À la rencontre de Samuel Manseau-Chagnon, membre de la 17e cohorte du FCARA

Pour la deuxième entrevue de l’année avec la relève agricole d’Agiska Coopérative, nous avons rencontré Samuel Manseau-Chagnon, un agriculteur d’Acton Vale qui a débuté le programme du Fonds coopératif d’aide à la relève agricole cette année.
Samuel exploite une entreprise agricole en production laitière et en grandes cultures avec sa famille. Tout récemment, il a commencé un nouveau projet en acériculture.
Texte de Julianne Laroche, conseillère en communication et marketing chez Agiska Coopérative
Julianne Laroche : Peux-tu nous parler de ton entreprise agricole?
Samuel Manseau-Chagnon : La Ferme M.R. Chagnon est une entreprise familiale spécialisée en production laitière et en grandes cultures. Nous avons environ 180 vaches en lactation et 1215 ha (3000 acres) de terre en culture. À l’époque, mon grand-père a relancé la ferme familiale, qui appartenait à son propre grand-père, mais qui n’était plus exploitée depuis plusieurs années. Aujourd’hui, je travaille avec mon père et mon frère. Du côté de la famille paternelle, c’est tout le monde qui œuvre dans le domaine agricole, que ce soit à La Financière agricole, en médecine vétérinaire ou même en génie agricole. L’agriculture est profondément enracinée en nous.
Dans les dernières années, j’ai également développé un projet d’acériculture avec un ami de longue date. Comme nous en sommes à notre deuxième année de production, ce projet mobilise actuellement la majeure partie de mon temps.
JL : Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans l’acériculture?
SMC : À petite échelle, nous avons toujours produit du sirop d’érable en famille, avec mon grand-père, mon père et mon oncle. Dans le boisé derrière la ferme, nous récoltions l’eau d’érable de près de 1200 entailles à la chaudière. C’était une tradition bien ancrée, mais, avec le temps, un contraste m’a frappé : pendant que nous ramassions encore l’eau d’érable à la main, nos cinq tracteurs, eux, se conduisaient tout seuls grâce à des systèmes GPS.
Ce décalage m’a poussé à réfléchir. Comme j’aime relever de nouveaux défis, j’ai vu là une occasion de mieux valoriser nos boisés, ces superficies souvent non utilisées en bordure de nos champs. C’est ainsi qu’est né le projet d’acériculture.
JL : Et de ce qu’on en comprend, ce n’est pas qu’un petit projet, n’est-ce pas?
SMC : En effet! Nous avons mis en place un centre de bouillage, car ce n’est pas quelque chose qui existait dans la région d’Acton Vale. À deux, nous exploitons actuellement 13 000 entailles et nous bouillons pour quelques clients qui en ont une quantité similaire. Cette année, nous avons transformé l’eau de près de 28 000 entailles. Lorsque nous avons lancé le projet, nous avions comme objectif de bouillir l’eau de 20 000 entailles pour nous-mêmes et 20 000 à forfait avant cinq ans. Nous sommes sur la voie d’atteindre cette cible. À plus long terme, nous aimerions atteindre de 50 000 à 60 000 entailles, ce qui correspond à la capacité maximale de notre évaporateur. D’ailleurs, ce dernier est alimenté par l’électricité, car il est important pour nous de minimiser notre empreinte environnementale.
JL : Comment réussissez-vous à faire des choix plus verts?
SMC : C’était important pour nous de bien nous entourer dès le départ. J’ai la chance d’avoir comme mentor Pierre Fontaine, qui est arboriculteur et biologiste de formation. Il m’aide à développer une vision à moyen et long termes pour la gestion de l’érablière, plutôt que de penser uniquement à court terme. Concrètement, nous laissons des billots de bois et des tas de branches sur le terrain pour favoriser l’habitat faunique et nous avons adapté nos méthodes de récolte pour éviter la compaction du sol, notamment lors de la sortie des troncs. Nous prévoyons aussi de réaliser des analyses de sol pour affiner notre approche.
