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La Ferme Pierre Gagné, membre d’Avantis Coopérative et située à Saint-Frédéric en Beauce, gagne son pari de la polyvalence : les productions bovines, acéricoles et porcines s’y côtoient, dans toute leur diversité. Et pas question de se contenter d’une seule étape; ici, c’est naisseur-finisseur, et on aime ça comme ça!
Le réveil sonne et Pierre commence sa run. D’abord du côté de l’étable de 50 bovins de boucherie attachés, puis de l’étable froide de 40 bovins en stabulation libre, deux bâtiments achetés des voisins il y a 18 ans. Il se dirige ensuite au bâtiment de 80 bovins, également en stabulation entravée, avant d’arriver finalement à la porcherie.
Il sort alors le verrat de son enclos pour que celui-ci fasse ses passages, puis les truies, les porcs en engraissement et les porcelets reçoivent les soins du matin. Si les jours se ressemblent (en théorie), ils sont pour le moins toujours variés en tâches, au plaisir du producteur!
Devenir naisseur-finisseur
En 1970, on retrouvait à la ferme environ 90 truies et l’entreprise vendait les porcelets. Un changement de cap s’opère au début des années 2000 avec la construction d’une unité de maternité neuve pouvant accueillir 115 truies et d’un engraissement pour la finition des porcs, ce qui a permis de boucler la boucle en tant que naisseur-finisseur. L’objectif? Avoir du contrôle sur la production du début à la fin du cycle.
« Je m’étais dit que j’allais tout contrôler, explique Pierre. Des gens me disaient de choisir une étape. Je ne voulais pas seulement une pouponnière ou une maternité de 200 truies. Si je les avais écoutés dans les années 2000, je serais déjà mal pris et je serais en train de fermer », croit-il.
Aujourd’hui, avec tous les changements qu’a connus la filière porcine dans les dernières années, Pierre se félicite d’être autonome dans sa production.
Une porcherie aux normes BEA
L’entreprise a bien sûr connu quelques changements au fil des ans, dont les plus récents touchent le bien-être animal (BEA). Les travaux de mise à niveau et la légère extension du bâtiment se sont faits au seuil de l’hiver, entre octobre et décembre 2022. Le ciment finissait d’être coulé alors que les premiers flocons s’étendaient dans les champs.
L’agrandissement consiste en une salle supplémentaire qui ajoute de la flexibilité dans la gestion des déplacements des cochons. Est-ce que les cochons y gagneront? Ni plus ni moins qu’ailleurs dans la porcherie. L’objectif est ici de penser plutôt au « bien-être humain », précise le producteur. La salle sert en effet de chambre tampon question qu’on ne doive pas toujours être en mode réactif pour le lavage lors du sevrage des bandes aux trois semaines, quand le moment de l’expédition des porcs ne concorde pas.
Ça semble d’autant plus pertinent depuis que les truies sont en parcs (elles étaient en cages auparavant) et que leurs mises-bas sont plus rapides. « Avant, je pouvais me fier à la date de saillie, explique Pierre. Même si elles étaient deux jours d’avance, j’étais correct. Mais maintenant, elles sont 4 ou 5 jours d’avance. »
À la lumière des récents bouleversements qu'a connues la production porcine dans les dernières années, on peut se demander si l’investissement fait dans les bâtiments semble toujours aussi crucial aux yeux du producteur. « Je l’aurais probablement fait quand même, explique-t-il. Ce qui a été le plus fatigant, c’est qu’il y avait les subventions pour le bien-être animal qui allaient se terminer. J’ai retardé le plus possible pour essayer de savoir ce qui allait se passer, mais on ne l’a pas su. Et je me trouvais trop jeune pour arrêter. Donc j’ai fait toutes les réparations et rénovations. »
La fin de Vallée-Jonction
Six mois après la fin des rénovations, l’usine d’abattage de porcs de Vallée-Jonction fermait ses portes. L’abattoir était situé à quelques kilomètres à peine de la Ferme Pierre Gagné. Sa fermeture donne un gros coup, puisque les porcs sont passés de cinq minutes de transport à près de quatre heures, et le coût de déplacement a presque triplé depuis.
