Les conflits en entreprises, familiales et agricoles de surcroît, sont nombreux. Et ils peuvent faire bien des ravages. On en discute dans ce 7e épisode du Coopérateur audio avec Pierrette Desrosiers, psychologue, conférencière et coach d’affaires spécialisée auprès des entreprises agricoles, qui présente quelques solutions pour mieux gérer les différends.
Écoutez dès maintenant le balado sur Balado Québec, Spotify, Apple Podcasts et Youtube!
Transcription de l'épisode : La gestion des conflits
Stéphanie McDuff : Bonjour et bienvenue à ce nouvel épisode du balado Coopérateur audio. Je suis Stéphanie McDuff et je m'entretiens avec Pierrette Desrosiers, psychologue, conférencière et coach d'affaires spécialisée auprès des entreprises agricoles. Elle cumule plus de 25 années d'expérience en intervention auprès de près de 400 entreprises familiales. Elle collabore notamment à quelques médias agricoles, dont le Coopérateur, dans lequel elle partage ses lumières et son expérience auprès des producteurs et productrices agricoles. Aujourd'hui, elle vient nous parler plus spécifiquement de la gestion des conflits. Bonjour Pierrette!
Pierrette Desrosiers : Bonjour Stéphanie.
Pierrette, ce n'est pas la première fois qu'on se parle. On a discuté de plusieurs sujets au fil des articles pour le Coopérateur. C'est toi qui m'avais mentionné, un jour, qu'on devrait vraiment se parler de la gestion des conflits. Tu m'avais dit que ça représentait une assez bonne proportion des demandes en consultation que tu reçois pour ton cabinet. C'est donc ce qui m'amène à te demander : pourquoi c'est important d'aborder la gestion des conflits dans les entreprises familiales agricoles? Et en quoi le fait de faire des affaires en famille rend ça encore plus ardu?
Lorsqu'on regarde... On a des statistiques au Québec. On dit qu'il y a environ 14 % des entreprises familiales, tous secteurs confondus, qui vont passer le cap de la 3e génération. Ça, c'est la première grande statistiques.
Dans celles qui ne vont pas passer le cap, lorsqu'on regarde dans la littérature les causes, 90 % des échecs seraient reliés au facteur H, c'est-à-dire le facteur humain. Dans le facteur humain, on comprend que les conflits prennent une très grande place. On sait que la famille, c'est un peu un catalyseur. Lorsque ça va bien, l'entreprise familiale est comme un sol fertile avec de l'engrais. Mais lorsqu'il y a des conflits dans la famille, ça devient plutôt un parasite pour l'entreprise et l'amener à sa destruction.
Dans l'entreprise familiale, ce qui est particulier par rapport à une entreprise non familiale, ça le dit, c'est le mot « famille ». Ce sont toutes les histoires et les liens qui vont venir teinter la structure, l'organisation, mais aussi les relations.
Quand on pense au monde agricole, on ajoute une couche. Pourquoi? Parce qu'on est un à côté de l'autre. On se voit, on voit l'autre dans la cour, on est extrêmement près. Il y a très peu de limites et de frontières. Donc, ça rend exponentielles les sources possibles de conflit. Tout est dans tout, on est tout mélangé.
C'est pourquoi la gestion des conflits, dans les entreprises familiales, voire agricoles, c'est d'une grande importance, et c'est pour ça qu'il faut en parler.
Dans une entreprise familiale, tu n'as pas nécessairement le choix de ton associé qui fait partie de ta famille. Mais c'est tout de même une chose à considérer avant de commencer à dire que tu t'associes dans l'entreprise. À la base, quand on dit qu'on veut s'impliquer dans l'entreprise familiale, c'est quoi les ingrédients de base qu'on devrait considérer avant le début de l'association?
