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L’agriculture québécoise face aux défis des changements climatiques

Les effets du réchauffement climatique sur le Québec sont bien documentés, mais bonne nouvelle, des solutions sont déjà mises en pratique. Tour d’horizon des défis et initiatives en place.

Ouranos a présenté en août dernier un rapport de 127 pages intitulé Le Canada dans un climat changeant : perspectives régionales, s’attardant sur les impacts du réchauffement climatique au Québec.

Les changements climatiques sont déjà présents et observables depuis 1950. C’est le cas, par exemple, dans l’augmentation du nombre de nuits et de jours chauds et dans la durée des vagues de chaleur. Les précipitations sont également plus importantes dans le sud de la province. Depuis 70 ans, la température moyenne s’est réchauffée de 1 à 3 °C, selon les régions.

Si rien n’est fait pour réduire l’émission des gaz à effet de serre, les températures moyennes annuelles au Québec pourraient continuer d’augmenter de 3,5 °C à l’horizon 2050 et jusqu’à 6 °C en 2080, par rapport à la période 1981–2010. Les changements climatiques auront des conséquences très concrètes, comme la hausse des températures, l’augmentation de la fréquence de perturbations naturelles et l’allongement de la saison de croissance et de la saison sans gel.

Étant un secteur régi au quotidien par la météo, les changements climatiques ont un impact important sur l’agriculture.

Ouranos rapporte d’ailleurs quelques-unes des solutions déjà employées pour s’adapter aux changements en cours. Dans les pratiques culturales, cela signifie la modification des dates de semis et de récoltes, l’augmentation du nombre de récoltes pour les cultures fourragères, le développement des régions ayant de nouveaux potentiels culturaux, ou encore l’utilisation de cultivars et d’hybrides mieux adaptés au climat futur.

Les trois défis de l’agriculture québécoise

Pour Sarah Delisle, coordonnatrice au Conseil pour le développement de l’agriculture du Québec (CDAQ), le rapport d’Ouranos constitue un résumé intéressant des différents enjeux ainsi qu’une mise en contexte des impacts pour l’agriculture québécoise. Elle rappelle toutefois que Agriclimat et Ouranos travaillent déjà depuis plusieurs années en étroite collaboration pour développer des indicateurs agroclimatiques et que des initiatives ont cours depuis longtemps pour faire face aux défis des changements climatiques. Elle identifie trois principaux défis qui affecteront l’ensemble du secteur agricole.

Les canicules estivales sont le premier défi qu’elle relève. « Il y a une augmentation accélérée du nombre de jours consécutifs où les températures sont au-dessus de 30 ⁰C, causant plus fréquemment des périodes de canicules ». Elles sont plus importantes en intensité et en durée, ce qui cause un stress sur la biologie végétale des plantes et un stress sur les animaux, avec des enjeux dans ce cas de productivité. Sarah Delisle cite en exemple les dernières années marquées par des sécheresses ayant eu des conséquences importantes sur les cultures. Les impacts peuvent être également sous-estimés dans les élevages, que ce soit par une perte de productivité ou des problèmes de fertilité.

Qui dit chaleur extrême dit besoin en eau. La coordonnatrice souligne que les températures plus élevées mettent en relief les défis de l’accès à l’eau en agriculture, que ce soit pour des besoins d’irrigation ou simplement pour les animaux, et que ces besoins sont dans une certaine mesure incontournables. « Il y a des limites à s’adapter », dit-elle relativement à cette ressource essentielle. Les besoins iront cependant croissant et il faudra sécuriser l’accès à l’eau. Des solutions existent. Au-delà de l’utilisation de plantes plus résilientes au stress hydrique ou de bâtiments mieux adaptés pour les animaux, la coordonnatrice miserait sur la gestion de l’eau qui passe par une connaissance des besoins actuels et futurs et l’identification de sources supplémentaires d’eau. Des conflits sur l’usage de l’eau pourraient cependant surgir entre les besoins industriels, résidentiels et agricoles, ou encore de manière localisée où la ressource est plus sollicitée.

