
Au cours des dernières semaines, Olymel a procédé à plusieurs aménagements dans les abattoirs pour assurer la sécurité des travailleurs et abattre le plus grand nombre de porcs. La situation est sous contrôle, mais pour les producteurs, il reste encore trop de porcs à abattre. Entrevue avec le PDG d’Olymel, Réjean Nadeau.
Pourriez-vous faire le point sur la situation de la production dans les différentes usines d’Olymel?
À compter de cette première semaine de mai, nous devrions atteindre près de 95 % de notre capacité d’abattage dans le porc. J’émets une réserve, car nous avons rappelé des employés et notre capacité dépendra du taux de réponses positives.
Pour ce qui est de la volaille, nous serons presque au maximum de notre capacité. Nous avons dû réduire certaines activités de transformation, compte tenu de la diminution drastique de la demande notamment celle du Service alimentaire qui dessert les hôtels, les restaurants et les institutions (HRI).
Que fait Olymel pour aider les producteurs pris avec leurs porcs prêts pour l’abattage?
D’abord, nous nous concentrons sur l’abattage au détriment des produits à valeur ajoutée, pour le Japon par exemple. Aussi, nous demandons à nos employés de faire des heures supplémentaires. Toutefois, comme le choix de faire des heures supplémentaires s’effectue sur une base volontaire, plusieurs s’en tiennent aux heures régulières de travail. Nous avons également annoncé, le 24 mars dernier, le versement d’une prime de 2 $ par heure travaillée, et ce programme a été étendu aux heures supplémentaires et reconduit jusqu’à nouvel ordre.
Il y a, à ce jour, plus de 100 000 porcs en attente au Québec, et nous travaillons très fort pour réduire ce nombre. L’abattage humanitaire ne sera qu’une solution de dernier recours.
La fermeture de nombreux abattoirs aux États-Unis a entraîné une chute radicale du prix du porc vivant. Quel est l’impact pour Olymel?
Le prix du porc vivant a effectivement baissé au cours des dernières semaines, mais ce n’est pas le prix qu’Olymel paye aux producteurs, compte tenu de la décision de la Régie des marchés agricoles et agroalimentaires qui fait payer aux transformateurs un prix basé sur une formule dite « cut out ». Ce prix est nettement en hausse en raison de la fermeture de nombreux abattoirs américains. Olymel a aussi été frappée par la COVID-19 et a fait le choix de favoriser l’abattage du plus grand nombre de porcs au détriment de ses valeurs ajoutées, ce qui fait que la formule « cut out » n’est plus adéquate, du moins pour quelques mois.
Sur le plan des marchés, la fermeture de plusieurs abattoirs américains offre-t-elle des débouchés à Olymel?
En fait, ces fermetures nous enlèvent un débouché, car pour éviter d’accumuler des porcs en attente, nous vendions une certaine quantité de porcs vivants à ces usines. On ne peut plus le faire, car beaucoup de ces usines américaines ont été fermées à la suite d’éclosions de la COVID-19.
Mais sur le plan des pièces de viande ou de la viande transformée, il doit y avoir une plus grande demande?
La réduction des activités dans les produits à valeur ajoutée a débouché sur une plus grande rareté de viande sur le marché et une augmentation du coût de la matière première. Pour répondre à nos propres besoins de surtransformation, nous devons nous approvisionner à l’externe et, dans les conditions actuelles, cela affecte négativement nos marges dans la surtransfomation.
Et comment est la situation des travailleurs?
Elle s’améliore de jour en jour. Le nombre d’employés qui ont été infectés par la COVID-19 dans l’ensemble des usines est de 276. La plupart de ces cas sont guéris. L’usine la plus affectée est, comme vous le savez, Yamachiche que nous avons fermée pendant 14 jours. Dans cette usine, 132 cas ont été testés positifs, et très peu d’entre eux ne sont pas guéris. D’autres usines ont été touchées, mais dans la majorité, nous n’avons enregistré aucun cas.
Quelles mesures additionnelles ont été prises pour assurer la sécurité des travailleurs?
Nous avons consacré plusieurs millions de dollars à mettre en place des mesures de protection. En voici quelques-unes : échelonnement de la production sur deux quarts de travail, dans certaines usines, pour permettre la distanciation sociale recommandée; offre d’outils de protections individuelles, tels que cagoules, masques, séparateurs en Plexiglas pour les lieux où la distanciation recommandée est impossible; agrandissement des aires communes, telles que les vestiaires et les cafétérias et désinfections fréquentes de ces lieux; ajout de roulottes ou de tentes pour offrir plus d’espace aux employés.
L’aide du gouvernement fédéral aux étudiants, aura-t-elle un impact négatif pour Olymel?
C’est assurément un frein au retour des quelque 1000 étudiants que nous embauchons chaque année, même si les salaires horaires que nous offrons sont supérieurs à ce qu’ils peuvent recevoir du gouvernement. Compte tenu de la flexibilité du programme gouvernemental, un étudiant peut travailler seulement deux à trois jours et compléter son revenu avec la compensation du gouvernement. Ce n’est pas aidant pour nous.
Comment se porte votre usine de Red Deer, en Alberta?
Nous avons ouvert un deuxième quart de travail pour maintenir le même volume d’abattage et assurer la sécurité des travailleurs. Il y a des coûts qui y sont associés, mais il n’y a aucune baisse de production.
Dans tout ce branle-bas de combat, est-ce que la Chine est toujours approvisionnée à la hauteur de ses besoins?
Les États-Unis exportent de plus en plus en Chine. Nous y envoyons aussi le maximum qu’il nous est possible de faire. Ce qui freine l’exportation vers la Chine, c’est davantage l’aspect logistique. Elle n’est pas organisée pour recevoir autant de viande de partout dans le monde. Avec sa propre baisse de production de porcs de près de 50 % [en raison de la peste porcine africaine], ce qui représente 25 % de la production de porc mondiale, la population a dû se résigner à réduire sa consommation.