Le long chemin vers la résilience
Renaud Péloquin, copropriétaire de la Ferme Ste-Victoire et administrateur chez Agiska Coopératif, mise sur la résilience.
Auteurs de contenu
L’autre jour, j’écoutais avec mes enfants un documentaire qui portait sur la vie sur Terre. Une phrase m’a particulièrement marqué : « Nous nous sommes libérés de l’incertitude du mode de vie des chasseurs-cueilleurs en concluant des alliances avec la nature. » En comprenant son lien avec le sol, l’humain a pu cesser de survivre au jour le jour pour bâtir des communautés, se développer… et commencer à façonner le monde.
Cette agriculture, fondement de l’humanité, est en perpétuelle évolution. Les fermes d’aujourd’hui doivent s’adapter à de nombreux changements : climat imprévisible, pression économique, nouvelles attentes sociétales. Pour traverser ces bouleversements, il faut miser sur la résilience, cette capacité à s’adapter, à durer, à faire coexister performance et respect du vivant.
C’est devenu la vision centrale de notre ferme. Mais avant de penser aux investissements techniques, il faut s’assurer que les fondations humaines sont solides. Ce sont les relations humaines qui déterminent le succès à long terme des transferts intergénérationnels et l’atteinte de l’équilibre entre les nouveaux partenaires au-delà des chiffres et des structures juridiques. Respect, écoute, transparence et confiance sont des conditions essentielles pour que tout le monde rame dans la même direction.
Communiquer clairement sur les objectifs, les valeurs, les choix à faire… ce n’est pas toujours simple. Et appliquer des pratiques résilientes, ça ne l’est pas non plus. Il faut faire des compromis, accepter l’incertitude, changer des façons de faire ancrées depuis longtemps. C’est un long chemin. Mais c’est un chemin qui en vaut la peine.
Chez nous, cette démarche a pris plusieurs formes, mais elle s’articule principalement autour de deux grands axes. Le premier est l’investissement dans la santé des sols et, par conséquent, la réduction de la compaction. Nous misons sur la généralisation des cultures de couverture afin de maintenir des racines vivantes dans nos sols tout au long de l’année. Nous souhaitons que leur implantation devienne un réflexe, au même titre que la gestion de nos cultures principales.
Ainsi, la synergie entre nos interventions aux champs, nos différentes machineries et ces couverts végétaux nous aide à réduire considérablement la compaction. Bref, l’objectif est d’obtenir un sol résilient, prêt à affronter toutes les éventualités.
Le deuxième axe consiste en notre engagement envers la biodiversité, notamment par l’implantation de bandes riveraines élargies composées d’arbustes, de haies brise-vent et de prés fleuris. Ces aménagements constituent désormais un habitat essentiel pour les pollinisateurs et les oiseaux en péril. Ce virage audacieux, amorcé dès 2018, nous démontre déjà les nombreux bienfaits d’un meilleur équilibre avec la nature, ce qui nous pousse à poursuivre nos investissements dans de nouveaux projets encore aujourd’hui, en 2025.
Ce qu’on essaie de bâtir, ce n’est pas une ferme parfaite. C’est une ferme qui nous ressemble, qui progresse à son rythme, un pas à la fois. Chaque entreprise est différente. Chaque sol, chaque humain aussi. Il n’y a pas une seule bonne manière de faire les choses. Mais il y a une direction : celle d’une agriculture vivante, durable et humaine. Et tant qu’on avance ensemble, on est sur le bon long chemin.
Cet article est paru dans le Coopérateur d'octobre 2025.