Les écoles d’agriculture prodiguent leur enseignement depuis près de deux cents ans au Québec. Des berges du Saint-Laurent au Collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière en 1827 aux dizaines de programmes agricoles offerts aujourd’hui, l’enseignement a bien changé. Le but premier demeure toutefois entier : donner une formation de pointe dans des fermes-écoles qui reflètent les derniers avancements en agriculture.
Les écoles ne sont pas les seules à avoir évolué. D’après un portrait dévoilé en 2021, la relève au Québec est de plus en plus formée. La proportion détenant un diplôme d’études postsecondaire se situait à 86 % alors qu’elle était de 74 % en 2006. Un transfert s’opère vers les études collégiales et universitaires avec respectivement 31 % et 20 % de jeunes agriculteurs qui les choisissent. Les études universitaires sont en forte progression, ayant gagné 6 % de popularité en cinq ans. Parmi les options, la formation professionnelle demeure choisie par 30 % des jeunes diplômés en agriculture.
Qu’ils soient issus de la ville ou de la campagne, les jeunes démontrent une grande passion et une fougue pour différents sujets, que ce soit l’environnement, la technologie, la qualité de vie en agriculture ou le démarrage d’entreprise. « Les jeunes sont épatants, ils sont tellement motivés et engagés », indique la directrice générale l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ), Karine Mercier.
La popularité des programmes en agriculture varie
Chaque niveau d’enseignement connaît ses propres réalités et défis. Malgré la diplomation en hausse au niveau universitaire, les inscriptions diminuent de 30 % depuis trois ans dans les programmes agronomiques, note Yvan Chouinard, directeur du programme de baccalauréat en agronomie à l’Université Laval. Plusieurs facteurs sont en cause selon lui, dont la démographie, une méconnaissance du métier et une mauvaise presse. « On essaie de comprendre pourquoi il y a un désintérêt des jeunes pour l’agriculture. »
Le constat est complètement différent à l’ITAQ : « Ce qu’ils vivent à l’Université Laval est ce qu’on a connu il y a trois ans », explique Karine Mercier. Aujourd’hui, le vent a tourné : les inscriptions sont en hausse de 40 % dans les programmes agricoles et de près de 17 % pour les deux campus pour l’année scolaire 2025-26, un bond de 13 % par rapport à l’an dernier.
Le rebond démographique fait partie de l’explication, mais l’ITAQ a pris le taureau par les cornes pour mieux faire connaître le secteur agroalimentaire et parler de sujets qui touchent les jeunes comme les enjeux environnementaux et climatiques, l’autonomie et la sécurité alimentaire. Le cégep a aussi eu recours à des influenceurs et aux réseaux sociaux. « On est allé chercher les jeunes où ils étaient. »
Suivre les tendances technologiques
Un des défis en enseignement est de maintenir le rythme face aux changements technologiques. L’Université Laval a revampé son baccalauréat en agronomie, une transition qui sera achevée dans deux ans, pour répondre aux intérêts des étudiants et leur donner les compétences jugées essentielles par les agronomes sur le terrain.
Dans les formations techniques, ce défi est encore plus criant. L’ITAQ révise régulièrement ses programmes pour s’assurer que ses diplômés sont prêts pour le marché du travail et offre du perfectionnement pour les professeurs.
Nos enseignants doivent être au fait des dernières technologies. Plusieurs ont des entreprises agricoles, et c’est important pour nous qu’ils gardent ce lien.
— Karine Mercier, directrice générale l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ)
L’intelligence artificielle est aussi intégrée en présentant ses possibilités et ses limites. La formule de l’ITAQ semble fonctionner puisque 70 % des étudiants obtiennent leur diplôme et 40 % poursuivent vers l’université.
Ouvrir des portes pour les étudiants en agriculture
Et que pense Yvan Chouinard des commentaires mitigés sur le programme d’agronomie jugé trop général? « Ça ne me surprend pas. Au milieu d’un programme d’études, on est souvent pris par un vertige. Ça représente les possibilités du métier d’agronome, mais on a tout pour accompagner nos étudiants. »
Loin de ressentir un fardeau à l’idée de former les jeunes aux défis de l’agriculture de demain, Karine Mercier dit en tirer une grande fierté. « On voit ça comme un privilège de contribuer à ce volet-là de notre société. »
Notre rôle est aussi de remettre en question les certitudes des étudiants.
— Yvan Chouinard, directeur du programme d’agronomie à l’Université Laval
Les défis sont parfois à l’interne. L’ITAQ aura à mettre à niveau ses fermes-écoles, mais la directrice a bon espoir d’offrir de nouvelles installations d’ici trois à cinq ans.
Le nouveau baccalauréat en agronomie a été construit pour répondre aux défis d’une agriculture durable. « On souhaite que les finissants soient des porteurs de solutions aux problèmes et des accompagnateurs pour les agriculteurs d’ici », note Yvan Chouinard.