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Ferme Bélichel : Les défis de l’acériculture avec un évaporateur électrique

À notre arrivée à l’érablière de la Ferme Bélichel, dans la belle région vallonnée de Sainte-Sophie-d’Halifax, en plein pays de l’érable, nous constatons rapidement que nous n’avons pas affaire à une cabane à sucre traditionnelle.

De l’étable laitière à l’érablière, Marie-Pier Béliveau et Philippe St-Arnaud ont transformé leur ferme pour plus d’automatisation, moins de lavage et, surtout, plus de sirop d’érable.

L’intérieur de l’ancienne étable qui accueillait autrefois une soixantaine de vaches Holstein est maintenant bien différent. Tout de blanc immaculé, les murs intérieurs de l’érablière ressemblent davantage à ceux d’un laboratoire scientifique que d’une érablière.

À peine terminée cet été, la transformation complète de l’ancien bâtiment laitier donne maintenant à voir l’immense évaporateur Master-E 100 % électrique acquis auprès des Équipements d’Érablière C.D.L. à l’automne 2023 par l’acéricultrice Marie-Pier Béliveau et son conjoint Philippe St-Arnaud. Septième génération de la Ferme Bélichel, et presque autant à produire du sirop d’érable, Marie-Pier est véritablement la maître d’œuvre de cette transformation qui a mené l’entreprise vers l’électrification de ses équipements. La maîtresse des machines, si l’on peut dire!  

« Nous avons acheté notre première érablière en 2016 parce que mon conjoint s’est découvert lui aussi une passion pour l’acériculture et l’entretien du boisé. Cet investissement nous a permis de monter à 5500 entailles et d’apprivoiser le transport d’eau. Côté production laitière, nous étions à la croisée des chemins, parce que malgré les récentes rénovations de l’étable, nous savions déjà que notre passion était plutôt tournée vers l’acériculture. Nous ne sommes ni l’un ni l’autre des gens de vaches », indique la productrice.

Entretemps, la ferme acquiert un premier évaporateur électrique de la marque Tôle Inox : l’ÉCOVAP. « À ce moment-là, c’était vraiment une nouvelle technologie et ceux qui abandonnaient la bouilleuse au bois ou à l’huile n’étaient pas encore nombreux. Mais pour l’aspect environnemental et la consommation d’huile, c’est clair que je ne reviendrais pas en arrière. »

Des défis et de l’expérimentation

Avec leur première bouilleuse électrique, le couple, toujours aidé par les parents de Marie-Pier, doit relever bien des défis.

D’abord, le lavage de la machine est laborieux à cause de l’entartrage important qui bouche constamment l’évaporateur et se dépose sur les condenseurs. La région est en effet particulièrement réputée pour faire beaucoup de pierres de sucre. Ensuite, la force du courant électrique fait défaut pour faire fonctionner à plein régime tous les équipements en même temps – l’évaporateur et le séparateur par exemple –, ce qui mène une fois de plus les deux producteurs à la croisée des chemins, vers 2020.

« Nous avons lancé notre entreprise d’électricien en 2019 et là, ça ajoutait une autre entreprise à gérer, en plus de la production laitière et de notre dépôt de barils pour Citadelle. Les vaches sont vraiment devenues de trop à ce moment-là! Nous avons alors songé à transformer l’étable en nouvelle érablière, beaucoup plus près de notre domicile. Nous avions aussi l’occasion d’acquérir une autre érablière de 7000 entailles, alors le timing était parfait. C’est donc là, en février 2021, que nous avons fait encan et que nous avons plongé complètement dans l’acériculture. Nous avons entamé des travaux pendant deux années pour entièrement restructurer l’étable. Mon conjoint Philippe y est pour beaucoup dans ce projet. Je suis très fière de ce qu’il a accompli », souligne Marie-Pier, administratrice de VIVACO groupe coopératif.

