Semences UFA, le leader du marché suisse des semences, a inauguré en 2021 le premier système de traitement des semences à la vapeur, à Lyssach, dans le canton de Bern. L’objectif? Faire appel à une technologie qui combat les maladies des plantes pour s’affranchir des pesticides de synthèse dans les céréales.
En Suisse, les semences de céréales sont, jusqu’à présent, principalement traitées contre la moisissure des neiges, la carie naine du blé, la carie ordinaire du blé et le charbon nu à l’aide de produits chimiques de synthèse. Semences UFA, la filiale semences de la coopérative agricole fenaco, fait toutefois appel depuis 2021 au procédé ThermoSeed® (appelé ThermoSem en français), qui utilise la vapeur pour traiter les semences. Il a été développé en Suède dans les années 1990 par la coopérative agricole Lantmännen BiaoAgri et se retrouve actuellement dans six pays, dont la Suisse.
Comment fonctionne le procédé ThermoSem?
Le processus de désinfection thermique est, somme toute, assez simple. Les semences sont d’abord triées par quatre tamis afin d’en retirer toutes les impuretés et les poussières. Elles passent ensuite à la cocotte qui permet de tuer les spores des champignons, qui sont plus sensibles au traitement à la vapeur que la semence elle-même. C’est ce qui explique le succès de la méthode, la semence conservant son intégrité. De plus, la température utilisée varie selon l’état des semences reçues. « C'est au cœur de la technologie ThermoSem et le “secret” de l'efficacité de notre traitement. Chaque lot de semences a besoin et tolère une température d’intensité différente », explique Frida Dalemar, directrice générale chez Lantmännen BioAgri.
Grâce au mouvement vibratoire constant du système, les semences sont traitées de manière homogène et propulsées vers l’avant. Elles continuent ensuite leur parcours au niveau inférieur où elles sont séchées à l’air chaud. Viennent ensuite le refroidissement puis, finalement, l’ensachage. Au total, l’opération prend six minutes.
Les avantages et les désavantages du ThermoSem
La technologie a de nombreux avantages. Les semences peuvent être manipulées sans le moindre risque, car aucune poussière traitée chimiquement ne s’en dégage. Pas de spores de champignons vivantes non plus, les semences inutilisées peuvent donc être stockées pour l’année suivante et rester exemptes de spores – ce qui n’enlève bien sûr pas la nécessité de refaire des tests de germination. Les semences sont adaptées à l’agriculture biologique et, advenant le cas d’un surplus, elles pourraient même être redirigées vers l’alimentation animale.
La durée de vie des semences al dente semble être la même que pour celles traitées chimiquement. Les semences suisses sont toutefois vendues trop vite, à l’heure actuelle, pour évaluer leur durée de vie au-delà de deux ans. fenaco vise un taux de germination de 85 %.
Le plus gros avantage reste cependant l’importante réduction de l’utilisation de produits phytosanitaires dans les champs. À l’heure actuelle, le processus s’est avéré efficace pour les céréales.
Certaines maladies ne sont pas combattues par le traitement et l’efficacité peut varier selon la profondeur à laquelle se trouvent les agents pathogènes dans les semences. « Nous constatons que d’autres nouveaux traitements doivent être mis en place pour traiter les maladies fongiques comme le charbon nu de l’orge, explique Miriam Rihs, représentante chez fenaco. Nous ne pouvons pas traiter ces spores fongiques avec la technologie ThermoSem. » En effet, les spores du charbon nu se situent au cœur des semences. Le traitement à la vapeur n’arrive donc pas à les atteindre.
Le procédé ThermoSem n’a également pas encore été utilisé commercialement pour le soya et le maïs. « Au fil des ans, nous avons réalisé plusieurs essais avec différents producteurs de semences pour traiter le soya, le maïs et le maïs sucré avec ThermoSem, mais de nombreux éléments doivent encore prendre forme et aucun de ces projets n’a jusqu’à présent abouti à une mise en œuvre », affirme Frida Dalemar.
L’avenir du ThermoSem en Suisse
Le marché suisse des céréales d’hiver est de 20 000 T. La part de marché de Semences UFA est d’environ 12 000 T. L’installation ThermoSem a une capacité de neuf tonnes à l’heure. En 2024, environ 1100 T/année auront été traitées avec la technologie ThermoSem.
Quelques facteurs incitent fenaco à miser sur cette technologie, dont l’accroissement de la part du marché bio qui est de 10 % par an dans le pays. C’est toutefois surtout la réglementation qui a changé la donne.
Le Plan d’action visant à la réduction des risques et à l’utilisation durable des produits phytosanitaires a été adopté par le Conseil fédéral suisse en 2017. Les mesures prévues dans ce plan ont pour but de réduire de 50 % les risques liés à l’utilisation des produits phytosanitaires d’ici 2027, par rapport à la valeur moyenne des années 2012 à 2015, dans les domaines des eaux de surface, des habitats proches de l’état naturel et des eaux souterraines. Il contient également des objectifs de réduction des risques liés aux produits biocides et des pertes d’éléments fertilisants.
Le traitement des semences à la vapeur fait donc partie de la trousse à outils dont s’est dotée la coopérative pour atteindre ces objectifs.
D’ici 2029, fenaco prévoit migrer une grande partie des 11 000 T restantes de ses traitements de semences vers le ThermoSem. « Nous partons du principe que deux installations en Suisse suffiraient », conclut Miriam Rihs.
À la lumière de ce qui se fait en Suisse, la question se pose donc : Pourquoi pas au Québec?
Qui est fenaco?
fenaco est une fédération de coopératives agricoles dont la tradition date de plus de 150 ans. Son objectif principal consiste à soutenir les agricultrices et agriculteurs suisses dans le développement économique de leurs entreprises. Pour ce faire, fenaco prend en charge et commercialise des produits agricoles tels que les céréales, le maïs, les oléagineux, les pommes de terre, le bétail de boucherie, les œufs, les légumes et les fruits, dont les baies et les raisins. Dans ses installations industrielles, la coopérative transforme ces produits en denrées alimentaires et en boissons. Elle approvisionne également ses propres canaux de distribution ainsi que des détaillants indépendants.
Photo : Stéphanie McDuff