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Les producteurs maraîchers dans la mouvance

Photo : Marc-André Van Winden. « Les travailleurs arriveront pour la plupart d’ici un mois. Nous demeurons somme toute optimistes. »

Les producteurs maraîchers québécois sont convaincus qu’ils ne pourront compter sur tous les travailleurs étrangers temporaires qu’ils ont l’habitude d’accueillir dans leurs entreprises. Ce qui mettra en déroute plusieurs de leurs activités saisonnières.

« Chaque année, 16 000 travailleurs étrangers temporaires affluent dans les fermes québécoises. Une main-d’œuvre absolument essentielle à la bonne marche des entreprises agricoles du secteur maraîcher notamment », fait savoir Marc-André Van Winden, producteur de 800 acres de cultures maraîchères au sud de Montréal.

Le Guatemala, par exemple, ne permet pas pour le moment à ses travailleurs de quitter le pays, dit-il. Le Mexique est aussi en situation d’incertitude quant à la possibilité de laisser aller ses travailleurs. Les gouvernements pourraient décider de fermer leur frontière. Rien n’est garanti à 100 %.

Nous ne pourrons vraisemblablement compter que sur une partie de notre main-d’œuvre, ajoute le producteur qui est aussi vice-président de l’organisme FERME, la Fondation des Entreprises en Recrutement de Main-d’œuvre agricole Étrangère.

« Pour ceux qui entreront au pays et qui seront accueillis dans nos fermes, nous devrons exiger une quarantaine complète de 14 jours. Les travailleurs devront donc être logés dans des chambres individuelles. Nous devrons assurer la disponibilité de beaucoup plus d’espace pour les recevoir pendant cette période », dit-il.

Ce qui compliquera, pendant cette période, de nombreuses activités. Pensons à l’épicerie. Si j’ai 40 travailleurs, et qu’ils sont en quarantaine, je ne pourrai moi-même faire 40 épiceries individuelles pour chacun d’eux. Nous avons pris des ententes avec des grossistes en alimentation pour faire livrer chacune de leurs listes d’épicerie à la ferme et que nous leur redistribuerons.

Nous devrons aussi leur avancer de l’argent pendant cette période de quarantaines de deux semaines. En temps normal, quand ces travailleurs arrivent, ils expédient une part de leur première paye à leur famille dans leur pays d’origine. Et une part sert aussi à faire l’épicerie. Dans la situation que nous vivons, ils seront 14 jours sans travailler. Sachant cela, certains travailleurs décideront-ils de ne pas venir ici? Cela représente des sommes importantes pour nous. Nous devons aussi assurer l’achat de billets d’avion sans savoir si tous nos travailleurs pourront se présenter. Il faut des vols nolisés. Et c’est complexe avec les compagnies aériennes, qui ont mis beaucoup d’employés à pied. En temps normal, il entre 7 vols par semaine pour accueillir les travailleurs étrangers, soit quelque 1000 travailleurs par semaine. Qu’en sera-t-il dans les semaines à venir? On ne le sait pas. Notre secteur fait face à une complexité énorme. C’est aussi le cas dans les productions animales, où les entreprises embauchent moins de travailleurs, mais pour une grande période, parfois jusqu’à deux ans. S’ils perdent ces employés, la situation devient extrêmement problématique, indique Marc-André Van Winden.

 

Nos solutions

Nous avons donc mis sur pied un plan de contingence. Pour contrer le manque de main-d’œuvre auquel nous allons assurément faire face, nous avons décidé de réduire de 30 % nos superficies en culture. Nous ne pourrons compter que sur 60 à 70 % de notre main-d’œuvre étrangère habituelle. Nous allons donc nous tourner vers du recrutement local auprès de gens qui ont perdu leur emploi, par exemple. Mais la situation n’est pas si simple. Vont-ils accepter de venir travailler à 15 $ l’heure alors que certains toucheront 2000 $ par mois du gouvernement canadien? Rien n’est moins sûr. S’ils acceptent, qu’adviendra-t-il lorsqu’ils seront réembauchés par leur employeur en juin, juillet, ou en août, lorsque, possiblement, les entreprises rouvriront? Une période cruciale pour nous, car c’est le temps des récoltes.

L’incertitude est très grande pour les producteurs maraîchers. On se réveille avec des boules de stress dans le ventre, dit-il

Comment vais-je supporter mes frais fixes si je ne cultive, cette année, que 500 ou 600 acres? Où couper? Je vais assurément favoriser les récoltes mécanisées, comme les oignons, par exemple, et réduire celles qui demandent beaucoup de main-d’œuvre, comme les laitues, les choux et les courges. Nous allons devoir travailler à minimiser nos pertes et à rationaliser nos opérations.

La situation met-elle en déroute l’approvisionnement de vos marchés locaux?

Avec la possible réduction de nos exportations, nous pourrons, si c’est la cas, transférer ces volumes vers nos marchés locaux. Mais si nous cessons, cette année, de livrer à nos marchés d’exportation américains, sera-t-il possible de les fournir à nouveau l’année prochaine? De repartir la machine? Auront-ils trouvé de leur côté d’autres fournisseurs? Les relations d’affaires seront-elles brisées? Voilà d’autres incertitudes.

Les travailleurs arriveront pour la plupart d’ici un mois. Nous demeurons somme toute optimistes. Ces travailleurs font dix fois plus d’argent ici qu’ils n’en gagnent dans leur pays. Une semaine ici équivaut à dix semaines là-bas. Trois mois ici, c’est presque trois ans de salaire là-bas. Mais s’ils ne peuvent entrer, en raison de restrictions de leurs gouvernements, ils vivront aussi des drames.

 

Patrick Dupuis

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

patrick.dupuis@lacoop.coop

patrick.dupuis@sollio.coop

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

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