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La résilience

Entrevue avec Francis Fillion et Claudia Morin qui ont vécu un drame familial.

Publié le 11 août 2020
Témoignage et entrevue
Mieux vivre
Rémy, Élisabeth, Claudia, Françis et Victoria de la Ferme Fipierre
Rémy, Élisabeth, Claudia, Françis et Victoria
Crédit : Christophe Champion
Image de Patrick Dupuis

Patrick Dupuis

Directeur et rédacteur en chef au magazine Coopérateur

Agronome diplômé de l’Université McGill, Patrick travaille au Coopérateur depuis une trentaine d’années.

Le 10 février 2012, le malheur a frappé sous le ciel de Saint-Romain. La douleur et l’horreur. Les deux filles aînées de Francis Fillion et Claudia Morin, Laurence (11 ans) et Juliette (8 ans), ainsi que Ginette Roy-Morin (70 ans), mère de Claudia et grand-maman des filles, ont été assassinées par le frère de Claudia, Pascal, aux prises avec de graves problèmes de santé mentale et de toxicomanie.

Lorsqu’un drame survient, lorsque des évènements bouleversent le cours de notre histoire, comment se relever? Où trouver la force de poursuivre son chemin, sa passion? Comment retrouver goût à la vie? La résilience, cette capacité à survivre en dépit de l’adversité, est-elle donnée à tous? Francis et Claudia ont accepté de nous parler de leur vécu.

Patrick Dupuis : Arrive-t-on à surmonter une telle épreuve? Où trouve-t-on la force d’être à nouveau heureux lorsque le désespoir est profond?

Francis Fillion : On ne peut pas savoir si on aura la force ou pas, tant qu’on n’est pas arrivé face au mur. Il y a des options dans la vie. J’crève, je survis, ou je vis. Tu prends l’option que tu veux. Tu fais les efforts, tu trouves la force. Dans mon cas, ç’a été ça. On fonce. Claudia était là. On avait nos deux autres enfants. La vie doit continuer et être encore belle.

Claudia Morin : J’étais bouleversée de ne pas pouvoir revoir mes grandes filles. Ma force, c’étaient Victoria, qui avait cinq ans, et Élisabeth, trois ans. On n’a pas le choix de se lever le matin, de préparer le déjeuner. On va chercher des outils et de l’aide. Il y en a de l’aide. On a eu Deuil-Jeunesse sur notre chemin, un organisme fondé par Josée Masson, une travailleuse sociale. Le deuil des enfants, c’est très spécifique. On ne va pas voir n’importe qui. Au départ, j’y allais beaucoup pour moi. Josée me donnait les outils pour parler aux enfants. Les enfants m’ont accompagnée, puis Francis. C’était devenu un rituel. Le matin, je voyais Josée. Ensuite, c’était ma journée. Francis, lui, allait dans le bois. Elle m’a dit d’être à l’écoute de nos besoins. Est-ce que je le sens? Est-ce que j’en ai envie?

FF : C’était la période des sucres, avant l’entaillage. On a eu énormément d’aide. Le voisinage, la famille, les amis. Le monde arrivait à pleine pochetée. On nous apportait de la bouffe. Ça entaillait, ça faisait le train… Ça aide, parce que tu sais pus où est le nord et le sud. Je suis allé consulter, mais j’ai plus trouvé ma force dans le travail, à continuer de me réaliser. C’était mon échappatoire. Tu t’occupes la tête. Oui, le nuage te suit tout le temps, mais si tu t’occupes, si tu te concentres à une tâche, et que pendant cette demi-heure-là tu n’y as pas pensé, c’est un p’tit baume, t’apprends à vivre avec ça. On n’efface pas ça comme une cassette. La joie de vivre est malgré tout revenue assez vite.