Il ne faut pas non plus négliger l’impact de la réduction du couvert de neige en hiver, un phénomène appelé à s’aggraver. « Cela aura clairement des impacts sur les cultures pérennes, qu’on parle de petits fruits comme les fraises, le secteur des plantes fourragères ou encore les cultures d’automne », mentionne Mme Delisle. Encore ici, des mesures ont fait leurs preuves. C’est le cas de l’agroforesterie dont les impacts positifs ont été bien documentés, autant en hiver qu’en été. Certaines pratiques gagnantes, qui ne demandent pas nécessairement de grands investissements, peuvent aussi être adoptées. « Les pratiques qui favorisent une meilleure résilience des sols, en apportant une meilleure structure et une meilleure biodiversité dans le sol […], c’est la base de la résilience d’une ferme. C’est un champ d’exercices dans lequel on ne se trompe pas […]. La pratique numéro un serait de connaître son sol et de continuer à travailler sur la santé de celui-ci. »

Le rapport d’Ouranos mentionne des gains et des pertes de productivité en agriculture, c'est-à-dire que certains secteurs gagneront au change tandis que d’autres souffriront des changements climatiques. Des cultures seront favorisées. C’est le cas du maïs-grain, du soya et des pommes. À ce chapitre, la coordonnatrice tempère les propos de l’organisme. « Cela sera accessible seulement si on s’est bien prémunis contre les menaces et les risques à l’échelle de l’entreprise », dit-elle. C’est pourquoi il est important de prendre le temps de bien connaître les risques pour sa propre ferme, puisque chacune d’entre elles est un écosystème en soi, fait-elle remarquer.

Suite aux avertissements d’Ouranos et des différents organismes quant aux changements climatiques, on pourrait adopter un certain fatalisme. Que peut faire le secteur agricole ou même un producteur seul face à un phénomène planétaire?

« Beaucoup, lance Sarah Delisle, des pistes d’actions gagnantes existent en agriculture comme dans tous les secteurs d’activités. Oui, dans une certaine mesure, il n’y a pas de baguette magique pour éviter une grande part des émissions de GES produits en agriculture. Le monde agricole travaille avec du vivant qui produit lui-même des plantes et des animaux pour nourrir le monde. C’est un secteur qui est en phase avec son environnement. On peut adopter de meilleures manières de faire en analysant les postes d’émission les plus importants à l’échelle de l’entreprise et en évaluant les actions possibles pour les réduire. »

Agriclimat a élaboré, en collaboration avec des producteurs agricoles, conseillers et chercheurs de partout au Québec, des fiches qui présentent les principales pistes d’adaptation à envisager en fonction de sa production et de sa région grâce à une quarantaine de fermes pilotes, dit-elle. Il s’agit d’un enjeu important, surtout pour la relève qui doit investir pour s’adapter à la réalité et assurer la viabilité future de la ferme.

Sarah Delisle est toutefois optimiste, comme en font foi l’intérêt et la motivation des producteurs face à ces questions. « On est sur la bonne voie; les agriculteurs sont de plus en plus connaissants et compétents dans ces domaines-là, et de nombreux chercheurs du Québec continuent d’approfondir ces connaissances », conclut-elle.

Céline Normandin

QUI EST CÉLINE NORMANDIN
Détentrice d’une maîtrise en science politique, Céline est journaliste-pigiste auprès du Coopérateur. Et ce n’est pas par hasard si elle se retrouve aujourd’hui à couvrir le secteur agroalimentaire puisqu’elle a grandi sur une ferme laitière. Sa famille est d’ailleurs toujours active en agriculture. 

celine.normandin@videotron.ca

QUI EST CÉLINE NORMANDIN
Détentrice d’une maîtrise en science politique, Céline est journaliste-pigiste auprès du Coopérateur. Et ce n’est pas par hasard si elle se retrouve aujourd’hui à couvrir le secteur agroalimentaire puisqu’elle a grandi sur une ferme laitière. Sa famille est d’ailleurs toujours active en agriculture.