C'est un excellent point. On prend pour acquis que parce qu'on vient d'une même famille, ça va fonctionner. C'est un très grand mythe. Je dis souvent qu'à la base des éléments essentiels, mais insuffisants, on retrouve : un capital émotionnel
On doit avoir de l'amitié et éprouver un capital émotif pour l'associé avec lequel on va être. L'aimes-tu ton frère? T'entends-tu bien avec tes parents? As-tu le goût de faire affaire avec lui ou eux? Quand on regarde dans les études sur les familles, on parle de l'engagement émotionnel, c'est-à-dire jusqu'à quel point tu aimes beaucoup ou pas du tout un membre de ta famille. On va retrouver ça dans toutes les familles. Mais imagine qu'on ne s'entend pas déjà avec l'associé futur, que ce soit notre parent, notre frère, notre belle-soeur. Mais on se dit qu'on va faire des affaires ensemble et c'est une business de famille. C'est pratiquement voué à l'échec. Il y a des gens qui sont très engagés, qui sont à un bout du spectre. À 1, tu es très engagé émotionnellement. Ton associé, c'est ton best buddy. Tu irais à la pêche et en voyage avec lui. Tu as un grand capital émotionnel. Ça va te permettre de passer à travers des difficultés et des enjeux qui vont arriver. Et à l'extrême, quand tu es arrivé au 5, tu es très désengagé émotionnellement. Tu ne veux rien savoir de lui ou elle. C'est voué à l'échec, parce que lorsqu'il y aura des enjeux, tu ne seras pas capable d'aborder ça.
Et j'ai vu des parents qui se sont obstinés et entêtés à vouloir associer leurs enfants ensemble, et déjà à la base, on avait des signes fort importants que ce n'était pas des gens qui s'entendaient. Il n'y avait pas de respect mutuel. La confiance, c'est un autre ingrédient. Je demande souvent à mes clients : « Le trust-tu, ton partenaire? Fais-tu confiance à ton frère? » Quand je n'ai pas cet élément-là, ça veut dire que tout ce qui va être fait ou pas, va passer à travers un filtre de méfiance. Donc ça prend un grand capital émotionnel. Il faut avoir confiance en l'autre, avoir du respect, s'apprécier, apprécier les qualités de l'autre, accepter ses travers (parce que tout le monde en a). C'est un peu comme un couple qui va se marier ou en tout cas qui va faire une vie à deux. Tu ne commences pas ta vie à deux si t'as pas ces éléments-là.
Ça, ça va permettre de traverser les défis, les épreuves ou les conflits qu'on va rencontrer. Mais il y en a qui n'ont même pas ça à la base. Et on pense que parce que ce sont des gens d'une même famille, ça va fonctionner.
Donc quand on parle de la gestion des conflits, je dis « des conflits » parce qu'il y en a différentes sortes. Mais j'imagine aussi de différentes sources. Tu mentionnes la confiance qu'on peut avoir envers quelqu'un, le respect qu'on lui porte, l'amour, l'affection. Y a-t-il d'autres sources de conflits? Est-ce qu'il y en a qui sont un petit peu moins intrinsèques à la relation entre deux personnes? Est-ce que ça peut se manifester dans leur manière d'agir entre eux ou autre chose?
Quand les gens viennent me voir, avant d'arriver des stratégies, faut trouver ce qui ne va pas. C'est un peu comme aller chez le médecin, tu as un ensemble de symptôme et il va investiguer et faire un diagnostic avant de faire un pronostic et te donner une prescription. Il faut savoir ce qui ne va pas.
Quand on regarde les sources de conflit, on pourrait les diviser en deux grandes familles, et je vais en nommer plusieurs dans ces deux familles-là. Et il faut voir que ce sont des vases communicants et l'un n'exclut pas l'autre. Mais, par contre, il y a des conflits qui sont plus structurels et organisationnels. Je m'explique.
Ces conflits-là vont découler de la structure même de l'entreprise. C'est là qu'il y a des failles. On va voir des conflits au niveau des rôles et responsabilité. Soit qu'il y en a trop, ou on n'aime pas notre job, ou on a l'impression que l'autre n'a que les meilleures tâches et que c'est nous qui avons ce qui reste, ou ce n'est pas valorisant, ou on n'est pas valorisé ou reconnu. Ç'a vraiment un lien avec les rôles et responsabilités qu'on va avoir. Des fois, on va se chevaucher, ou on se marche sur les pieds, ou ce n'est pas clair, ou on ne s'entend pas sur comment doit faire ça.
Après ça, il y a des conflits au niveau du pouvoir et du contrôle. Ça, ç'a rapport avec la perception que j'ai que l'autre a plus de pouvoirs que moi sur la situation ou sur l'entreprise. On sait que, dans la vie, à peu près tout est une question de perception. À partir du moment que je perçois que l'autre a plus de pouvoirs que moi, même si l'autre ne voit ou ne ressent pas ça, on a un problème.
