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Chroniques / Faits et gestes

Quand la moyenne ne veut plus rien dire

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C’est devenu un cliché : ici comme ailleurs, il y a de moins en moins d’entreprises agricoles, et leur taille augmente. L’analyse des données confirme aussi que la distribution des entreprises, selon leur taille, change beaucoup. Conséquence pour les amateurs de données : la moyenne devient progressivement insignifiante.

Beaucoup d’intervenants, surtout des économistes – votre humble serviteur plaide coupable –, continuent pourtant à se servir de cet indicateur. Mais quelle solution de rechange avions-nous? Le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) est venu à notre rescousse. Il a élaboré un nouvel indicateur, le midpoint, que nous traduirons par point milieu. Appliqué au secteur des grandes cultures aux États-Unis, le point milieu représente la taille de ferme au-dessus de laquelle on retrouve la moitié des hectares cultivés. Pour l’année 2011, l’indicateur se situait à 400 ha. Cela signifie que les fermes de 400 ha et plus regroupent la moitié des superficies en grandes cultures aux États-Unis. Comme l’indique le graphique, la taille moyenne des fermes de grandes cultures états-uniennes a stagné au cours des 20 dernières années. Pendant la même période, le point milieu a été multiplié par quatre. On constate qu’en se fiant à des moyennes, on passe à côté de la réalité.

Puisque la moyenne fait perdre de vue la réalité fondamentale associée à la consolidation, il devient intéressant d’appliquer le calcul du point milieu au Canada et au Québec. Pour l’évaluer de façon précise, un accès aux données sources serait nécessaire. Peut-être un jour nos grandes boîtes de statistiques s’y lanceront-elles. Entretemps, on peut procéder à de bonnes approximations en se servant des données de recensement, qui classent les entreprises selon différentes strates de revenus.

À l’échelle canadienne, 6 % des entreprises agricoles génèrent la moitié du revenu agricole. La concentration est un peu moindre au Québec, où la moitié de la production est assurée par 2400 fermes (8 %). Il n’est pas faux de prétendre que le Québec compte près de 30 000 fermes ni que leur revenu moyen est de 250 000 $ par année. Mais on obtient un bien meilleur portrait de la population agricole en rappelant que le point milieu y est de 800 000 $. C’est-à-dire que les fermes générant des revenus de 800 000 $ et plus annuellement comptent pour la moitié des revenus agricoles. Instinctivement, les intervenants qui gravitent autour du monde agricole sont sensibles à cette réalité. Ne pas l’être mènerait à des orientations stratégiques erronées.

La tendance à la consolidation, lourde ici comme ailleurs, n’est appelée qu’à se poursuivre. Ralentie ou accélérée au gré des tendances de marchés ou bien par l’effet des politiques agricoles, elle continue de s’exprimer, catalysée par les forces indomptables de l’économie de marché. Puisque les économies de taille existent (toutes choses égales par ailleurs, une grande entreprise génèrera de meilleurs bénéfices qu’une plus petite), la logique mathématique la plus élémentaire amène à conclure que, plus que jamais, la moyenne ne veut plus rien dire.

Vincent Cloutier

QUI EST VINCENT CLOUTIER
Détenteur d’un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval et d’une maîtrise en gestion agroalimentaire, Vincent a travaillé comme économiste principal chez Sollio Agriculture.

 

vincent.cloutier@sollio.coop

QUI EST VINCENT CLOUTIER
Détenteur d’un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval et d’une maîtrise en gestion agroalimentaire, Vincent a travaillé comme économiste principal chez Sollio Agriculture.