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Arbres de Noël : Bio et français

Produire des sapins de Noël au Québec, on connaît bien ça. Mais cultiver des sapins de Noël certifiés biologiques? C’est seulement depuis 2019 que c’est officiellement possible!

Lui-même producteur de sapins de Noël (bientôt certifiés) bio au Québec, Roger Tremblay explore les défis de sa nouvelle production, SAPINSdeSENS, située à Lac-Mégantic. Il a profité d’un séjour dans l’Hexagone pour approfondir ses connaissances grâce à l’expertise de trois producteurs français.

Une ferme québécoise en production bio

Roger Tremblay a acquis en 2021 une entreprise agricole déjà en production. Pourquoi opter pour les sapins de Noël? « Au secondaire, mon premier choix était de devenir ingénieur forestier. On avait 121 hectares (300 acres) à la ferme familiale, dont 20 hectares (50 acres) en forêt, et j’étais toujours rendu dans la forêt », raconte Roger, qui est également conseiller principal chez Sollio Groupe Coopératif où il contribue à plusieurs dossiers en responsabilité d’entreprise.

Passionné par l’environnement, il s’est donné comme mission de faire de l’agriculture biologique. La transition se fait par étape. Seulement trois des dix hectares de l’ancien propriétaire sont actuellement en culture. Le processus est toutefois enclenché avec Ecocert pour l’obtention de la certification biologique, prévue pour Noël 2025. 

Si les formalités administratives sont en bonne voie de se résoudre, les enjeux de production, d’éducation et de mise en marché sont bien présents.

3 défis de la production d'arbres de Noël biologiques

Quelques défis ressortent du lot pour la production d'arbres de Noël biologiques, par rapport à la production conventionnelle. 

1. La gestion des graminées

D'abord, la croissance d’un couvre-sol peut rapidement devenir incontrôlable. Entre les sapins, un couvre-sol composé à 40 % de pâturin, à 40 % de fétuque rouge traçante et à 20 % de ray-grass fleurit joyeusement au printemps chez SAPINSdeSENS. Il aide à protéger le sol de la sécheresse, à combattre les mauvaises herbes, à produire un bel engrais vert et à favoriser la biodiversité. Mal géré, toutefois, il pourrait engloutir les jeunes pousses de sapins.

2. L’éducation et le coût de vente

La clientèle est peu informée. Quand elle voit un sapin coupé, elle pense par défaut qu’il s’agit déjà d’un sapin biologique. Par conséquent, elle s’explique moins bien le prix de vente de 10 à 15 % plus élevé, souvent issu des coûts en main-d’œuvre.

3. Les imparfaits 

Les sapins de Noël biologiques, c’est comme les légumes imparfaits. Pas facile de produire 500 sapins exactement de la même grandeur, forme ou couleur!

Bref, la clientèle des sapins bio doit être mieux informée pour bien comprendre le coût d’achat et les petites imperfections qui pourraient venir avec leur conifère festif.

 

Des vacances éducatives en France

Est-ce que les défis sont les mêmes en France? Aux dires de Roger, oui! Mais les producteurs français ont quelques atouts dans leur manche, comme a pu le constater le producteur durant ses visites. 

Premier arrêt : SARL Cultivert

Chez SARL Cultivert, Jean Fournel a 25 000 sapins en stock. La petitesse de sa ferme a de nombreux avantages : la coupe des arbres est très tardive, donc leur conservation chez les clients est meilleure, et les pertes annuelles sont réduites. SARL Cultivert perdrait environ 10 % de ses sapins par année, alors que les gros producteurs s’attendent plutôt à des pertes annuelles de 20 à 30 %. 

Parmi les innovations technologiques qu’il a découvertes à la ferme, Roger note la faucheuse-débroussailleuse. L’outil, qui n’est pas manufacturé en Amérique du Nord à ce jour, agit un peu comme une souffleuse à neige qui s’installe devant la débroussailleuse. Il permet de naviguer entre les rangs de manière très précise au cours des deux ou trois fauches annuelles, mais exige une bonne quantité de main-d’œuvre, puisqu’il est petit.

Deuxième arrêt : Ferme Bertrand Dumay

Bertrand Dumay est ingénieur forestier de formation. Il cultive des sapins de Noël depuis 1992, et consacre 3,5 hectares de ses terres, situées à Quarré-les-Tombes à la production de sapins de Noël biologiques depuis 10 ans. 

« Si nous faisons une analogie avec le rock’n’roll, rencontrer Bertrand Dumay, c’était comme rencontrer Elvis! affirme Roger. Il a lancé l’industrie et inventé plusieurs machines lui-même. » Roger pense entre autres à une herse surélevée sur pneus qui chevauche les plants de sapin de moins de trois ans sans les arracher. Certaines dents de la herse sont également absentes, aux endroits où sont semés les jeunes conifères. 

« Ce qui m’a le plus impressionné, ajoute Roger, c’est qu’il atteint une densité de 7000-8000 sapins par hectare comparativement aux 3500 sapins par hectare au Québec. » Cet impressionnant résultat est possible grâce à la précision avec laquelle les sapins sont plantés et au fait que la clientèle française préfère se procurer des sapins de plus petite taille.

Troisième arrêt : SapinBio

La dernière visite était chez François Rousselin et sa mère, à SapinBio-Racines du Morvan, située à Autun. De nombreuses initiatives y sont prises pour limiter l’impact environnemental de la production. Les filets biodégradables sont tous en coton bio, pas en nylon. Des panneaux solaires ont été installés pour diminuer la consommation de carburant. Pour chaque sapin de Noël coupé, un autre conifère est replanté pour l’entreprise, en plus d’un arbre mis en place en forêt. 

Des tests sont également en cours pour prélever les sapins sans entraîner la mort de l’arbre. Les producteurs retirent une partie du sapin en laissant les deux dernières rangées de branches au bas de l’arbre. La souche, toujours vigoureuse, reste sur place. Avec un peu de chance, la repousse permettra à de nouveaux rois de la forêt de croître rapidement. Cette pratique favorise une régénération rapide en tirant avantage du système racinaire existant.

Toutes les mesures prises par l’agriculteur sont influencées par ses préoccupations liées aux changements climatiques. Le producteur craint qu’à cause des températures très chaudes et des sécheresses, il ne soit bientôt plus possible de cultiver des sapins de Noël dans les champs français. 

Cette visite dans l’Hexagone a été riche d’enseignements pour Roger Tremblay qui a pu constater que la culture de sapins de Noël biologiques y est bien implantée. On y retrouve d’ailleurs l’association Les Sapins Bio de France, dont sont membres les trois fermes qu’il a visitées pendant son séjour. En septembre 2023, la ferme SAPINSdeSENS est officiellement devenue membre de l’association.

Stéphanie McDuff

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires. 

Stephanie.McDuff@sollio.coop

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires.