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De la haute technologie québécoise en Chine

« Le coût de la moulée pour alimenter les porcs est 50 % plus élevé en Chine qu’au Canada, parce que les éleveurs doivent importer leurs grains, dit Gratien Theriault, responsable du développement des affaires chez Jyga Technologies. Or 70 % du coût de production d’un porc est lié à l’alimentation. C’est en grande partie pour cette raison que nous sommes présents en Chine. » 

Ce sont deux jeunes entrepreneurs, eux-mêmes producteurs de porc, Alain et Donald Lefevbre, qui achètent Jyga Technologies en 2004. Jyga Technologies a été l’une des premières compagnies à concevoir un système d'alimentation automatisé pour les truies au monde. Le système d’alimentation Gestal est d’ailleurs vendu dans plus de 35 pays à ce jour. L'entreprise beauceronne possède aujourd'hui sa propre ligne d'équipement, Robust, et peut « habiller » une porcherie du plancher au plafond. Elle possède des bureaux aux États-Unis et en Allemagne. 

« La Chine abrite 40 % du cheptel mondial de truies, et nous ne pouvions ignorer ce marché », poursuit Gratien Theriault. Tous les logiciels d’alimentation sont conçus en Beauce, mais pour « habiller » les porcheries d’acier et de plastique, il fallait passer par la Chine. C’est là que débute la chaîne d’approvisionnement. Les trois quarts des équipements, comme les cages de mise bas en acier et la tuyauterie d’alimentation en plastique, sont fabriqués dans l’empire du Milieu. Et c’est par l’entremise d’un fournisseur d’équipements que Jyga Technologies a commencé à prendre pied sur le marché chinois, en 2014. 

« Nous avons des collaborateurs en Chine et nous participons à toutes les grandes foires commerciales », explique Gratien Theriault. C’est dans ces expositions que Jyga Technologies se retrouve aux côtés des entreprises danoises, françaises, néerlandaises ou américaines, qui se disputent ce gigantesque marché.  

La peste porcine africaine (PPA), qui a décimé le cheptel de porcs chinois, a contribué au taux de croissance du chiffre d’affaires de Jyga Technologies, à raison de 20 % par an. « Il y a beaucoup d’éleveurs de 100 000 à 1 million de truies qui fonctionnent sous un modèle d’intégration verticale à la Smithfield* et qui cherchent à diminuer leurs coûts d’alimentation avec un logiciel haut de gamme », explique Gratien Theriault.   

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la Chine a une très grande problématique de main-d’œuvre. « La nouvelle génération n’est pas intéressée par le travail dans les fermes situées près des centres urbains, où elle peut gagner de meilleurs salaires », dit le responsable. Cela encourage l’automatisation des opérations.  

La technologie Jyga est-elle brevetée pour la protéger en Chine?

Le vol notoire de technologies a donné très mauvaise presse à ce pays. « On n’a pas les ressources pour embaucher des avocats afin de défendre des brevets, indique Gratien Theriault. Le fait est que tout le monde cherche à nous copier, pas juste la Chine. Notre stratégie consiste à toujours avoir une longueur d’avance sur la concurrence. »  

La pandémie de COVID-19 a interdit tout voyage depuis deux ans, ce qui complique le suivi des affaires, dit le responsable, qui auparavant foulait le sol chinois trois ou quatre fois par année. Et la difficile relation politique entre le Canada et la Chine fait que Jyga Technologies n’a pas l’intention de mettre « toutes ses billes dans ce marché ». L’Europe (en particulier l’Espagne), l’Amérique latine et les États-Unis demeureront très importants. 

* Le géant américain Smithfield, champion de la production porcine verticalement intégrée, a été acheté par le Groupe WH, basé à Hong Kong, en 2013, par 4,7 millions $ US.

Photo: Jyga Technologies

Nicolas Mesly

Nicolas Mesly est journaliste, agronome (agroéconomiste) et photographe. Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de 30 reprises. Auteur, conférencier, documentariste, il collabore entre autres au Coopérateur, à l'émission radio Moteur de recherche/SRC et il est correspondant canadien pour le journal La France Agricole.
nicolasmesly@gmail.com
Nicolas Mesly est journaliste, agronome (agroéconomiste) et photographe. Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de 30 reprises. Auteur, conférencier, documentariste, il collabore entre autres au Coopérateur, à l'émission radio Moteur de recherche/SRC et il est correspondant canadien pour le journal La France Agricole.