Une phrase que mon grand-père répétait souvent me guide encore aujourd’hui dans mon travail : « Ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait ». C’est une philosophie que j’essaie d’appliquer autant dans mes choix environnementaux que dans l’ensemble de mes projets.
JL : As-tu toujours su que tu voulais travailler à la ferme?
SMC : Oui. Pour moi, ça a toujours été une évidence! Depuis que je suis tout petit, j’aime les vaches et je savais déjà que j’irais étudier à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec, à Saint-Hyacinthe. Bien que l’agriculture soit un domaine pour lequel l’expérience est source d’apprentissages, j’ai grandement appris grâce à ma formation. Avant de débuter le programme, je me disais que je connaissais déjà bien mon travail, mais j’ai beaucoup appris pour ce qui est du côté gestion et finances, de la gestion de l’étable à la gestion de la main-d’œuvre. C’est sans parler de l’effet de communauté!
Puis, à l’âge adulte, j’ai vécu une remise en question importante. Après 12 ans à gérer le troupeau, j’étais en train de m’épuiser. Je suis quelqu’un qui se donne des défis ambitieux et qui met tout en œuvre pour les relever. Je voulais développer la génétique du troupeau, améliorer les performances de l’entreprise, mais, peu à peu, je me suis oublié dans ce processus. C’est ce qui m’a amené à redéfinir ma place, autant dans l’entreprise familiale que dans le milieu agricole en général.
JL : En parlant de défis, tu as terminé ta première année de présidence à la Chambre de commerce de la région d’Acton, peux-tu nous parler de cette expérience?
SMC : Je crois que l’engagement dans la communauté fait partie de mon ADN, peut-être parce que j’ai vu mon père s’engager activement lui aussi, notamment comme président de la Caisse d’Acton. Ma première expérience en gouvernance a été au Club Holstein de Saint-Hyacinthe, et j’ai siégé à leur conseil d’administration pendant près de neuf ans.
Par la suite, c’est un ami, alors président du CA de la Chambre de commerce de la région d’Acton, qui m’a incité à m’y impliquer. Pour moi, c’était important d’y représenter le milieu agricole, un secteur central dans notre région. J’ai été administrateur pendant quatre ans, et à ma cinquième année, les choses se sont naturellement alignées pour que je prenne la relève à la présidence du CA. Cette expérience est très enrichissante pour l’entrepreneur que je suis. Ce défi me permet de rencontrer d’autres entrepreneurs et de m’en inspirer. Même si nos domaines varient, plusieurs outils, stratégies et réflexions sont tout à fait transférables. Cela m’ouvre à de nouvelles façons de penser pour l’entreprise agricole.
JL : Aurais-tu un conseil pour la relève agricole?
SMC : Un peu plus tôt, j’ai brièvement abordé le sujet de l’épuisement. Il y a quelques années, j’ai traversé un épisode de dépression, et ça m’a profondément fait réfléchir à la place qu’occupe la santé mentale dans le quotidien d’un entrepreneur agricole. Mon principal conseil serait de ne pas porter tout le poids de l’entreprise sur ses seules épaules. Il est essentiel de bien s’entourer et, surtout, de ne pas hésiter à parler de ce que l’on vit, même quand c’est plus difficile. La santé physique et mentale, c’est la base de tout. Prendre soin de soi, c’est aussi prendre soin de son entreprise, de sa famille et de ses projets d’avenir.
JL : Qu’est-ce que la coopération représente pour toi?
SMC : Pour moi, la coopération, c’est avant tout le sentiment de faire partie d’une grande famille. En tant que membre de la coopérative, j’aime le lien qui se crée avec les employés, qu’il s’agisse des experts-conseils qui passent à la ferme ou des gens que je croise dans les différents établissements d’affaires.
Depuis cette année, je participe au programme du FCARA, et les formations me permettent de mieux comprendre ce qu’est une coopérative et quel est son fonctionnement. Le FCARA me permet aussi de rencontrer des gens qui partagent la même réalité que moi partout dans la province. L’esprit de communauté est si important en agriculture!
Photo : Chambre de commerce de la région d'Acton
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