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Ferme Germain Leclerc : une relève attendue!

La pérennité de sa ferme est, pour Germain Leclerc, le chemin à prendre. C’est ce qu’il désire au plus profond de lui-même. Malgré les difficultés rencontrées, dont l’absence de relève familiale et un cancer suivi d’un grave accident, l’agriculteur persiste et signe. 

Après huit années à se préparer et à offrir à plusieurs candidats un temps d’essai, Germain Leclerc transférera son exploitation à Yan Lizotte, un jeune qui a fait ses classes à l’ITAQ (campus de La Pocatière). 

« Je suis né un 22 avril, le Jour de la Terre! » se plaît à dire cet agriculteur de Saint-Eugène. Un modèle 1954, qui a participé activement à la création du syndicat de gestion de sa région et qui croit dur comme fer à la nécessité de protéger l’environnement et la vocation des terres agricoles. « Germain est un passionné, qui n’a jamais compté ses heures, souligne sa conjointe, Nicole Lacombe. J’ai préféré garder mon emploi chez Desjardins. J’étais proche de mes parents, qui nous ont grandement aidés. » Germain ajoute : « Je me sens très redevable à Nicole. Aussi à ma belle-mère, qui m’a toujours soutenu dans mes projets et par qui je ne me suis jamais senti jugé, malgré mes absences auprès de Nicole et de notre fille Catherine. » 

Une entreprise diversifiée en régie biologique 

Lorsqu’il achète la terre de son père, en 1980, Germain possède l’équivalent d’un quota de deux kilos par jour, un troupeau de 35 truies, cinq acres de pommes de terre et une érablière de 2000 entailles. À l’arrivée de Yan, en 2014, la ferme détenait un quota de 20 kg de lait certifié biologique, produit par un troupeau de 32 vaches laitières, et 15 sujets de remplacement. À l’unité laitière s’ajoutent 175 acres de terre cultivable et un boisé d’une superficie équivalente. Une érablière certifiée biologique de 3400 entailles complète les sources de revenus de l’entreprise. « La ferme est membre de la coopérative Citadelle depuis un peu plus de 70 ans », précise fièrement l’agriculteur. 

Tout commence en 2002 

À la fin des années 1990, Germain Leclerc assiste à une conférence sur le transfert d’entreprise. « Parmi les recommandations, celle d’avoir des placements à l’extérieur de la ferme a retenu mon attention, explique-t-il. J’ai commencé à investir dans le régime d’investissement coopératif [RIC-REER] de la coopérative de Montmagny, dont je suis membre et dont j’ai été un des administrateurs pendant 10 ans. Depuis cette conférence, la continuité de la ferme m’a toujours habité. Son développement s’est fait par un contrôle serré des dépenses et par l’autofinancement des investissements. »  

C’est en 2002 que l’agriculteur commence à exprimer publiquement qu’il est à la recherche d’un candidat pour prendre la relève de sa ferme. Au moment de la réception de sa médaille de bronze au concours de l’Ordre national du mérite agricole, Germain fait part officiellement, pour la première fois, de son intérêt à établir un jeune au sein de son entreprise. En 2006, un premier candidat, étudiant en mécanique, montre de l’intérêt et travaille à la ferme à temps partiel. Il partira deux ans plus tard, en raison entre autres de l’absence prolongée de Germain. « Je n’étais plus là pour le soutenir et l’encadrer, comme je le faisais avant mon accident », explique ce dernier.  

Soutien, relevailles, retour 

À l’automne 2007, Germain est opéré d’urgence pour un cancer de l’intestin. Un stade trois, qui nécessitera six mois de chimiothérapie. « J’ai toujours été bien entouré, reconnaît l’agriculteur. Je ne me décourage pas, au contraire. Parmi mes nombreuses lectures sur la guérison du cancer, les livres du médecin David Servan-Schreiber me font cheminer vers une guérison complète. Le 9 septembre 2008, on me déclare en rémission. Deux jours plus tard, un grave accident de tracteur me rend complètement paralysé. »  

L’agriculteur affirme que son cancer l’a préparé à traverser cette longue et dure épreuve. Au sortir de son opération, le médecin l’invite à accepter sa situation de tétraplégique et à ne pas se faire d’illusions. Ses chances de marcher à nouveau sont minces. Le 9 octobre 2008, Germain entre à l’Institut de réadaptation en déficience physique de Québec (IRDPQ), où il séjournera pendant huit mois. « J’ai eu des anges autour de moi tout au long de ce séjour, souligne-t-il avec beaucoup d’émotion. À mon arrivée au centre, ma sœur Lucie a apporté un contenant, de la terre de la ferme et des graines de blé d’automne, battues en août. Avec son aide, j’ai mis les semences en terre après avoir moi-même tracé les sillons. Lucie m’a regardé et m’a dit : “Germain, tu vas te relever en même temps que ces graines.” Le 13 novembre, soit un mois plus tard, je faisais mes premiers pas. » 

