ la tête (en dollars courants!) – et l’impitoyable crise de la vache folle, en 2003, finissent toutefois par épuiser les ardeurs et les liquidités, ce qui laisse la Ferme Dubovo kifkif financièrement, mais riche d’expérience.
20 mars 2002
Le destin aurait pu être bien différent quand Isabelle et Hugo ont failli acheter une entreprise de veaux de grain assortie de 34 ha à Saint-Nazaire-d’Acton. En 1996, dans son travail de fin d’études en gestion agricole au cégep de Saint-Jean-sur-Richelieu, Isabelle était pourtant claire : il ne lui serait pas possible de démarrer dans une production contingentée. C’est en construisant sa maison, puis en la revendant avec un joli profit que le couple réussit à constituer une mise de fonds pour déjouer l’épreuve de synthèse pessimiste!
28 août 2003
Ce jour-là, Isabelle et Hugo tombent en « mode famille ». Leur première fille, Justine, naît. Plus tard, cette même Justine gardera son frère, Ludovic, et sa sœur, Laurence. Parfaite entraide familiale quand les parents travaillent à la ferme ou à l’extérieur de celle-ci. « Il faut avoir travaillé deux fois moins d’heures par semaine pour deux fois plus de salaire qu’en agriculture afin de comprendre notre détermination à avoir notre propre ferme! » philosophe Hugo.
30 octobre 2012
Le lait, ça y est! Après un premier dossier conforme, qui avait échoué au tirage au hasard l’année d’avant, le couple obtient sa chance au Programme d’aide au démarrage d’entreprises laitières, dit « programme 12-12 ». Avec l’aide de La Financière agricole et 25 000 $, le duo fait des miracles et revitalise l’étable des oncles d’Hugo à Farnham, inoccupée pendant 10 ans. Toute la communauté est mise à contribution pour le démarrage dans cette étable louée. La première traite se déroule le 30 au soir – le matin même, les vaches étaient encore à Saint-Tite, chez leur ancien propriétaire! « C’est la période de notre vie où Hugo et moi nous croisions à l’étable ou à la maison avec un “donne-m’en cinq” de joueur de quilles! » rigole Isabelle.
5 août 2017
Le désir de devenir propriétaires et de progresser est trop fort. Ils enchaînent les visites de fermes à vendre et aboutissent à Saint-Léonard-d’Aston, où le dernier coup de marteau de l’encanteur résonne encore. La maison et l’étable sont en vente, mais Isabelle et Hugo savent trop bien qu’il leur faut des terres. L’ancien propriétaire des lieux accepte de céder 26 ha si la Commission de protection du territoire agricole du Québec autorise le morcèlement. Le 4 juin 2017, la décision positive de la Commission, clé de voûte de l’installation de la famille au Centre-du-Québec, officialise le déménagement – un deuxième en cinq ans pour certaines vaches!
12 novembre 2019
Au départ, l’entreprise donnait tous les travaux à forfait : fauchage, pressage, enrobage, épandage. Elle a depuis acquis des équipements de fenaison pour faire elle-même les précieux fourrages. Deux beaux silos se dressaient toutefois dans le ciel, et on a décidé d’en ériger un troisième en 2019. Aujourd’hui, la ferme s’autosuffit. On a même vendu du foin en 2020, année de pénurie généralisée.
12 avril 2021
Ayant démarré en production laitière avec 24 kg de quota, la ferme en produit aujourd’hui 60. En 2018, dans un contexte marqué par les incertitudes sur la gestion de l’offre et la négociation d’accords commerciaux internationaux, l’entreprise a pu mettre la main sur 15 kg, pactole inespéré.
Pour bientôt.
Rien n’est facile. Dans les dernières années, il a fallu, certains mois, partager des payes de lait entre des fournisseurs. On rêve pourtant à la prochaine étape : acheter une deuxième terre aux alentours de la ferme, un passage obligé pour détenir un actif de haute valeur et cheminer vers les 100 kg de quota convoités.
Cet article est paru dans le Coopérateur de mai-juin 2021.