En rapprochant le lieu de transformation de l’eau d’érable de la maison familiale, la possibilité d’augmenter la charge électrique devenait aussi réalité. « Nous pouvions alors être raccordés au courant triphasé. Nous avons donc envisagé de changer notre évaporateur ÉCOVAP pour un modèle plus perfectionné de la même marque. Même si j’aime le principe, le problème de la manipulation et du nettoyage de la pierre de sucre revenait encore avec cette machine. Et mon but, dans tout cela, c’était d’être le plus autonome possible dans la production de sirop, en laissant à Philippe l’entretien des érables et de nos boisés. »

Le robot de traite du sirop!

En 2023, le couple entend parler d’un prototype de la marque C.D.L. fabriqué en Beauce : l’évaporateur Master-E. « Nous en avons vu fonctionner un à Saint-Henri et un en Beauce. Il y avait peut-être dix producteurs qui en possédaient un à ce moment-là. Mais ce qui attirait notre attention, c’était la fonction lavage qui était automatique avec un simple bouton et qui réglait notre problème de pierre par le fait même. La machine a la capacité de faire son lavage automatique de nuit, sans aucune autre manipulation. En plus, elle atteint 66 °Brix à environ 88 °C (190 °F), ce qui est moins chaud que les autres évaporateurs. Ça fait en sorte que la pierre n’a pas autant le temps de durcir et qu’elle devient plutôt gélatineuse, ce qui favorise un bon nettoyage de la machine. Le contrepoids de ceci, c’est une difficulté accrue pour filtrer le sirop, ce qui nous oblige à ajouter de la poudre pour un bon pressage. Nous ne pouvons pas tout avoir », lance en riant Marie-Pier.

2024 à la vitesse grand V

Entre l’automne 2023 où le couple installe son Master-E et le début de la saison des sucres 2024, le temps passe vite comme l’éclair. « Ç’a été une saison très stressante, car les travaux de rénovation de l’érablière n’étaient pas tout à fait terminés et la saison a débuté très tôt. La saison a été très dure pour le filtrage du sirop en plus. Néanmoins, nous avons eu un service technique constant et ultra performant de la part de C.D.L., ce qui nous a rassurés et aidés. »

Des constats, Marie-Pier Béliveau a été à même d’en faire plusieurs pour cette première saison avec le Master-E. Le plus important : la machine est très efficace et fonctionne comme un robot de traite. Elle ne reviendrait jamais en arrière.

« Plusieurs choses nous ont frappés ce printemps. Premièrement, notre eau est très ferreuse, donc nous avons dû nous munir d’un adoucisseur d’eau, ce qui a réglé le problème des couches qui s’accumulaient dans notre compresseur. C.D.L. a aussi bien travaillé à l’amélioration de la machine en fin de saison et je suis très confiante des modifications pour 2025. »

« Ce qui est très bien avec ma nouvelle installation, ajoute l’acéricultrice, c’est que je peux faire bouillir l’eau d’érable aux deux jours seulement si je le souhaite. Donc, séparer une première journée et entreposer le tout dans le bulk tank, puis faire bouillir le lendemain. Ça me donne beaucoup plus de marge de manœuvre pour planifier mes journées et concilier le travail, la famille et les entraînements de basketball que je supervise. »

L’intérêt pour les évaporateurs électriques se fait de plus en plus sentir et plusieurs producteurs acéricoles se sont déplacés ce printemps pour venir observer la machine de Marie-Pier. « Je suis parmi les seuls qui possèdent ce type d’évaporateur dans la région, alors ça attire la curiosité. C’est vraiment une machine d’avenir. Mais une chose est sûre, je vais être beaucoup plus recevante en 2025, parce que mon installation va être encore plus au point et je vais être bien plus calme. J’atteins maintenant l’objectif que je m’étais fixé au départ, soit d’être autonome dans ma production de sirop d’érable », conclut Marie-Pier Béliveau.

Photo : gracieuseté de Marie-Pier Béliveau

Véronique Lemonde