Pierre a-t-il songé à quitter la production porcine? « Je n’aurais pas fermé. Les bâtisses étaient trop jeunes. »
Il garde donc le cap. Résilient, il ajoute d’ailleurs ne pas se laisser abattre facilement. « Soit tu t’accotes, tu ne fais plus rien et tu te laisses aller. Ou bien tu baisses la tête, tu continues et tu fonces, déclare-t-il. Et je ne suis pas du genre à m’apitoyer sur ce qui arrive. Je n’ai pas le temps et ça ne donne rien. »
Le producteur se retrousse plutôt les manches pour trouver un transporteur vers l’autre abattoir le plus proche. C’est finalement une collaboration avec une entreprise en production porcine de taille similaire à la Ferme Pierre Gagné qui permet le transport combiné des 100 porcs de l’une et des 100 porcs de l’autre ferme, toutes les deux semaines.
« Pourvu que les cochons partent! s’exclame Pierre. Longtemps, ç’a été ça, le nerf de la guerre. Est-ce que quelqu’un va vouloir les prendre? Parce que tout le monde disait qu’on allait manquer de transport. »
L’équipe de la Ferme Pierre Gagné
La ferme roule avec Pierre, sa conjointe Isabelle Nadeau et son père, Aurèle Gagné, qui continue à donner un coup de main à 83 ans bien comptés, même s’il a cessé de travailler à temps plein il y a trois ans. « Il ne faut pas que je lui donne trop de projets parce qu’il est prêt. Je n’ai pas le temps de me revirer que c’est déjà fait! » explique le producteur, un sourire affectueux aux lèvres. La ferme peut aussi compter sur l’aide précieuse d’Anthony Laplante, fraîchement sorti de l’Institut de technologie agricole du Québec (ITAQ) en 2024. Bien sûr, c’est sans oublier Marilou (dix ans) et Madison (huit ans), les filles de Pierre et Isabelle, qui donnent aussi un coup de main à l’entreprise.
Si Pierre s’occupe toujours des porcs et des bœufs, Isabelle et Aurèle sont les sucriers de l’Érabilière Isalou (5800 entailles) achetée à parts égales par le couple en 2016. Isabelle donne aussi un coup de main pour la comptabilité et les travaux aux champs. Anthony et elle étaient d’ailleurs au fanage lors de la visite du Coopérateur, roulant des balles de foin très sec destinées à la vente pour l’alimentation équine.
En plus de leurs 79 ha (195 acres) et des 119 ha (295 acres) en location – fertilisés presque à 100 % par le lisier et le fumier de la ferme –, l’équipe de la Ferme Pierre Gagné assiste aussi son proche voisin, Michel Nadeau. Durant la période de l’entaillage et la saison des foins, lui-même vient en aide à ses voisins et à sa famille – il est le père d’Isabelle. L’amour a effectivement fleuri à un coin de rue! L’entraide est donc souvent au rendez-vous entre les deux familles.
Photo par Stéphanie McDuff
Historique de la ferme
La terre où se situe l’entreprise a été achetée par Lorenzo en 1956. Il l’a ensuite vendue à son fils, Aurèle Gagné. Lui et sa conjointe, Lise Doyon, ont formé la Ferme Aurèle Gagné & Fils S.E.N.C. en 1994 à l’arrivée dans l’entreprise de leur fils, Pierre.
À la suite du décès de Lise en 2003, les parts ont été transférées et, en 2006, la Ferme Pierre Gagné Inc. a vu le jour. La responsabilité des porcs est quant à elle rapidement tombée entre les mains du jeune agriculteur, qui cumulait déjà près de 12 ans d’expérience à la ferme après sa sortie de l’ITA en gestion et exploitation d’entreprise agricole.