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Hausse des taux d’intérêt : quels effets sur le milieu agricole?

Le mercredi 7 septembre, la Banque du Canada annonçait une hausse de son taux directeur de 75 points de base, le faisant ainsi passer à 3,25 %. L’économiste en chef de Financement agricole Canada, Jean-Philippe Gervais, nous indique quels effets cette hausse aura sur les entreprises agricoles.

Coopérateur : D’abord, pourquoi la Banque du Canada procède-t-elle à ces hausses de son taux directeur?

Pour maintenir l’inflation sous contrôle. Le plus important facteur inflationniste sur lequel elle a un impact, c’est le pouvoir de dépenser des consommateurs. Les dépenses de consommation au deuxième trimestre, cette année, ont été très, très fortes, ce qui a eu pour effet de mettre de l’huile sur le feu du côté de l’inflation. La banque n’a pas d’autres choix que d’essayer de ralentir ces dépenses en haussant les taux d’intérêt. Elle agit de façon très agressive pour tenter le plus possible de couper cette tendance. Cette décision était attendue.

Quels impacts cette hausse du taux directeur aura-t-elle sur les producteurs agricoles?

La hausse du taux aura un impact direct et presque instantané sur les fermes qui ont des prêts à taux variables. L’augmentation du taux de la banque de 75 points de base (0,75 %) va venir faire grimper leurs coûts d’emprunt. Pour les entreprises qui possèdent des prêts à taux fixes pour un an, trois ans, cinq ans, ou même 10 ans, il n’y a aucun impact. L’impact se fait sentir lorsque c’est le temps de renouveler un prêt.

L’effet de cette hausse dépendra de l’ampleur de la marge de crédit de chacune des entreprises. Par exemple, sur une marge de crédit de 100 000 $, 0,75 % représente 750 dollars de plus par année. Si on parle d’un million de dollars, on multiplie ce montant par 10. Ça, c’est seulement pour l’augmentation du taux directeur de mercredi dernier. C’est donc sans compter l’augmentation de 1 % en juillet dernier, et les trois autres augmentations précédentes. Ça commence à faire beaucoup, surtout quand on sait que le taux directeur était à 0,25 % en début d’année. Nous en sommes maintenant à 3,25 %. Pour des prêts à taux variables, ça peut facilement plus que doubler les paiements d’intérêts des entreprises.

Ça vient donc inévitablement gruger leur marge bénéficiaire, non?

Oui. En plus, les coûts des intrants demeurent élevés. On est encore aux prises avec des pénuries de main-d’œuvre. Les salaires sont plus élevés. Le prix des denrées primaires a légèrement baissé. Cela dit, les marges des entreprises restent, je pense, en grandes cultures entre autres, quand même positives, mais ça vient effectivement gruger les marges.

Est-ce que d’autres hausses sont à venir, selon vous?

Sans doute. La banque l’a explicitement fait savoir. De notre côté, on pense qu’elle aura probablement fini avec une autre augmentation de 0,5 %. Mais il n’y a rien de sûr, ça pourrait être plus.

Que doivent faire les producteurs?

Pour les fermes, il s’agit d’analyser leurs portefeuilles de financement et leurs prêts qui viennent à échéance afin de mettre sur la table, dès maintenant, une stratégie d’action. Si tous les prêts d’une entreprise viennent à échéance dans trois, quatre ou cinq ans, les propriétaires n’en perdront pas le sommeil. Mais si des prêts viennent à échéance dans les 12 prochains mois, ils doivent se demander à quels risques ils s’exposent comme entrepreneur au cours des prochaines années. Quelles stratégies doivent-ils mettre en place? Ils pourraient par exemple aller vers du plus long terme, ou alors rester sur du court terme, sachant qu’à un certain moment, il y aura, comme toujours, un retour du balancier, c’est-à-dire que les taux pourraient diminuer. Pour le moment, la banque ne considère aucunement ce scénario qui demeure même plutôt distant. Ce retour du balancier ne se manifestera vraisemblablement pas avant la 2e moitié de 2023, et peut-être même plus tard. Il est donc important de s’entourer de bonnes personnes, que ce soit un comptable, un expert-conseil, un banquier, etc., pour répondre à ces questions et mettre des stratégies en place.

Cette hausse du taux directeur aura-t-elle un effet sur le prix des terres?

Je crois qu’elle devrait freiner l’élan du côté de la demande. On ne le verra pas immédiatement, car de nombreuses transactions ont déjà été enregistrées depuis le début de l’année. Mais dans un horizon de 12 mois, la demande va ralentir, mais pas de façon vraiment significative, car l’attrait pour les terres agricoles est encore très fort. Elles sont très chères, oui, mais en matière de valorisation, elles devraient demeurer au plus haut.

Patrick Dupuis

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

patrick.dupuis@lacoop.coop

patrick.dupuis@sollio.coop

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

patrick.dupuis@lacoop.coop