Aller au contenu principal

Cathy Fraser : la dame de la coopération

Novago Coopérative

Des vaches aux lapins, puis aux bœufs et aux poulets, Cathy Fraser a mené sa barque agricole à la Ferme Galyco en saisissant les occasions et surtout en se respectant. Le tout en étant administratrice aux conseils d’administration de Novago Coopérative et de Sollio Groupe Coopératif. Portrait d’une dame de la coopération, qui décide avec assurance et sans regret.


Entrée dans le monde agricole

« J’ai fait L'Amour est dans le pré avant le temps! », affirme Cathy Fraser pour expliquer son introduction dans le milieu agricole. Au début des années 2000, elle habite à Laval. C’est durant une visite à Lac-aux-Sables, ville natale de sa mère, qu’elle rencontre Nicolas Hamelin, un ami de la famille, copropriétaire avec son père d’une ferme laitière.

Pendant un an, ce sont des aller-retour entre la ferme et l’île Jésus, jusqu’au déménagement officiel. « C’est comme ça que je suis tombée dans l’agriculture », explique celle qui a étudié en génie civil et est devenue productrice agricole.

Les premières années, Cathy s’investit principalement dans le restaurant de sa famille au village, dont elle est copropriétaire avec ses quatre cousines. L’agriculture se creuse lentement un chemin de plus en plus grand dans l’horaire de la jeune femme, surtout quand un projet de production cunicole se forme. En 2017, le clapier accueille ses premiers lapins, et Cathy se joint alors à temps plein à la ferme.  

D’une production à l’autre

Lorsque la production est lancée, c’est près de 32 000 lapins par année qui peuvent sortir de la Ferme Galyco. Les débuts semblent prometteurs et la production cunicole elle-même est un véritable plaisir pour l’agricultrice. « J’ai toujours aimé cette production, affirme Cathy. Le cycle est rapide. Si on a un problème, on peut tout de suite faire les modifications nécessaires et on voit rapidement les changements. »

Les pépins quotidiens viennent surtout des défis pour l’abattage et le transport des lapins. C’est une source de stress qui n’en finit plus d’essouffler Cathy et Nicolas qui persévèrent tout de même.

Deux enjeux majeurs viendront bouleverser leur projet : la perte de leur employé et la pandémie.

Cet employé était en poste à la ferme depuis près de six ans. Les deux producteurs s’essaient avec de nouveaux employés, des travailleurs étrangers temporaires et une coopérative d’utilisation de main-d’œuvre (CUMO). Rien n’y fait : on n’arrive pas à maintenir l’équilibre et les deux productions. La situation est à ce point difficile que Nicolas tombe en épuisement professionnel, ce qui ajoute à la pression ressentie par les agriculteurs.

L’heure est alors venue de changer les choses  : Cathy et Nicolas abandonnent la production laitière. Le choix est moins déchirant qu’il n’y paraît. « C’est sûr que l’idéal aurait été de garder notre employé, admet Cathy. Ç’aurait été plus facile! Mais à ce moment-là, avec les informations qu’on avait, c’était la meilleure décision qu’on pouvait prendre », explique l’agricultrice.

La ferme continue donc son petit bonhomme de chemin, exclusivement en production cunicole. Mais on verra que ce ne sera encore que transitoire.

En 2020, la pandémie frappe. Et elle frappe fort dans le lapin. La clientèle ne se trouve pas dans les cuisines des maisons, mais plutôt dans les restaurants. C’est près de 60 à 70 % de la production de la Ferme Galyco qui ne trouve plus preneur. Même après la fin des mesures de confinement, il n’y a pas la reprise attendue. Ajoutons à cela les contraintes liées au transport des lapins jusqu’aux abattoirs, qui exige une logistique laborieuse et difficilement prévisible, et c’en est alors assez.

Un retour à la restauration

Cathy et Nicolas reviennent à la planche à dessin et, surtout, à la planche à découper. Cette fois, c’est en transformation alimentaire et en commerce de proximité que la Ferme Galyco se recycle. Marchés publics, service de traiteur, kiosque à la ferme, point de vente en épicerie locale : le contact direct avec les clients se crée et la production se diversifie. Les volumes diminuent aussi, la mise en marché étant radicalement différente.

« Pour survivre, raconte l’agricultrice, on a décidé de commencer à transformer notre viande, à la vendre à la ferme, dans les marchés et les épiceries proches. Mais les gens mangent peu de lapin au Québec. Ils ne savent pas comment l’apprêter. Donc on s’est mis à faire des produits transformés. »

Aujourd’hui, la ferme produit 1000 lapins, 30 porcs, 300 poulets et 20 bœufs par année. C’est une grosse transition depuis les 32 000 lapins annuels!

Le changement se fait dans le plaisir. Cathy met de l’avant l’importance de songer à son bonheur à la ferme à travers quelques paroles de sagesse. « Arrête-toi et regarde ce qui te rend heureux, suggère-t-elle. Quelle production et quelle taille feront que tu vas être bien? »

Nicolas se plaît aussi à la cuisine. « On a un bâtiment qui est presque vide, dit-il. Mais pour moi, ce n’est pas un échec. C’est juste qu’on a changé notre façon de voir les choses. On voit l’évolution dans le temps. C’est une belle réussite. » Le producteur profite aussi de la charge allégée à la ferme pour réaliser un autre de ses rêves : travailler en construction.

Loin de ressentir un sentiment d’échec, donc, devant les aléas qu’elle a traversés avec son conjoint, Cathy puise une certaine tranquillité d’esprit dans la force de ses résolutions. « Quand je prends une décision, je l’ai tellement tournée dans ma tête que je suis en paix, affirme-t-elle. La ferme ne revient pas en arrière; elle évolue. »

D’ailleurs, les résolutions, et surtout les convictions, sont au centre de la personnalité de cette femme de cœur, empathique et très impliquée dans le milieu agricole.

Ses implications

Cathy Fraser a commencé son parcours coopératif à La Coop Saint-Casimir, comme administratrice au conseil d’administration. Au fil des fusions, elle est devenue vice-présidente du CA de La Coop Univert (2014-2018), puis administratrice au CA de Novago Coopérative et, depuis 2015, également au CA de Sollio Groupe Coopératif.

Elle s’implique notamment à titre de présidente du CA de la Fondation SOCODEVI et d’administratrice pour les conseils d’administration de la Fondation du Conseil québécois de la coopération et de la mutualité (CQCM), du Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec (CRAAQ) et de la Chambre de commerce de Mékinac. Elle participe aussi à l’organisation de la Fête estivale de Lac-aux-Sables.

S’engager pour l’équité et la justice

Lorsqu’on brosse le portrait de l’administratrice, les réponses de Nicolas et de Cathy se complètent harmonieusement.

Sa plus belle qualité? « L’équité », répond son conjoint. Qu’est-ce qui l’insurge? « L’injustice », répond-elle. « Que tu sois un homme ou une femme, un grand ou un petit producteur, riche ou pauvre, tu as droit aux mêmes services », précise Nicolas en décrivant le sens profond de la justice qui habite Cathy.

Pas étonnant, du coup, que l’administratrice ait choisi la coopération pour s’impliquer. « Le milieu coopératif correspond vraiment à mes valeurs, explique-t-elle. Pour moi, c’est important que tout le monde soit considéré, que chacun ait un droit de parole, puisse donner son opinion et ait le droit de voter. Et j’aime plus le côté entrepreneurial de la coopération. »

Au sein des conseils d’administration, elle se démarque par son sens éthique, aux dires de son collègue David Mercier, qui siège avec elle aux CA de Sollio Groupe Coopératif et de Novago Coopérative. « C’est une femme de cœur, affirme-t-il d’emblée. Dans sa façon d’être administratrice, elle met les valeurs et les humains à l’avant-plan. » Réfléchie, de bon conseil, toujours à l’écoute et capable de se remettre en question, Cathy connecte les considérations humaines et financières de l’organisation, où tout est interrelié. « Tout s’attache, dans une organisation. Il faut des personnes qui font ces liens. C’est comme ça, comme administratrice, que Cathy joue ce rôle et m’inspire. Je suis content de l’avoir avec moi », ajoute David.  

