Implanter des bandes fleuries pour sauver le sucre

En Belgique, des producteurs de betteraves sucrières implantent des bandes fleuries pour lutter contre les insectes nuisibles et attirer les pollinisateurs.

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Bandes fleuries en Europe
Bon voisinage : la bande fleurie semée de vesce commune, de sarrasin, de moutarde, de radis
et de tournesol attire des auxiliaires, mais sert aussi de tampon avec le champ de triticale bio du voisin.

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Étienne Gosselin

Agronome et rédacteur

Étienne est détenteur d’une maîtrise en économie rurale et œuvre comme pigiste en communications. Il cultive commercialement le raisin de table à Stanbridge East dans les Cantons-de-l’Est.

Depuis trois ans, la Raffinerie Tirlemontoise subventionne ses producteurs de betteraves sucrières en remboursant les coûts d’implantation de bandes fleuries semées généralement une dizaine de jours avant le semis. L’Union européenne a restreint, dès 2013, l’usage des néonicotinoïdes avant de les interdire complètement, d’où la recherche d’autres options pour lutter contre les insectes ravageurs. La raffinerie subventionne donc l’implantation de bandes fleuries à hauteur de 0,35 € par mètre carré. Résultat : 50 ha de bandes fleuries sur les 40 000 ha de betteraves cultivés par 3600 fermes.

Dans la commune de Perwez dans la province du Brabant wallon, où l’homogénéisation des paysages agricoles prévaut comme ailleurs en Occident, Thierry Masson de la Ferme Masson-Willems combat la monotonie avec trois races bovines (une pour la viande, une pour le lait de consommation et une autre pour le lait de transformation à la ferme), du blé, de l’épeautre, du maïs fourrager, de la chicorée, du lin textile, des pois de conserverie et de la betterave sucrière.

Dans cette ferme résolument mixte en agriculture raisonnée, on n’a jamais vraiment utilisé d’insecticides, pas même pour lutter contre les pucerons vecteurs de la jaunisse virale dans la betterave, qui peuvent réduire le rendement jusqu’à 40 % selon la bioingénieure belge Sylvie Decaigny, qui dirige les actions environnementales de la Raffinerie Tirlemontoise.

Pour les bandes fleuries dans les betteraves, on laisse les producteurs choisir leurs espèces, pourvu qu’on intègre au moins deux plantes mellifères dans le mélange à cinq espèces. Sylvie Decaigny apprécie particulièrement le tournesol, capable d’ajouter une famille botanique à peu près absente des rotations (astéracée) et de contrer l’agristigmatisation – soit le fait de pointer du doigt les agriculteurs pour les cocktails de pesticides qu’ils utilisent.

Appelés à documenter les effets des bandes à cinq espèces, dont au moins deux mellifères, les chercheurs du Centre wallon de Recherches agronomiques Louis Hautier et Margot Beelaert ont mesuré l’entomofaune dans la bande fleurie par rapport à 50 m dans le champ de betteraves. Résultat : huit fois plus de pollinisateurs et sept fois plus de prédateurs aériens des pucerons dans la bande fleurie!

« La bande fleurie est le gîte et le couvert des insectes prédateurs », explique Louis Hautier. Coccinelles, carabes, staphylins, syrphes et chrysopes, mais aussi des araignées, trouvent refuge dans la bande et contrôlent la population de pucerons. Diplômé en agronomie, Thierry Masson pousse plus loin ses expérimentations en cultivant un intercalaire de féverole-avoine dans l’entre-rang betteravier détruit au stade de six feuilles de la betterave, ce qui multiplie les « bonnes adresses » pour l’hébergement des auxiliaires!

Arbustes fleuris

« Thierry, c’est une espèce en voie de disparition », badine Hélène Aimont, chargée de mission biodiversité au Groupe d’Action Locale Culturalité en Hesbaye brabançonne. Cet organisme orchestre la transition vers des pratiques plus écologiques. Ainsi, en bordure des pâturages de Thierry Masson, on a planté des haies qui brisent le vent, font ombrage aux animaux, conservent l’eau dans le sol, font office de complément fourrager et attirent la faune à deux et à quatre pattes.

Noisetiers, cornouillers, sureaux, aubépines, rosiers et mûriers, entre autres, composent une haie plantée sur deux rangs, protégée d’une clôture électrique le temps qu’elle s’établisse pleinement avant d’être pâturée par les vaches de race Blanc bleu belge, Holstein-Friesian et Montbéliarde. Une mare et des pommiers à hautes tiges plantés en plein pacage ajoutent à la biodiversité. Comme pour donner raison à Hélène Aimont, un faucon crécerelle surplombe la parcelle, en vol stationnaire du Saint-Esprit, prêt à fondre sur un rongeur.

Ce dossier est paru dans le Coopérateur de septembre 2025 et a été produit dans le cadre d’une visite organisée par le Réseau québécois de recherche en agriculture durable (RQRAD). Une série de 19 capsules vidéo a été produite.

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