« La productivité de notre agriculture est cruciale, lance Jean-Philippe Gervais, vice-président exécutif, stratégie et impact, et économiste en chef à Financement agricole Canada. L’agriculture canadienne a longtemps été hautement productive. Malheureusement, la croissance de notre productivité est en déclin dans toutes les productions. » Comment y remédier?
« C’est un défi critique dans tous les secteurs de notre agriculture, commente l’économiste. Particulièrement devant le défi de produire plus de nourriture de façon plus durable afin de respecter nos engagements dans l’Accord de Paris. »
Patrick Dupuis : En deux mots, comme la productivité se définit-elle en agriculture au Canada?
Jean-Philippe Gervais : La productivité agricole se mesure par la production obtenue à partir des terres, de la main-d'œuvre, du capital et des ressources utilisées. Augmenter la productivité signifie produire plus avec proportionnellement moins de ressources.
PD : Pourquoi notre niveau de productivité diminue-t-il?
JPG : Il n’y a pas qu’une seule raison, c’est un ensemble de facteurs. L'agriculture canadienne a connu pendant de nombreuses années une croissance remarquable en termes de productivité. Mais les gains de productivité les plus facilement réalisables ont tous été atteints. De façon plus spécifique, un retard dans l’investissement en technologie et des problèmes de main-d’œuvre peuvent expliquer pourquoi notre croissance de productivité ralentit. Il faut maintenant passer à un deuxième palier. Cela requiert de faire les choses différemment, de considérer différents modèles d’affaires.
PD : En matière de productivité, le Canada est à la traîne des États-Unis. Qu’en est-il dans le secteur agricole?
JPG : Le déficit de productivité du Canada face aux États-Unis est beaucoup moins prononcé si on ne regarde que l’agriculture, comparativement à l’analyse de l’économie dans son ensemble. On peut être fier des gains qu’on a réalisés dans le passé, mais on fait face maintenant à une situation différente qui va nécessiter des investissements additionnels et de travailler ensemble pour faire les choses autrement. Il faut innover, produire davantage avec les mêmes quantités de ressources. Le savoir, la formation et le soutien technique dont les producteurs peuvent bénéficier auront un impact important sur leur productivité.
PD : Pourrions-nous être beaucoup plus productifs et tout à la fois soutenables?
JPG : C’est le grand défi auquel on fait face. Je pense qu’on peut diminuer l’intensité de nos émissions de gaz à effet de serre tout en augmentant notre production agricole pour nourrir notre population. Et je crois que cela peut aussi se faire à l’échelle de la planète afin de réduire le réchauffement climatique. Nous sommes déjà très efficaces et performants à ce niveau, comparé au reste de la planète. Les producteurs agricoles du Canada ont déjà réalisé de nombreux investissements dans leurs pratiques agricoles durables.
PD : Qu’est-ce que les producteurs peuvent faire pour relancer leur productivité?
JPG : Tous les gains d'efficacité comptent, même les plus petits. Bien qu’elles ne soient pas un objectif en soit, les économies d’échelle, lorsque possibles, peuvent contribuer à l’accroissement de la productivité. Et, bien sûr, l’innovation, par l’adoption de nouvelles technologies dans l’entreprise.
