Prix relève Sollio – Ferme Karona : Se relever pour prendre la relève
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À la Ferme Karona, il y a un « avant » et un « après » l’incendie de 2018 qui a ravagé l’étable et le troupeau d’éleveurs qui ont fait classer « excellentes » plus de 100 vaches en carrière. Avant de prendre la relève : se relever.
Catégorie transfert | Ferme membre de VIVACO groupe coopératif
Dans l’entrée de la nouvelle étable, le mur des célébrités bovines impressionne. « Odrey a fait un tableau pour se rappeler le nom et la place des 75 vaches au moment du feu », évoque Pierre Caron, père d’Odrey et Pierre-Olivier. Si l’incendie provoqué par l’embrasement d’un tracteur a emporté en quelques minutes l’étable, les bannières, les trophées et les deux plaques de maître-éleveur, le noyau génétique est resté à peu près intact grâce aux taures qui étaient logées dans un autre bâtiment et qui n’a pas été touché par l’incendie. « De l’étable en feu, on a réussi à sortir dix vaches et le biostat », rapporte Pierre-Olivier. Chez Karona, presque 100 % des vaches classaient excellente à leur troisième veau et plus. Profondeur et constance!
Même si le ciel s’est écroulé sur la famille Caron, il n’y a pas vraiment eu de moment de flottement où on aurait prononcé l’abandon de l’élevage laitier dans le 11e rang de Plessisville : on reconstruirait, même si on venait de réinvestir dans de nouveaux tapis pour les vaches, chouchoutées, aux queues toujours propres et brossées pour ne pas décevoir de fréquents visiteurs, prévus ou impromptus. « Ils ont une renommée et c’est tout un honneur de les accompagner », mentionne la technologue Caroline Tanguay, l’experte-conseil ruminant de Sollio & Vivaco Agriculture coopérative suit la Ferme Karona depuis deux ans.
La haute génétique, les transferts embryonnaires, les expos agricoles : Pierre-Olivier, alias P-O, a baigné dans cet environnement toute sa jeunesse. La piqûre, il l’a eue en paradant des génisses et en préparant des animaux dans de grands événements avec des férus comme le technologue Francis Bilodeau de Sollio & Vivaco Agriculture coopérative. Après ses études à l’ITAQ, P-O a fréquenté l’Université Laval. Avec deux diplômes en poche, il pourrait pratiquer l’agronomie – ou prendre la relève.
La deuxième option a prévalu. Un an à peine après sa sortie de l’école et un an avant l’incendie, P-O entamait le transfert avec son père, obtenant 50 % des actions dans une formule prêteur-vendeur sans intérêt. En 2023, le transfert était complété, après six mois de démarches administratives. Louise, la conjointe de Pierre, a coordonné les rendez-vous et s’est occupée de la paperasse pour le transfert à Pierre-Olivier, devenu propriétaire, à 30 ans! « Nous étions prêts mentalement tous les deux à transférer », assure le diplômé en agronomie.
« Transfert ou pas, la dynamique n’a pas changé », poursuit-il. Au quotidien, Pierre est encore le premier arrivé à la ferme! Il est capable d’interroger le robot de traite pour connaître les vaches retardataires ou à problème. Bien que ce soit maintenant P-O qui ait la charge de la comptabilité, Pierre continue de lui donner un coup de main avec cette tâche.
On trouve aussi dans l’étable, surtout dans la section des veaux, Odrey, la sœur de Pierre-Olivier. Diplômée en cinéma, la vidéaste œuvre notamment pour les associations de race et les clubs Holstein. Travailler, depuis 22 ans, une trentaine d’heures par semaine à la ferme la fait décrocher du travail très cérébral de la production vidéo.
Pierre-Olivier a aussi la chance de compter sur l’appui moral et logistique de sa conjointe Jennifer Donahue, avec qui il a eu trois garçons. Rencontrée à l’université, Jennifer comprend bien le mode de vie qu’exige l’agriculture, étant elle-même conseillère en production laitière. À la maison avec les enfants et les tâches domestiques, P-O essaie de se reprendre durant la saison morte.
Même avec de bonnes études, le jeune homme demeure à l’affût des dernières pratiques et innovations en… déjeunant au resto! Une fois par mois, il partage un repas avec six autres producteurs laitiers qui ont – ou pas – pris la relève. « On se mentionne nos bons coups et nos moins bons, une belle forme d’entraide et de mentorat », juge-t-il.
Sa vision pour Karona? Difficile de ne pas mentionner le bien-être animal, même s’il était maximisé en stabulation entravée. Aujourd’hui, l’étable pouvant accueillir 120 vaches en lactation et qui en compte aujourd’hui 92 est aérée, munie de logettes flexibles, litière de sable, tapis dans les allées de circulation, douche pour rafraîchir les vaches. La qualité de vie, valeur importante des nouvelles générations, est améliorée avec les robots de traite et les rations qui se fabriquent et se distribuent mécaniquement. Le trio des Caron a transformé une tragédie en une opportunité de modernisation.
Pour Pierre, obtenir un deuxième titre de maître-éleveur, c’était son but. « Chaque génération a donné une direction différente à la ferme, observe-t-il. Pour mon père, c’étaient les champs et le drainage, moi c’était la haute génétique. À Pierre-Olivier de donner sa couleur à la ferme, selon ses priorités. »
Photo : Christophe Champion
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