CM : Un jour que j’étais beaucoup dans ma tête – je parlais à ma mère des évènements et la questionnais à propos de mon frère Pascal –, on a reçu par la poste un tout petit livre, Prières pour ceux qui nous ont quittés, de Marylène Coulombe, une médium que nous avions pensé consulter, ma mère et moi, à la suite du décès de mon père. Un signe évident de maman. Malgré une liste d’attente de deux ans, elle a accepté de nous recevoir, Francis et moi. On s’y sentait comme à un souper de retrouvailles avec les filles, ma mère, mon père et sa grand-maman. C’était tellement vrai; ils nous guidaient, nous aidaient à vivre le quotidien. Ça nous a aidés à comprendre pourquoi mon frère en était arrivé à ça. La médium nous a donné des outils. Ce qui m’a marquée, c’est qu’elle a dit que je suis encore la mère de Laurence et Juliette, et qu’une façon de les aider, c’est de continuer d’être une bonne maman, de m’occuper de ma famille. Ça m’a beaucoup parlé. Juliette nous a dit, avec sa façon de s’exprimer, par la voix de la médium, que nous allions avoir un petit garçon.

FF : Juliette disait tout le temps qu’il y avait une souris qui courait dans son mur. « Papa, y a une souris qui m’empêche de dormir. » Je lui disais qu’on allait l’attraper quand elle sortirait. Une semaine avant qu’on se rende chez la médium, j’ai attrapé la souris dans l’escalier. À la rencontre avec Marylène, Juliette a dit : « Tsé, papa, ce qui me dérangeait, tu l’as eu, han! » Marylène ne pouvait pas savoir qu’on avait une souris dans la maison! Une fois sortis de la rencontre, on s’est dit qu’on n’avait pas le choix, qu’il fallait continuer.

CM : Je me suis dit : c’est pas vrai que mon frère va nous enlever ce qui nous reste; y en a assez enlevé. Je suis retournée travailler au centre hospitalier de Lac-Mégantic, on a eu un bébé, on a agrandi notre cabane à sucre pour y aménager un p’tit chalet, on s’est acheté une roulotte et une piscine, on a passé du bon temps en famille. Francis et moi, on voyait les choses de la même façon. Si j’avais été dépressive, je l’aurais tiré vers le bas. On avait des hauts et des bas, mais on avait une vision commune. Il y allait encore avoir de la vie chez nous.

FF : On n’est pas des lâcheux de nature. Qui fait ta vie? Les voisins, les évènements? Non, c’est nous qui organisons notre vie. Dans ces situations tragiques, 97 % des couples se séparent.

CM : On s’est dit : checkez-nous bien aller. Les rencontres de groupes ne nous convenaient pas, et on n’aimait pas l’étiquette de victimes. On a eu beaucoup d’aide d’une autre façon. À Mégantic, quand j’ai recommencé à sortir, des gens venaient me faire des câlins. Je parlais au monde, et on me disait que je leur faisais du bien. Ma gang de l’hôpital, du CLSC, les médecins… Le fils d’une collègue a fait une collecte dans l’usine où il travaille. On nous a invités à souper. On nous a acheté des accessoires pour bébé. Ils ont rempli le congélateur de nourriture. C’est la richesse d’être dans un petit milieu.

Nos filles sont encore là, leur mémoire est vivante! Même Rémy, notre plus petit, les connaît. Je suis tombée enceinte en juin 2012. Rémy n’a pas remplacé ses sœurs, mais la grossesse nous a aidés. L’accouchement a été très difficile. Il est né par césarienne. J’ai fait une hémorragie. J’ai reçu 17 transfusions. J’ai frôlé la mort. Rémy, c’est une petite boule d’énergie. C’est un soleil. Il ressemble à Francis.

FF : Il y a de la vie dans ce gars-là! Il aime tout ce que papa fait. Je me suis fait un cadeau. Je me suis acheté une voiture pour faire des expositions avec mes chevaux. J’ai mis les photos de mes filles, en mémoire, à l’arrière de ma voiture. Les filles aimaient les chevaux. Laurence avait fait parader son cheval, elle avait six ou sept ans, et elle avait un bras dans le plâtre.

CM : Je lui ai dit : « Attends pas d’avoir 75 ans, tu n’en profiteras plus. »

FF : On n’avait jamais voyagé en couple. On a décidé d’aller dans le Sud. Tu laisses tomber ton côté rationnel, qui te dit qu’il y a de l’ouvrage et que ce n’est pas payant.

CM : On part en camping en famille. On passe quatre, cinq jours dans les expositions. Ce sont des sorties qu’on ne faisait pas.