Mettre son poste en jeu par conviction

Cathy est arrivée au conseil d’administration de Sollio Groupe Coopératif en 2015 quand elle a posé sa candidature au poste réservé à une représentation féminine (maintenant appelé siège Équité). Elle a occupé ce poste de 2015 à 2021.

C’est par pure conviction qu’elle le quittera dans l’espoir d’accroître le nombre de femmes au conseil d’administration. En posant sa candidature pour un autre siège, elle libérait d’office le siège Équité. Mais elle-même ne gagnait pas automatiquement un autre siège.

L’enjeu était grand. « À ce moment-là, je vivais un dilemme, explique-t-elle. D’un côté, je pouvais rester confortablement à mon poste sans me présenter contre des gens qui étaient devenus mes amis. D’un autre côté, je n’arrêtais pas de dire qu’il fallait plus de femmes en agriculture. Le poste que j’occupais est là pour donner la chance à des femmes d’être administratrices, pour qu’elles constatent qu’elles peuvent changer les choses. J’ai donc sondé certaines femmes dans le réseau pour voir si elles seraient intéressées [par le siège Équité], parce que je ne voulais pas que le poste tombe vacant. Ça n’aurait pas eu l’effet escompté! Puis, je me suis présentée contre deux hommes. J’étais stressée de perdre mon poste d’administratrice, mais je ne pouvais pas aller à l’encontre de mes valeurs. »

Le pari est réussi! Cathy obtient la majorité des votes pour son nouveau poste, et Sophie Gendron remporte le siège Équité. Aujourd’hui, cinq personnes sur 17 sont des femmes au conseil d’administration de Sollio Groupe Coopératif.

La manœuvre suscite d’ailleurs une certaine admiration. « Elle a osé le faire au détriment de son poste, parce qu’elle voulait que les femmes prennent encore plus de place. Elle avait un mandat : promouvoir les femmes en agriculture. Et elle l’a mené jusqu’au bout. Je suis très fier d’elle! » souligne Nicolas.

« C’est admirable. Ça lui a demandé du courage, ajoute David Mercier. Quand on a des femmes qui sont de bonnes administratrices et qu’elles utilisent le siège Équité comme tremplin pour passer à un siège territorial, ça ouvre la porte à d’autres femmes. C’est ce qu’on souhaite. »

La tête remplie de projets

À voir l’ensemble de ses réalisations des dernières années, on se rend vite compte que Cathy Fraser est une femme de projets. « Sans projet, elle est moins bien! confirme Nicolas. Donc, on aime avoir des projets et on est toujours en évolution. »

Quel sera le prochain défi? On se permet de rêver d’une ferme toujours plus accueillante. « En rêve fou, imagine Cathy, j’entrevois une place où les touristes arrêteraient en passant pour se prendre quelque chose. Il y aurait des événements à la ferme. Je vois une belle terrasse illuminée où il y a de la musique et où les gens viennent manger et avoir du plaisir, en découvrant les produits. »

Cathy et Nicolas préparent aussi la ferme à une éventuelle relève. Leur plus jeune fils, Henri, est à l’ITA de Saint-Hyacinthe et étudie en horticulture. Les productions animales? Très peu pour lui. Le couple se dit donc que l’avenir de la ferme pourrait bien se tourner vers des serres plutôt qu’un clapier et une étable. Mais la Ferme Galyco a encore bien des possibilités devant elle d’ici là. Qui sait quels seront les nouveaux projets de Cathy Fraser d’ici dix ans!

Photos : gracieusetés de Cathy Fraser

Stéphanie McDuff

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires. 

Stephanie.McDuff@sollio.coop

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires.