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Ouverture des marchés : le secteur agroalimentaire perd-il la mise?

Au jeu des relations commerciales internationales, le Canada a-t-il bien joué ses cartes pour positionner son secteur agroalimentaire? Retour en arrière et perspectives d’un milieu pris entre les feux de la mondialisation et de la géopolitique.

Depuis 30 ans, le Canada multiplie les ententes de libre-échange. Le pays a suivi le puissant courant de la mondialisation qui a bouleversé les échanges internationaux dans les dernières décennies. À ce jour, il est lié par 15 accords de libre-échange avec 51 pays différents, ce qui touche 1,5 milliard de consommateurs dans le monde.

Il y a les accords multinationaux : l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste (PTPGP), l’Accord économique et commercial global (AECG) et l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). Et les accords entre pays : Chili, Israël, Corée du Sud et Ukraine.

Il semble toutefois y avoir du sable dans l’engrenage. Malgré les promesses, ces ententes ne remplissent pas toutes les attentes miroitées lors de leur signature.

Comme le dit Patrick Leblond, professeur en affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa, les ententes de libre-échange sont un jeu de négociation « donnant-donnant » et politique, qui doit favoriser chacun des partis. « Au terme des discussions, certains secteurs gagnent, d’autres perdent », dit-il.

Dans le cas de l’AECG, le Canada peine, sept ans plus tard, à se faire une place sur les marchés agroalimentaires, ce qui se reflète par une balance commerciale déficitaire dans ce secteur.

Ailleurs, le secteur agricole a été contraint de céder des acquis importants. L’intégrité de la gestion de l’offre au Canada a été rognée à la fois par le PTPGP et l’ACEUM afin de satisfaire aux demandes de la Nouvelle-Zélande ou des États-Unis, provoquant des disputes sur l’application des accords et des pertes de marché pour les producteurs agricoles canadiens.

Et bien que le Canada demeure une puissance pour ses ressources agroalimentaires, des signes laissent croire que sa position s’affaiblit sur l’échiquier mondial : des négociations ont échoué avec la Grande-Bretagne après trois ans, avec comme point d’achoppement des questions agroalimentaires; les discussions avec l’Inde piétinent; et le Mexique aurait supplanté en 2023 le Canada comme principal partenaire commercial des États-Unis.

Mise en bouche avec quelques chiffres

Parler d’accords de libre-échange, c’est parler de chiffres, plus précisément des exportations et des importations.

Dans le cas du Québec, les exportations bioalimentaires internationales sont estimées à 11,7 milliards $ pour 2023, ce qui correspond à une hausse de 3 % (ou de 341 millions $) en comparaison à l’année 2022. Elles ont connu un bond de 11 % en 2022 à 11,5 milliards $, par rapport à 2021, en raison de l’augmentation des prix et de la faiblesse du dollar canadien, et surtout grâce à une reprise post-pandémique.

Graphique 1


La Politique bioalimentaire 2018-2025 - Alimenter notre monde vise à augmenter les exportations bioalimentaires internationales du Québec à 14 milliards $ en 2025. Jusqu’à maintenant, les céréales, les produits du café et les produits oléagineux ont le plus contribué à la croissance des exportations. Au sein du Canada, le Québec représente en moyenne 8 % des exportations bioalimentaires pour la période de 2013 à 2022.

Du côté du Canada, les exportations agroalimentaires (incluant les boissons) ont dépassé le cap des 100 milliards $ en 2021, deux ans avant la cible fixée par le fédéral.

« Ces chiffres renforcent le rôle du Canada comme fournisseur de ressources naturelles de qualité, ce qui devrait lui permettre de profiter de la forte croissance mondiale de la population », déclare Krishen Rangasamy, directeur des services économiques à Financement agricole Canada (FAC). Il souligne que les exportations du Canada, tous secteurs confondus, ont augmenté à la suite des accords de libre-échange.

« Dans l’ensemble, ces ententes ont été favorables selon les analyses, mais tout dépend du point de vue. Les échanges ont été positifs pour le Canada, mais le diable est dans les détails », déclare Patrick Leblond.

Graphique 2


Les accords de libre-échange du Canada

PTPGP : L’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste est entré en vigueur le 30 décembre 2018 dans six pays : Canada, Australie, Japon, Mexique, Nouvelle-Zélande et Singapour. Le 14 janvier 2019, le PTPGP est devenu effectif au Vietnam et le 19 septembre 2021 au Pérou.

AECG : Entré en vigueur en septembre 2017, l’Accord économique et commercial global est la principale entente de libre-échange du Canada avec ses 28 pays et plus de 500 millions de consommateurs. Ce dernier a permis l’élimination des tarifs douaniers et la réduction de barrières non tarifaires.

ACEUM : L’Accord Canada–États-Unis–Mexique a remplacé en 2020 l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) conclu en 1994.



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Illustration d'en-tête par Luc Melanson

Céline Normandin

QUI EST CÉLINE NORMANDIN
Détentrice d’une maîtrise en science politique, Céline est journaliste-pigiste auprès du Coopérateur. Et ce n’est pas par hasard si elle se retrouve aujourd’hui à couvrir le secteur agroalimentaire puisqu’elle a grandi sur une ferme laitière. Sa famille est d’ailleurs toujours active en agriculture. 

celine.normandin@videotron.ca

QUI EST CÉLINE NORMANDIN
Détentrice d’une maîtrise en science politique, Céline est journaliste-pigiste auprès du Coopérateur. Et ce n’est pas par hasard si elle se retrouve aujourd’hui à couvrir le secteur agroalimentaire puisqu’elle a grandi sur une ferme laitière. Sa famille est d’ailleurs toujours active en agriculture.