FF : Aux expositions, la classe que je préfère, c’est celle des jeunes éleveurs, qui font parader leur cheval. C’est mon plus beau cadeau, de voir mes enfants aimer ça. Je reviens de là crinqué à mort. Il faut trouver des façons d’agrémenter son quotidien. Si demain matin je tombe invalide, oublie ça, les projets, les rêves.

J’ai fait le ménage dans ma vie. La traite matin et soir, je trouvais ça trop prenant depuis longtemps. Je voulais construire une étable à robots. Mon côté rationnel me disait que je n’avais pas les moyens, que c’était cher, et mon père n’était pas d’accord. Mais je voulais plus de liberté, de flexibilité. C’était ça ou je délaissais le secteur. J’attendrai pas de mourir là. J’ai monté le projet. Mon père m’a appuyé. On l’a réalisé ensemble. On a doublé le quota. On a acheté le poulailler de notre voisin. Je suis un gars de défis. S’il ne se passe rien, j’haïs ça. Je ne peux pas rester arrêté. J’étais fonceur, oui; là, j’suis peut-être trop fonceur!

CM : C’est ta personnalité, t’étais comme ça avant.

FF : Tu pèses le pour et le contre, et tu dis : oui, je le fais. Tu fais ta vie. J’ai eu 40 ans il y a 2 ans, j’ai dit : je suis au tiers de ma vie. Je vais vivre 120 ans. [Rires] Des projets, j’en aurai. Je vivrais jusqu’à 200 ans que je n’en aurais pas assez. J’aime vivre. Rien ne va m’arrêter!

CM : Nos priorités changent. Il faut s’écouter, peu importe les commentaires. Tout le monde devrait faire ça. Je suis infirmière à temps plein en enfance-jeunesse-famille. Je vais entreprendre ma formation de consultante en allaitement. C’est mon dada, l’allaitement. Comme les chevaux pour Francis. Quel exemple on veut donner aux enfants? Comment on continue la vie? On retrousse nos manches, on va chercher de l’aide, on se serre les coudes.

FF : Quand tu t’aperçois que la vie est courte et qu’elle ne tient qu’à un fil, il y a des projets que tu arrêtes de repousser. Tu décides de vivre le moment présent.

Comprendre

CM : On est transparents avec les enfants. À cinq, six ans, Victoria nous demandait ce que mononcle avait fait aux filles. Je n’étais pas prête à lui expliquer des choses aussi affreuses. Josée Masson m’a dit qu’elle se faisait probablement toutes sortes de scénarios. Toute son énergie était consacrée à essayer de comprendre. Et dans la cour d’école, elle risquait d’en entendre parler. Il valait mieux qu’elle sache, sans qu’on entre dans les détails, ce qui était arrivé, assise tranquille avec papa et maman.

Mon frère est au Centre Jean-Patrice-Chiasson, à Sherbrooke, où on traite les patients aux prises avec des problèmes de santé mentale et de toxicomanie. Il a été reconnu criminellement non responsable, en raison de sa maladie mentale, par le Tribunal administratif du Québec. Il est surveillé. Il travaille à l’Hôtel-Dieu, en réinsertion. Il a droit à des sorties, avec un protocole très strict. Il est stable. Il n’a pas consommé depuis quelques années. Au début, on n’était pas d’accord. Je voulais qu’il soit à Pinel, le plus loin possible. Nos filles ne se sentaient pas en sécurité. Elles pouvaient se relever le soir et vérifier si la porte était bien barrée. Elles avaient une clochette à la porte de leur chambre pour entendre si quelqu’un entrait.

FF : En une heure, en taxi, il aurait pu être ici, à Saint-Romain. Comment expliquer à nos filles qu’elles devaient se sentir en sécurité, alors que je n’avais rien pour les rassurer?

CM : On a décidé de visiter les lieux où il est gardé. Gabrielle Léa, qui travaille au Centre, est une perle. Elle a répondu à toutes leurs questions. Elle leur a longuement expliqué les mesures de sécurité et de surveillance mises en place. Elles n’avaient pas peur. Puis, elles ont voulu le rencontrer, lui parler.

