Illustration : Annabelle Metayer
Parmi tous les articles que le Coopérateur a publiés à ce jour (le magazine aura bientôt 50 ans), il n’a jamais fait parler les producteurs de la relation particulière qu’ils entretiennent avec leur coop. Voici trois qui ont accepté de nous parler de cette relation d’affaires et de solidarité qu’ils ont établie avec leur coop.
Rémy Gauthier : ma coop, c’est aussi un lieu de vie
Parler avec Rémy Gauthier, c’est revoir l’histoire de l’agriculture avec un grand « A » : la transformation des pratiques à travers les années, l’élevage porcin avec ses hauts et ses bas, et les changements dans le mouvement coopératif. Originaire de Saint-Irénée, la famille Gauthier a vécu intimement ces changements, sans jamais hésiter à « embarquer dans le bateau », qu’il s’agisse de l’élevage de porcs, des nouvelles technologies ou de la Filière porcine coopérative.
C’est au nom de l’efficacité que les Gauthier ont pris le parti de la Filière porcine coopérative dès ses premiers pas, après avoir été des pionniers de l’élevage dans Charlevoix. « Au début, ce n’est jamais facile, mais on doit bien partir de quelque part », plaide Rémy Gauthier en parlant du lancement de la Filière porcine, en 2011. « Mais aujourd’hui, les résultats finaux d’Olymel sont très bons. » C’est toute la différence, justement, entre une entreprise privée et une coopérative, estime le producteur. Les membres ont de l’espace pour s’exprimer et prendre des décisions dans la seconde. La richesse est partagée dans le réseau. Et c’est dans ce creuset que peut se créer un sentiment d’appartenance.
C’est toujours avec en tête l’idée de demeurer compétitifs que les Gauthier ont pris la balle au bond quand on leur a demandé de tester les premières technologies de gestion animale. Ils ont fait leurs premières armes avec le logiciel de conduite de troupeau Logiporc. D'autres programmes ont suivi, avec parfois plus ou moins de succès. Depuis 2012, ils utilisent l'outil Winporc, dont la banque de données est hébergée à Saint-Hyacinthe, chez Olymel.
Chacune des fermes de la famille possède son ordinateur, tout comme chacun de ses membres. Ils ne s’en passeraient plus, maintenant. « C’est la clé, dit Rémy au sujet des nouvelles technologies. C’est un bel outil de travail, rapide, efficace. Bientôt, on travaillera chacun avec nos tablettes et nos téléphones. On n’aura plus besoin de cartes et de retranscrire des données. »
Au-delà de la technologie demeurent les relations interpersonnelles. Les Gauthier prennent soin de leurs employés. Ils les considèrent comme des piliers essentiels de la ferme. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle chaque année, avant la période des Fêtes, ils invitent l’ensemble des employés à une soirée organisée pour souligner leurs efforts.
C’est aussi le genre de relation que la ferme entretient avec son expert-conseil, Nicolas Tremblay. « Travailler avec Nicolas est toujours agréable. Il est doué d’une efficacité hors pair, en plus d’être à l’avant-garde lorsqu’il s’agit de repérer les besoins de chacun », indique Rémy, qui se garde une réserve pour ne pas mettre à mal l’humilité de Nicolas.
Par ailleurs, Rémy participe au tournoi de golf annuel organisé par sa coopérative au Manoir Richelieu. C’est la seule fois de l’année qu’il joue au golf, pour renouer avec les collègues et amis et se retrouver dans ce décor enchanteur. Il en va de même pour les autres réunions auxquelles il assiste, en lien avec le secteur porcin et le syndicat agricole : elles sont plus que des rencontres d’affaires. Elles permettent de créer des liens d’amitié, qui deviennent précieux au fil des ans. Les conjointes et conjoints sont aussi présents à ces rencontres, ce qui contribue à renforcer davantage les relations.
« Les jeunes magasinent plus leurs fournisseurs, soutient le producteur. Mais trop magasiner finit par nuire à l’entreprise, si on change toujours de partenaire d’affaires. » Quoi qu’il en soit, Rémy conserve de bons espoirs pour l’avenir. Le mouvement coopératif saura répondre aux besoins des membres – même si lui-même aimerait parfois « qu’on aille plus loin, plus vite ». Il y aura toujours de la relève pour prendre les rênes et guider les coopératives, car « quand on va à la coop, on a l’impression qu’on est chez nous ».
Ma coop en trois mots : collégialité, fidélité et efficacité
Jérémie Pittet : ma coop, un partenaire d’affaires
Bercé depuis sa jeunesse par les valeurs coopératives, Jérémie Pittet a maintenant l’occasion de les appliquer en tant que repreneur de la ferme laitière familiale, située à Saint-Tite. Comme il le dit, ces valeurs sont « bien ancrées » dans sa perception des choses. Il croit toujours en la pertinence du réseau. La preuve, il a siégé pendant quelques années comme administrateur à La Coop Univert (devenue La Coop Novago).
La Coop constitue encore le principal fournisseur de la ferme, tant pour les champs que pour les animaux. Les deux experts-conseils qui travaillent avec la famille Pittet sont également considérés comme un atout de taille, puisqu’ils peuvent compter sur l’expertise d’autres conseillers de La Coop fédérée pour venir en renfort lorsque nécessaire. « C’est ce qui fait la force du réseau et sa plus grande plus-value », estime Jérémie.
