Aller au contenu principal
Chroniques / Faits et gestes

Ces chanceux du Nord

Lire tous les « Faits et gestes »

Près de 100 litres d’eau sont nécessaires à la production d’un sachet d’une vingtaine d’amandes, petits fruits désormais emblématiques de la sècheresse californienne.

Accusés de piller de précieuses réserves d’eau, les producteurs californiens sont montrés du doigt. Le secteur agricole, qui génère 2 % de l’activité économique de la Californie, utilise pourtant 80 % de l’eau disponible.

Chaque printemps, depuis des décennies, on mesure la quantité de neige se trouvant dans les montagnes d’où provient l’eau qui approvisionnera la population. En avril 2014, seulement 25 % de la moyenne historique de neige s’y était accumulée. Stupéfaction. L’année suivante, la quantité de neige correspondait à 5 % de la moyenne historique. Découragement. Au cours des prochaines années, ne nous surprenons pas si la production laitière de la Californie poursuit son déplacement vers le nord des États-Unis. Le sud-ouest du pays a mal géré son patrimoine naturel; à terme, ça devait le rattraper.

La Californie n’est pas la seule à connaître la soif. L’agriculture australienne en souffre depuis longtemps. L’accès à l’eau y est contrôlé par un système de permis contraignant. Le cœur du continent asiatique vit et vivra un stress hydrique croissant. Moyen-Orient, Inde, plusieurs zones de la Chine : l’Institut international de gestion de l’eau prévoit qu’une majorité de régions se trouvant juste au nord de l’équateur seront tôt ou tard en sérieux déficit d’eau.

Il y a tant d’endroits où l’on investit à coups de milliards dans des usines de désalinisation de l’eau de mer. L’Afrique subsaharienne a un autre problème : on y manque d’eau, certes, mais essentiellement en raison de l’absence d’infrastructures pour l’acheminer vers les zones de consommation.

Au Québec, ce n’est pas comme ça : on se préoccupe davantage du drainage que de l’irrigation. Il est fascinant de voir la réaction d’Australiens, d’Américains, d’Indiens en apprenant que nous drainons nos terres pour nous débarrasser de l’eau à certaines périodes de l’année! Cet avantage croîtra au fil des décennies. Pourrions-nous, stratégiquement, orienter le développement de notre agriculture de façon à en tirer profit?

Certains ont leur réponse. Au printemps dernier, un spécialiste de l’agroalimentaire néerlandais n’y est pas allé de main morte : « Aux Pays-Bas, nous avons près de deux millions de vaches laitières sur un territoire grand comme ma main. Le Canada n’en a qu’un million. Vous devriez avoir cinq millions de vaches laitières, concentrées dans l’est du pays! » Sa condescendance était exaspérante.

Le choix que nous avons fait est différent. Nous l’assumons avec fierté et nous sommes rassurés devant l’état actuel des marchés. Nous nous rappelons toutefois que la production de viande est encore plus exigeante en eau que la production laitière. Et qu'il y a de la place pour permettre sa croissance au Québec. Même chose pour le maraîcher.

Au surplus, de nombreux spécialistes du climat suggèrent que le désormais inévitable réchauffement pourrait bien profiter à l’agriculture québécoise. Autant d'éléments qui suggèrent que la complainte de l'agriculture nordique se conjugue désormais au passé. Il revient au Québec agroalimentaire de déterminer la façon d’exploiter les précieux atouts dont la nature l’a pourvu.

Lire tous les « Faits et gestes »

Vincent Cloutier

QUI EST VINCENT CLOUTIER
Détenteur d’un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval et d’une maîtrise en gestion agroalimentaire, Vincent a travaillé comme économiste principal chez Sollio Agriculture.

 

vincent.cloutier@sollio.coop

QUI EST VINCENT CLOUTIER
Détenteur d’un baccalauréat en agronomie de l’Université Laval et d’une maîtrise en gestion agroalimentaire, Vincent a travaillé comme économiste principal chez Sollio Agriculture.