On était rendus là avec les filles. On l’a rencontré l’été passé. Avant la rencontre, Élisabeth disait : « Maman, mes dents claquent dans ma bouche. » C’était très chargé. Les filles ont eu une conversation avec lui. Il leur a dit qu’il ne prenait plus de drogues, qu’il ne voulait pas qu’elles aient peur. Lui aussi voulait nous rencontrer depuis longtemps. Je lui ai dit que j’étais là pour que les filles se sentent en sécurité, pas pour renouer avec lui. Après, on a senti une différence dans le comportement des filles. L’une d’elles, qui a un tempérament explosif, vivait une paix intérieure qu’elle n’avait pas eue depuis longtemps.

FF : Elles sont passées à une autre étape.

CM : En vieillissant, elles saisissent des choses que nous, on a saisies dans les premiers temps. Victoria a commencé la polyvalente, elle s’est fait une tonne de nouveaux amis. C’est une vraie petite fleur au soleil. Elle s’implique dans plein de choses. Les nouveaux amis lui en parlent, lui posent des questions. On lui a dit : « C’est ton histoire, tu as le droit d’en parler. Tu n’es pas obligée de garder ça secret et d’avoir honte. »

Le pardon

FF : C’est un grand mot, pardonner. Peux-tu pardonner?

CM : On a choisi de ne pas entretenir le sentiment de vengeance, de ne pas être dans le négatif. Je n’ai pas pardonné à mon frère. J’ai fait beaucoup pour lui dans le passé. Ça n’a pas marché. Je lui ai remis ce qui lui appartient. Maintenant, fais ton chemin…

FF : Lui pardonner ce qu’il a fait, non. Premièrement, il faut que tu te pardonnes à toi-même avant d’avoir le pardon des autres. Peux-tu te pardonner ça? Pas sûr. Sinon, pourquoi j’y pardonnerais? Je dirais que c’est plus de pardonner les évènements. T’acceptes ce qui s’est passé et tu continues.

PD : Quel est l’après, lorsqu’on compare à l’avant?

CM : Le plus difficile, c’est quand on nous demande combien on a d’enfants, quel âge ils ont. C’est la question qui tue, parce que dans mon cœur, j’ai cinq enfants. Si j’ai pas envie de l’aborder : « J’ai trois enfants. » Mais on dirait qu’en dedans, je suis en train de trahir... Si on dit « deux décédés », on nous demande ce qu’ils ont eu. Le triple meurtre de Saint-Romain. Les gens viennent verts. Il y a un malaise. Des fois, je préfère l’éviter.

FF : C’est cette question que j’ai le plus de misère à gérer. Ça dépend comment on se sent, mais dire « trois enfants », ch’pas capable.

PD : Qu’êtes-vous devenus, seuls et en couple?

FF : Je me réalise beaucoup autour du travail. On est entourés d’une belle équipe. Valérie [Robidas, experte-conseil], on travaille ensemble, c’est plaisant. C’est pareil avec le vétérinaire, c’est mon grand chum. J’ai des liens comme ça.

CM : On s’a! Et on a beaucoup d’humour.

FF : Ben oui! On n’a pas de misère à être niaiseux! Je suis chum avec tout le monde. Je suis tout le temps de bonne humeur. Quand tu viens à bout de mettre les morceaux du casse-tête aux bonnes places, tu es capable d’avancer. On se respecte, on ne se chicane pas. On s’aimait avant, pourquoi on ne s’aimerait plus à matin?

CM : C’est important de travailler ça. Nos enfants nous le disent : « Hey, vous autres, vous faites mieux de pas vous séparer! Avec qui on resterait? On ne veut pas s’en aller de la ferme. »

FF : Ma fille m’a souhaité bonne fête. Je lui ai dit : « Merci, ma belle fille. Je t’aime. » Elle a dit : « Merci. T’es le meilleur papa du monde. » C’est un beau cadeau, un beau compliment venant de ton enfant! Malgré tout ce qui s’est passé, même si je suis pas présent souvent, j’arrive à faire ma job pareil. Tu essaies de construire autour de ça. De rattacher les ficelles. Tiens-les le plus fort possible, peu importe ce qui va arriver. Si plusieurs cordes cassent, les autres tiennent. Mais si t’as rien qu’une corde et qu’elle brise, t’es à terre, fini. On travaille là-dessus. On a-tu la force? Je ne suis pas capable de te répondre encore. Peut-être qu’on l’a…

Cet article est paru dans le Coopérateur juillet-août 2020.

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