Le jeune entrepreneur agricole observe toutefois que les relations entre la coop et les membres tendent à changer. Les défis abondent pour les producteurs, tout comme pour l’ensemble du secteur agricole, qui évolue rapidement. C’est d’autant plus vrai dans le cas de Jérémie : ce repreneur qui mène de front plusieurs projets sera en plus, très bientôt, papa.
Le lien d’affaires entre la Ferme Pittet et le réseau est encore plus étroit qu’avant. À titre d’administrateur, Jérémie avait à cœur de placer en priorité le point de vue des membres. Assumant maintenant un rôle de membre client, il s’attend toujours à ce que tout le monde y trouve son compte. Et sa coop y parvient, selon lui. « La concurrence est très, très forte dans ces secteurs [productions végétales et animales]. Ce n’est pas que les autres ne sont pas bons, mais Novago relève bien le défi de servir les membres. Cependant, elle doit offrir encore plus pour garder ses parts de marché », estime le producteur.
Avec le contexte économique qui évolue, les besoins des producteurs changent également. La question des coûts est une préoccupation pour chacun, indique Jérémie. « Ce qu’on veut, c’est un partenariat qui est en mesure d’offrir des services et des produits, et qui peut s’adapter. Notre ferme évolue constamment, et nos besoins aussi. »
Jérémie estime que les récentes fusions répondent justement à des questions d’efficacité et de performance, dans un milieu où la concurrence est forte. Il ne voit que des avantages à ces regroupements. Il s’attend à ce que les services offerts demeurent les mêmes et soient encore meilleurs, que les entreprises agricoles soient petites ou grosses. « La taille des fermes ne change rien. Le réseau doit offrir des services et suivre les fermes dans leurs visions et manières de faire, avec chacune leur philosophie. Ça doit demeurer un service de proximité efficace, avec des experts sur le terrain. »
Ce qui changera la donne pour l’avenir, selon lui, c’est le sentiment d’appartenance. « On est quand même fiers quand notre coop fait un bon coup, par exemple lorsqu’Agropur achète une entreprise aux États-Unis. C’est des sous qui reviennent ici, ce qui n’arrive plus si souvent. C’est une fierté. »
Jérémie a d’ailleurs bon espoir que le réseau saura demeurer innovant pour suivre ses membres et ses clients, tout en continuant à les aider à saisir les occasions d’affaires qui s’offriront à eux.
Ma coop en trois mots : innovante, visionnaire et performante
Marilyn Côté : jamais sans ma coop
Marilyn Côté a Nutrinor coopérative tatouée sur le cœur. C’est en quelque sorte un héritage que lui a légué son père, lui-même fier membre de Nutrinor et fervent défenseur des valeurs de la coopération. Depuis qu’elle est toute jeune, et encore plus depuis qu’elle a repris la Ferme des Papinas, elle a vu ces valeurs à l’œuvre. « J’ai toujours côtoyé la coop. J’ai vu que la ferme et la coop travaillaient dans le même sens. Il y a des liens forts et conscients qui unissent la coop et ses membres. » Marylin est d’ailleurs bien placée pour connaître le travail qui se joue en coulisses afin de renforcer ces liens, puisqu’elle est administratrice à Nutrinor.
Marylin est encore plus consciente de cette relation depuis qu’elle a remporté le prix Transfert de ferme 2015, remis par La Coop fédérée. Elle a suivi le cours sur l’entrepreneuriat agricole, offert par l’Université Laval. Elle en est ressortie avec une bourse en poche et un réseau de contacts enviable pour une jeune entrepreneure.
Le dynamisme fait la force et la renommée de Nutrinor depuis plusieurs années. La récente fusion avec La Coop des deux rives lui a permis de conserver une grande force dans la région, estime Marilyn. « Elle élabore des produits et services pour toute la région, et les producteurs en ressortent gagnants », souligne la jeune femme. La fusion a aussi consacré un état de fait, puisque certains producteurs étaient membres des deux coops à la fois. Dorénavant, les services et approvisionnements se feront dans une même entité et apporteront aux membres des bénéfices encore plus intéressants. La résolution sur le regroupement a d’ailleurs recueilli une approbation de 90,7 % des membres.
Cette synergie, Marilyn la retrouve dans l’équipe qu’elle forme avec son experte-conseil. « Les experts-conseils ne donnent pas seulement un service. Ils ont à cœur d’avoir une vraie relation et de faire du développement de l’entreprise leur priorité, autant que le producteur. » Cela se traduit par les outils qui sont mis à sa disposition. Avec Lactascan, elle contrôle l’alimentation du troupeau et la moulée. Quant à l’envoi des factures par Internet, il l’aide à gérer la paperasse. « J’avais l’habitude de perdre mes factures », dit-elle, sourire en coin. Même chose pour les commandes de moulées par texto : c’est facile, pratique et actuel!
Depuis son arrivée au conseil d’administration, la jeune productrice a pu participer au plan de développement réparti sur trois ans qu’offre Nutrinor. La coop est en bonne santé financière malgré les défis, et le but est de continuer à développer la région tout en ayant à cœur la pérennité, fait valoir Marylin. « Il faut, en tant que coop, essayer de se démarquer sur le marché et créer des produits inimitables et durables. »
La productrice rappelle que cette tâche est toutefois le résultat d’un consensus, élément primordial pour rallier les membres. « Si le travail est fait en consultation, les gens embarquent et tout le monde est fier. »
Ma coop en trois mots : unique, innovante et diversifiée