« Un miraculé, témoigne sa conjointe. Pendant les trois premiers mois qui ont suivi l’accident, j’ai dû le faire manger, car il en était incapable. Personnellement, j’étais certaine que j’allais devoir vivre avec un mari handicapé. »  

La recherche se poursuit 

Durant la remise en forme physique de Germain, les démarches pour assurer la continuité de la ferme se poursuivent. Des essais sont faits avec quatre candidats différents avant l’arrivée de Yan Lizotte. « J’ai rarement vu autant de motivation, de détermination et de persévérance chez un agriculteur désireux d’établir un successeur non apparenté, déclare Brigitte Paré, conseillère en transfert de ferme et en gestion humaine et organisationnelle au Centre multi-conseils agricoles de Chaudière-Appalaches. Germain n’a jamais baissé les bras. » 

La conseillère précise : « Malgré le caractère non familial de l’établissement, l’affinité entre les personnes est nécessaire. La dimension humaine est importante, car une fois la transaction faite, la plupart du temps, les personnes doivent travailler ensemble. » L’analyse et la faisabilité du projet se sont poursuivies malgré le retrait des candidats. « J’ai été très bien entouré avec les services du Centre régional d’établissement en agriculture de la Chaudière-Appalaches, du Groupe conseil agricole de la Côte-du-Sud et de mon comptable, témoigne Germain Leclerc. Ils m’ont tous aidé à cheminer, à m’ouvrir et à trouver des solutions. » 

Un transfert en deux étapes 

Yan Lizotte est arrivé à la ferme en février 2014. Par une heureuse coïncidence de la vie, sa blonde, une travailleuse sociale qui offrait du soutien à domicile au conjoint de la mère de Germain, a parlé de son amoureux en précisant qu’il était à la recherche d’une ferme laitière. « Ma mère m’a téléphoné et m’a proposé d’entrer en contact avec Yan, ce que j’ai fait rapidement, souligne l’agriculteur. Un mois plus tard, il devenait mon employé à temps plein. »  

Non issu du milieu agricole, Yan a appris le métier d’éleveur laitier en travaillant au sein de deux fermes laitières de la région, voisine l’une de l’autre. « J’ai eu besoin d’améliorer mes compétences, car je ne connaissais pas la régie biologique, ni dans le lait ni dans les champs, précise-t-il. Germain m’a pratiquement tout appris, et j’ai de mon côté suivi quelques formations sur le sujet. »  

C’est en mars 2015 que sera signée la première étape du transfert, soit la vente du quota et des animaux. Germain a dû réviser son offre, précise le nouveau propriétaire avec reconnaissance. Il a accepté de prolonger le financement sur une période de 10 ans, au lieu de 5. Une nouvelle entreprise sera créée, la Ferme Liclerc, qui donnera à l’exploitation un second souffle, un nouvel élan. Une laiterie sera construite, assortie d’une vacherie et d’une salle de traite. Le troupeau compte aujourd’hui 55 laitières, autant d’animaux de remplacement et un quota de 40 kg/jour. 

La suite… 

« Compte tenu de la rareté de main-d’œuvre, j’aimerais plutôt trouver un associé, explique Yan. Nos recherches commencent à donner des résultats. Un premier candidat est actuellement intéressé. » Pour ce qui est de la deuxième étape du transfert, prévue dans quatre ans, elle demande encore du temps et de l’analyse. La vision de Germain et de Yan est de créer une fiducie d’utilité sociale agricole (FUSA)* avec le fonds de terre appartenant à Germain. Le projet est actuellement à l’étude. « S’il fonctionne, la Ferme Liclerc serait la première entreprise laitière à cultiver les terres d’une FUSA, dit Germain. Un souhait que je partage avec Yan. Nous sommes confiants. » 

* Il s’agit d’un statut juridique particulier qui attribue à une terre une vocation à perpétuité en l’excluant du marché immobilier. Au Québec, l’organisme Protec-Terre recense sept FUSA en activité (www.protec-terre.org/projets). 

Isabelle Éthier

QUI EST ISABELLE ÉTHIER
Isabelle est conseillère en gestion organisationnelle et relations humaines en milieu agricole.

isa.ethier4@gmail.com

QUI EST ISABELLE ÉTHIER
Isabelle est conseillère en gestion organisationnelle et relations humaines en milieu agricole.