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Vers fil-de-fer : remplacer la matière active par la matière grise

Alors qu’une bonne partie des semences utilisées au Québec étaient jusqu’à tout récemment enrobées d’un insecticide, la tendance s’inverse et on fait maintenant appel à une approche intégrée qui comprend du dépistage et des modèles mathématiques de probabilité d’infestations et de dommages aux cultures. Donc, plus de matière grise et moins de matières actives, au profit des producteurs et de l’environnement! 

Sols légers, maïs sur maïs, retour de prairies, terres riches en matière organique : certaines parcelles sont plus à risque d’infestation par les neuf genres de ravageurs appelés vers fil-de-fer (VFF) présents au Québec. Ces vers s’alimentent en surface d’avril à juin et de la mi-août à la mi-octobre, quand les conditions sont fraîches et humides. Ils se nourrissent de matière organique, ne faisant pas la différence entre des résidus de culture, du fumier ou de tendres semences! L’espèce la plus abondante au Québec, le taupin trapu, Hypnoidus abbreviatus (Say), représente 72 % des spécimens collectés. 

Dans les dernières années, les résultats du Centre de recherche sur les grains (CÉROM) ont montré hors de tout doute que les néonicotinoïdes appliqués sur les semences comme répulsifs aux VFF étaient injustifiés dans 96 % des cas. La réponse de l’agriculture québécoise s’est résumée ainsi : proactivité. « Nous avons migré vers une approche intégrée qui inclut un dépistage dans les règles de l’art », explique l’agronome François Labrie, de Sollio Agriculture, qui a siégé au sein du comité sur l’utilisation des traitements de semences insecticides de l’Ordre des agronomes du Québec. 

Alors qu’ailleurs au Canada c’est encore près de 80 % des semences de maïs et 25 % des semences de soya qui sont traitées, indique l’agronome Philippe Defoy, de Maizex, cette proportion a régressé fortement au Québec en raison de l’obligation de la prescription agronomique. « Le Québec mène les efforts de réduction de pesticides sur les semences », révèle l’agronome, directeur pour l’est du Canada. On a longtemps justifié l’enrobage systématique des semences de maïs et de soya par la difficulté logistique des semenciers à enrober ou pas les semences d’hybrides et de cultivars avec des insecticides, fongicides ou inoculants. Philippe Defoy s’enorgueillit toutefois de la flexibilité de Maizex, qui répond aux spécifications des agronomes et des clients avec un ensachage sur mesure, effectué en Ontario. 

Bref, s’il existe depuis 2017 l’outil prédictif VFF QC (accessible sur info-sols.ca), qui jauge le risque selon différents paramètres (précédents culturaux, texture de sol, matière organique, lieu géographique et travail de sol), la meilleure méthode pour valider les prédictions consiste encore à mettre ses bottes! 

Dépistage par piégeage 

Ce printemps 2021, les coopératives du réseau Sollio seront encore à pied d’œuvre pour piéger les taupins. Chez Sollio & Avantis Agriculture coopérative, l’agronome Frédéric Normand, directeur de l’agroenvironnement et des productions végétales, et son équipe ont fait du dépistage pendant l’équivalent d’environ 130 heures dans 22 fermes. La méthode consiste à creuser, à la période des semis, quand la température du sol à 10 cm est supérieure à 8 °C, des pièges-fosses de 15 cm de largeur et de profondeur, et à y déposer un mélange attractif composé à parts égales de grains entiers, de farine et de gruau. Les grains qui germent et la mixture qui fermente dégagent du gaz carbonique qui attire les vers.  

Ces trous géoréférencés sont revisités une semaine plus tard. Des seuils économiques d’intervention permettent de quantifier la pression des ravageurs (1, 2 ou 3 vers et plus par piège) tout en qualifiant les espèces présentes, identifiées gratuitement par le Laboratoire d’expertise et de diagnostic en phytoprotection du MAPAQ. 

Les résultats sont éloquents : alors qu’en 2016 près de 100 % des semences de maïs et plus de 50 % des semences de soya étaient traitées, la proportion (maïs et soya confondus) a chuté à 48 % en 2018, 27 % en 2019 et 19 % en 2020, ce dont ne sont pas peu fiers les membres de l’équipe Comax. D’une assurance tous risques, l’approche est aujourd’hui tout autre. « Il y a plus de réflexion agronomique : on fait une véritable gestion de risques, en soupesant les facteurs », explique l’agronome Mario Rivard, qui souligne que les néonicotinoïdes n’ont pas été bêtement remplacés par d’autres insecticides à plus faible risque pour l’environnement et la santé humaine. « J’ai même eu quelques appels de producteurs qui veulent en savoir plus sur le dépistage chez eux », se réjouit Radka Valeva, agronome qui traquera encore les VFF en 2021. 
 
Lire l’article complet dans l’édition de mai-juin 2021 du Coopérateur.

Photo : OMAFRA
 

Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.