Ça, ça veut qu'une personne va me dire : « On le sait bien! C'est toujours mon frère qui décide tout. Tout ce qui est important, ça passe dans ses mains. J'ai pas un mot à dire et il contrôle tout. » Si je n'ai pas l'impression qu'il y a un équilibre à ce niveau-là, ça peut être une source de conflit.
Ensuite, on peut ne pas s'entendre sur les normes qu'on va donner pour les gens qui vont travailler dans l'entreprise. Surtout quand vont arriver les enfants. Combien ils vont être payés? Comment ils vont travailler? Qu'est-ce qu'on va leur demander? Comment on s'attend à ce qu'ils travaillent d'heures ou comment ils vont se comporter? Alors, on ne met pas de règles claires et on s'imagine, en tant que frères ou soeurs, et là les enfants commencent à entrer... Il ne faut pas que l'oncle dise grand-chose à notre enfant et que la bisbille pogne. On n'a rien établi de clair.
Il y a aussi toute la partie des conflits économiques. Ça, ça veut dire comment on va répartir les profits? Comment on va investir? Certains vont dire qu'ils vont vouloir plus investir dans le troupeau, dans le quota. L'autre, c'est dans les champs. Ou, il y en a un qui veut constamment investir dans l'entreprise, et l'autre se dit qu'il aimerait en avoir un peu pour soi, pour vivre un peu mieux, parce qu'il est tanné de prendre de l'expansion et juge n'avoir pas de vie. Bien sûr, ça fait référence aux valeurs qu'on a.
Des fois, on n'a pas du tout la même vision de l'entreprise, l'orientation. Où est-ce qu'on veut qu'elle s'en aille, cette entreprise-là? Il y en a un qui veut monter à 500 vaches. L'autre est à 100 vaches et se dit qu'il est correct et ne veut pas développer plus que ça. Je ne suis pas en train de dire qu'il y un modèle meilleur que l'autre. Mais c'est comme dans un couple. Il y en a un qui ne peut pas vouloir huit enfants si l'autre n'en veut pas. Il y a de quoi qui ne marchera pas! Il y en un qui veut aller en bio. L'autre voudrait rester dans le conventionnel. Donc on va avoir des conflits au niveau de la vision qu'on a et de l'orientation de l'entreprise.
Je pause des questions. Comment ça marche les congés, les vacances, les salaires? Souvent, les gens vont me dire : « Je te dis que les congés et les vacances, c'est pas trop clair. Ça dépend. Si mon frère en prend plus, je me dis que je peux en reprendre. » Encore là, c'est source de tension, parce qu'il n'y a rien qui est clair. Et ça, on comprend qu'on est parti des parents qui s'entendaient un peu sur l'oreiller avec leur structure. Mais à un moment donné, quand l'entreprise grossit, qu'on est quelques familles là-dedans, il faut se structurer. Et parce qu'on n'a pas cette structure-là, ça amène énormément de tension.
Donc, après, on va aller dans les conflits relationnels, qui peuvent découler bien sûr du fait qu'on n'avait pas de structure. Mais une chose assez claire d'après la littérature, c'est à quel point l'envie et la jalousie dans la fratrie va interférer beaucoup dans l'entreprise familiale. Et cette envie-là ou la jalousie dans la fratrie vient souvent d'enfants qui ont perçu, à tort ou à raison, que leur père ou leur mère avait une préférence. C'est comme si il y en un ou une qui doit constamment tenter de briller aux yeux de maman ou papa. Et ça, je vous dirais, même quand ils sont décédés. Je vois des gens qui ont 50 ou 60 ans qui me disent encore à quel point leur père n'a jamais reconnu ce qu'ils ont fait de bon. Ça amène des tensions énormes entre des enfants qui, rendus grands, sont encore en train de vouloir se chicaner la place pour briller aux yeux de leurs parents. Des conflits, des rivalités, des choses non résolues dans l'enfance, on va les amener dans l'entreprise.
Il y a les différences de valeurs, bien sûr. Et ça va interférer sur la vision. Mais par exemple, la personne qui veut profiter plus de la vie, plus d'équilibre travail-famille, et l'autre veut performer dans l'entreprise et est prêt à y investir toutes ses ressources (temps, argent, énergie). Donc, pour certains c'est l'entreprise en premier, et pour d'autres, c'est la famille. Il peut y avoir des problèmes de confiance en l'autre, comme on l'a dit tantôt. Percevoir que c'est inéquitable et injuste, la façon dont l'autre reçoit des traitements de faveur. Se dire qu'on en fait plus que l'autre et qu'il ne mérite pas le même salaire que soi.
Il y aura aussi tous les conflits générationnels, quand on se retrouve avec deux générations. Les parents et les enfants ne sont pas rendus au même endroit. Ils n'ont pas la même énergie ni, peut-être, les mêmes valeurs. Ça va amener des tensions sur la manière d'orienter l'entreprise.
Les conflits liés à la communication. On ne communique pas assez bien, ce n'est pas clair. Ou quand on communique, on se rentre dedans, on est malhabile, on blesse l'autre. Ça laisse des traces parce qu'on n'a pas su se donner des outils de communication qui étaient constructifs.
Et ensuite, toute la gestion du stress. Quand on en a trop, n'importe qui, qu'on travaille trop, qu'on est fatigué et épuisé, on a la mèche courte, alors les stresseurs et les conflits émergent parce que notre assiette déborde. Si elle ne débordait pas autant, on aurait plus de tolérance, de résilience. Lorsqu'il y a trop de stress dans l'entreprise, c'est sûr que ça fait sauter des coches et il y a des mèches qui sont courtes.
Il y a aussi tous les problèmes de santé mentale qu'on pourrait aborder dans un autre balado, parce que là on ouvre quelque chose de très grand. Mais on peut s'imaginer par exemple quelqu'un qui est bipolaire, qui a des troubles de l'humeur, qui a des high incroyables, puis tout à coup des dépressions. Donc dans ses high, il est en pleine expansion, en euphorie, il est irritable. Quelqu'un qui a un TDAH, un trouble du déficit d'attention sévère, qui n'est pas traité ni reconnu, et qui n'est pas outillé. Il y en a qui ont des problèmes de consommation. On va se retrouver avec des gens qui ont des dépendances : drogues, alcool, jeu, réseaux sociaux. Ça va interférer sur le rendement, sur le climat, bien entendu. Tout ça, les problèmes de santé mentale, sont quand même aussi importants. Souvent, ce n'est pas diagnostiqué. Soit qu'on ne le sait pas, on ne le reconnaît pas ou on n'a pas le soutien nécessaire. Et ça va venir mettre de l'huile sur le feu et amplifier des situations déjà assez difficiles.
Comme on le voit, des sources, et souvent, l'une n'exclut pas l'autre et l'une va finir par en amener une autre. Ça devient un peu comme un cercle vicieux, une boule de neige qui grossit. On s'imagine un problème qui en entraîne une autre. On se promène souvent entre la structure et les relations. Souvent, c'est un peu des deux. Mais le rôle d'un intervenant est de bien identifier où ça bogue en premier et sur quoi on pourrait travailler en premier qui amènerait à réduire des conflits. Se donner par exemple des paramètres au niveau des horaires de travail et de congé, et commencer à mettre des choses en place.
Justement, parlons de stratégies. Là, on a plein de sources de conflits, ce qui donne l'impression qu'on est une bombe à retardement de conflits potentiels! Alors c'est quoi les stratégies? Admettons qu'on a déjà un conflit, en ce moment. Qu'est-ce qu'on doit faire?
Bon. Comme je l'ai mentionné, ça dépend d'où vient le conflit. Ça ne sert à rien de travailler sur les horaires de travail si tout le monde est bien avec ça. La première étape, c'est identifier où ça fait mal. Et des fois, ça fait mal à plusieurs endroits. Et là, on se demande ce qui serait le plus important. Sur quoi on voudrait travailler en premier? Donc, on va y aller encore avec la même structure, je dirais. C'est qu'au niveau des meilleures pratiques, les entreprises familiales qui arrivent à être bien, rentables, mais aussi vivables, où on est contents d'être ensemble.
Dans mes interventions, je poursuis toujours deux objectifs qui doivent être en parallèle : il faut qu'on atteigne de la productivité et du bien-être. L'un ne va pas sans l'autre. Une entreprise bien productive technico-économique, qui pète des scores, mais on est à couteaux tirés et on est malheureux là-dedans, on ne fera pas de vieux os. Ce n'est utile pour personne. Et juste avoir du fun... On ne peut pas seulement faire le party dans l'entreprise, il faut que ce soit rentable.
On va regarder d'abord : est-ce que, au début, la vision, la mission, on est d'accord sur la direction où on veut aller ensemble? Parce qu'on a un problème si on ne veut pas aller du tout au même endroit ou si on a des valeurs très différentes. Donc on va essayer de s'entendre sur les valeurs communes, qu'on partage.
Ensuite, dans les bonnes pratiques, on va regarder les rôles et responsabilités. Jusqu'où on peut alléger et éclaircir, renégocier ça. Voir si on est bien avec ça et ce qu'on peut enlever ou déléguer. On va se donner des règles de fonctionnement. Justement, il faut voir à ça. Les congés, salaires, avantages, sans tomber dans du micro et s'enfarger dans les fleurs du tapis. Mais à un moment donné, il faut avoir des paramètres et se donner des moyens de se dire que si on n'est pas à l'aise avec ça, ou si on ne comprend pas et qu'on commence à être insatisfait avec ça, il faut être capable d'en parler.
Et tout ça, j'imagine que ça va être renégocier chaque fois qu'il y a une nouvelle personne qui s'ajoute à l'équipe, du moins aux associés?
Absolument. Ça, je dis toujours, c'est comme la vie à deux. Quand on s'embarque ensemble au début, on ne dit pas : « Bon, on s'entend là-dessus et on se reparlera dans 30 ans! » À partir du moment où il y a des changements, de la maladie, un enfant qui arrive, une naissance...
Les premières interventions que je fais servent à amener les gens à être plus à l'aise à parler ensemble pour qu'on soit capable d'aborder tout ça. Parce que pour arriver à aborder tout ça, il faut d'abord être capable de parler. Bon, je l'ai dit tantôt, communiquer, ça ne règlera pas tout. Tu me dis que tu veux 8 enfants. Je te dis que je n'en veux pas. On est clairs. Ce n'est pas un problème de communication, c'est qu'on ne veut pas aller au même endroit.
Mais être capable de se dire qu'on va devoir mettre des choses sur la table, mettre des enjeux, des attentes, des préoccupations, et se donner des moyens. Un temps, un moment, des séquences. On va faire des réunions. Mais accepter qu'on a des choses dont on va devoir parler, parce qu'on est des êtres humains. Et plus il y a des êtres humains dans la recette, plus il va y avoir d'attentes, de valeurs, de besoins différents. Chaque fois, bien sûr, qu'il arrive quelqu'un de nouveau, surtout s'il y a un associé, on doit revoir plusieurs choses.
C'est aussi de partager le pouvoir, de prendre des risques en commun. Je dis souvent aux gens qu'une des pires choses, c'est de prendre des décisions et de forcer une décision. Par exemple, quelqu'un veut acheter une terre, l'autre ne veut pas. Achète-la, et on verra bien. Et là, si ça ne marche pas, l'autre va dire : « Regarde, je te l'avais dit, je n'étais pas pour ça. » Non non. On prend les risques en commun, on réussit en commun et on se plante ensemble.
On fait les choses et on prend les grandes décisions. On prend le temps, pour arriver à un consensus. Ce n'est pas une question de vote. C'est une question de consensus pour arriver à prendre des décisions importantes ensemble. Ça, ça demande de faire de réunion ensemble, ce que la plupart des entrepreneurs ont de la difficulté. Parce que pour eux, c'est une perte de temps.
Et ça, je dis tout le temps que c'est un moyen, la réunion. Ce n'est pas une fin en soi. Si on se pogne à la gorge durant la réunion, c'est clair qu'on a besoin d'aide et qu'il faut se faire accompagner! Mais une réunion est un moyen de s'arrêter, de suivre ce qui se passe, de parler de ce qui s'en vient. De se dire que, par rapport à telle chose, il est arrivé quelque chose avec l'employé. « J'aimerais qu'on regarde comment on pourrait mieux gérer ça la prochaine fois. » Ça permet de faire le ménage et de prévoir ce qui va s'en venir. Mais pour ça, il faut accepter de se donner un moment, un lieu, une façon, et de dire que c'est une priorité de faire des réunions. Après ça, on trouve notre format et comment on va le faire.
Mais au niveau individuel, quand on parle de relations, ce qu'on en commun les entreprises qui réussissent et qui vont bien, on s'aperçoit que les gestionnaires, les associés, les patrons qui dirigent ont une bonne connaissance d'eux-mêmes. Il faut se connaître. C'est quoi mes forces, c'est quoi mes faiblesses, l'impact que j'ai sur les autres. Ils ont accepté de communiquer et ils ont développé des habiletés. Ils ont continué à travailler à s'améliorer au niveau des relations humaines. Ils prennent la gestion des conflits très à coeur. Ils ne laissent pas aller des choses en disant que ça va passer. C'est sûr qu'il y a de petites affaires, mais de façon générale, si c'est important, on en parle. S'il y a un éléphant dans la pièce, on va en parler. Ce sont des gens qui ont appris... qui ont le respect, l'empathie, la tolérance à un certain niveau. Pas parfait, là! Qui ont aussi la capacité de pardonner. Parce que l'autre, nécessairement, il va faire des choses que tu n'aimes pas. Comme dans un couple. Et là, si tu accumules tout ça dans le garde-robe et qu'à chaque fois, tu ressors ça, ça ne marchera pas. Ce sont des gens qui ont accepté, aussi, d'établir leurs limites, de parler de leurs limites.
Au niveau humain, pour que ça marche, comme dans un couple, il y a trois grandes stratégies :
1 - Accepter l'autre comme il est, avec ses travers, en tout cas en partie.
2 - Il y a une partie que c'est tolérer. La différence, elle est où? C'est qu'accepter, je n'en fais même plus de cas. Je ne sais pas, il est traîneux, il traîne dans le garage, et bah! Ça ne me dérange pas! Tolérer, c'est : « Hmmmm! Ça me travaille un peu, mais j'arrive à me dire qu'il est comme ça. »
3- Et l'autre va travailler un peu sur ses travers pour améliorer un peu sur ses travers pour améliorer un petit peu des comportements. Et là, je m'explique. Par exemple, celui qui est traîneux, mais l'autre, peut-être qu'il se ramasse à un excès qui en est aussi fatiguant. Chaque qualité peut avoir ses défauts. Mais, quand je collabore avec quelqu'un d'autre, qu'on se connaît et que je sais que, pour l'autre, c'est important telle chose, je vais accepter de faire des efforts. Je n'arriverai pas à me transformer au complet. On ne transforme pas les gens. Mais je fais un petit peu d'efforts et l'autre va tolérer et accepter.
Et ça, ce sont les stratégies qu'on voit dans les couples qui réussissent. La vie à deux, l'autre a des travers qui te tapent sur les nerfs. Mais ce qui fait qu'il y en qui, après 25-30 ans, ça va encore bien, oui, ils ont de petits accrocs, de petites montagnes russes. Mais ils ont accepté que l'autre avait telle caractéristique. Ils tolèrent certaines choses et chacun a fait des efforts pour modifier un peu des habitudes qui tapent sur les nerfs à l'autre.
C'est ce qu'on va voir que chacun que tient compte de l'autre. Et ça, ça demande d'avoir de la compassion et de l'empathie, et ça demande de dire qu'on est ensemble et qu'on a plus d'avantages à être ensemble dans l'équipe qu'être seuls. Ce sont des gens qui ont vu qu'ils avaient plus de gains à être ensemble, ils se complètent et ils apprécient l'autre pour ça.
Il y a un paquet de stratégies, mais il faut voir où ça accroche le plus, et il faut tous travailler sur nous-mêmes pour arriver à mieux travailler aussi en équipe. Alors, il y a des compétences personnelles et de groupe à développer.
Merci Pierrette, de ta visite.
Merci Stéphanie, merci au Coopérateur de m'avoir invitée.
C'est donc ce qui conclut l'épisode du Coopérateur audio. Pour ne pas manquer les suivants, suivez-nous sur votre plateforme préférée : Balado Québec, Spotify, Apple Podcast et YouTube. Si vous avez aimé l'épisode, laissez-nous également un avis. C'était Stéphanie McDuff, et ç'a été un plaisir de vous avoir moi et de pouvoir discuter avec Pierrette Desrosiers. À la prochaine!