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Produire de la bière est un art que pratiquent de plus en plus d’entrepreneurs. Shawn Moen et Garrett Pederson, les artisans fondateurs et propriétaires de la microbrasserie 9 Mile Legacy Brewing Company, située en plein cœur de Saskatoon, sont du nombre.
Lancée il y a une dizaine d’années, l’entreprise a gagné ses lettres de noblesse en proposant un vaste choix de bières fabriquées à partir d’ingrédients locaux et, témoignent les brasseurs, « selon des techniques innovantes et bien à elle ». Nous les avons rencontrés, comme d'autres membres de cette chaîne de valeur, dans le cadre du congrès de l'International Farm Management Association, tenu en Saskatchewan en juillet dernier.
Mais avant de passer à la « dégustation », arrêtons-nous à la première étape de ce savoureux parcours qui commence dans les parcelles de recherche en productions végétales du Crop Development Center (CDC) de l’Université de la Saskatchewan. Le CDC a pour mission, de développer de nouvelles variétés de cultures en collaboration avec des partenaires de tous les maillons de la chaîne de valeur agricole.
L’orge est une culture prisée en Saskatchewan. On y cultive plus de 40 % de toute l’orge produite au Canada. Les variétés cultivées sont nombreuses et adaptées à divers marchés, tant pour l’alimentation chez les éleveurs que pour les brasseurs et distillateurs.
Aaron Beattie, chercheur au CDC, concentre une bonne part de ses essais dans l’orge à déterminer quelles variétés conviendront, ou non, au maltage. À la fin du processus de sélection, il n’en retiendra que deux ou trois. Le système d’enregistrement des variétés du Canada procédera ensuite à l’évaluation de leurs caractéristiques agronomiques : résistances aux maladies, rendements et, bien sûr, capacités de maltage.
« Un comité, composé de gens du milieu de la recherche et de l’industrie, évaluera chacune des variétés afin de savoir si elles sont meilleures que ce qui est déjà disponible, mentionne Dr Beattie. Si elles ne le sont pas, elles seront rejetées. Si elles le sont, elles pourront être commercialisées au Canada. »
Dans ce cas, le CDC créé des ententes de production de semences avec des semenciers de l’Ouest canadien. C’est le cas notamment des variétés Synergy, Connect, Fraser et Churchill.
Le CDC consacre à l’orge de maltage la moitié des superficies qu’il dédie à cette culture. Le reste servira à développer des variétés pour l’alimentation humaine et animale. « Notre programme de recherche est aussi axé vers les fourrages, précise Dr Beattie. Nous faisons une sélection pour des plants hauts et dotés de beaucoup de verdure. »
« L’orge à six rangs a longtemps été la préférée des brasseurs, note le chercheur. Elle était prédominante au milieu des années 1980. C’était notamment celle que recherchait la brasserie Anheuser-Busch lorsqu’elle achetait de l’orge du Canada. Aujourd’hui, les six rangs ne représentent plus que 5 à 10 % des superficies, généralement pour l’alimentation animale. Cette orge est couramment utilisée en fourrages dans l’industrie bovine et laitière. »
Au Canada, la variété a cédé le pas aux orges à deux rangs, déjà très populaires en Europe, ajoute le professeur. Elles sont de grosseur plus uniforme et meilleure pour le maltage que les six rangs. « Puisque le maltage est principalement de la germination (on ajoute de l’eau aux graines), explique-t-il, on recherche une germination très uniforme, ce qui favorisera l’obtention d’un produit de qualité. »
Une première variété à deux rangs, la Herrington, issue des programmes de sélection du CDC, a été très populaire. « Elle a mis le Canada sur la carte dans l’orge de maltage, informe Aaron Beattie. On privilégie les orges à grains nus, car elles favorisent la production d’alcool et n’apportent aucun goût de grain, ce que recherchent les jeunes consommateurs. Les bières plus légères, faibles en calories, douces et fines en bouche, sont de plus en plus populaires. »
Photo : Crop Development Center
Saskatchewan : planète agricole
L’endroit était bien choisi pour y rassembler professeurs, producteurs agricoles et chercheurs d’une vingtaine de pays à travers le monde, lors du congrès 2024 de l’International Farm Management, du 7 au 12 juillet dernier, à Saskatoon. La Saskatchewan, grenier du Canada, possède plus de 40 % de toutes les terres agricoles au pays, soit près de 25 millions d’hectares, dont 14,5 millions à 16 millions d’hectares sont consacrés aux cultures commerciales (céréales, légumineuses et oléagineux). La province est également une véritable pépinière pour le développement d’entreprises innovantes et de chaînes de valeur agricoles et agroalimentaires.
La Saskatchewan est une terre d’extrêmes. Des hivers rigoureux et glaciaux. Des étés secs et, exacerbés par les changements climatiques, caniculaires. La province, qui reçoit en moyenne 355 mm de pluie par année, abrite une partie des northern Great Plains (les Grandes Plaines du Nord) qui s’étendent dans les provinces limitrophes, le Manitoba et l’Alberta, et dans les États du nord des États-Unis.
Les vastes plaines fertiles de la province sont généreusement irriguées par la rivière Saskatchewan et ses affluents. On y produit à profusion canola, blé d’automne, blé dur (Durum), lentilles, lin, orge, pois, maïs et fourrages. C’est le canola qui tient le haut du pavé. L’ampleur des superficies qu’on y consacre est stupéfiante. En 2021, les producteurs saskatchewanais ont ensemencé 4,85 millions d’hectares (12 millions d’acres) de canola. Une superficie plus vaste que la totalité des Pays-Bas!
Selon Financement agricole Canada, la Saskatchewan possède parmi les terres les moins chères au Canada, bien que leur valeur augmente régulièrement. Elle atteint actuellement une moyenne de 7 400 $/ha (3000 $ par acre) pour les terres non irriguées et de 16 055 $/ha (6 500 $ par acre) pour des superficies irriguées. La taille moyenne d'une exploitation agricole en Saskatchewan est de 715 ha (1766 acres), selon le recensement de 2021 du Canada. Les exploitations céréalières commerciales ont généralement une superficie moyenne de plus de 2 800 hectares (6900 acres).
L'irrigation est utilisée depuis la fondation de la province en 1905. En 2020, la Saskatchewan a décidé de lancer un projet en plusieurs phases d'une valeur de 4 milliards de dollars, afin de doubler la superficie irriguée et d'exploiter le potentiel du barrage du lac Diefenbaker/Gardiner, construit dans les années 1960.
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