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« King Corn » vote encore pour Donald Trump

Photo : Ted Hamer, son fils Caleb et un partenaire d’affaires, Scott Beenken. 

« Je n’ai pas voulu voter pour Donald Trump en 2016, mais il a réalisé beaucoup de ses promesses et je vais encore voter pour lui. Ce n’est pas ma personne favorite et je souhaiterais qu’il arrête de twitter et qu’il ferme sa boîte ! » explique Ted Hamer, un producteur agricole du centre de l’Iowa.

Rejoint au téléphone à bord de sa moissonneuse-batteuse, Hamer, dans la soixantaine, cultive 1 200 hectares de maïs et de soya au cœur du petit État du Midwest, premier producteur de maïs et d’éthanol au pays et que l’on pourrait surnommer « King Corn ».

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Photo : Carte des États-Unis avec l’Iowa en rouge (Source : Wikipedia).

L’Iowa est deux fois moins peuplé que le Québec, mais son poids électoral pèse lourd dans les élections présidentielles américaines. Les candidats des deux grands partis, républicain et démocrate, Donald Trump et Joe Biden, s’y livrent une guerre de tranchées sur un enjeu qui oppose l’industrie pétrolière et les producteurs de maïs-éthanol.

Le tiers (ou plus) de la récolte de maïs américain est transformé en éthanol. Cette « essence verte » fait rouler le parc automobile de la première puissance mondiale. C’est en 2005 que le Congrès américain a voté le Renewable Fuel Standart (RFS) pour lutter contre la pollution de l’air et les changements climatiques.

Le RFS oblige les compagnies pétrolières à vendre à la pompe un mélange d’essence contenant 10 % d’éthanol, principalement fabriqué à partir de maïs. 

« La production d’éthanol-maïs est en fonction de la demande de l’essence. Elle a chuté de façon draconienne cette année à cause de la pandémie. De plus, le président Trump a octroyé des exemptions d’utilisation d’éthanol aux compagnies pétrolières », explique Darin Newsom, un analyste des marchés agricoles et consultant, basé au Nebraska, dans l’état voisin. 

Dénonciation démocrate

Dans une lettre d’opinion publiée dans le  Des Moines Register, un journal local, l’ancien secrétaire à l’Agriculture sous Barack Obama, Tom Vilsack, lui-même un ancien gouverneur de l’Iowa, dénonce les promesses brisées du président républicain. 

« Depuis trois ans et demi, le président Trump a accordé plus de 80 exemptions aux plus grandes compagnies pétrolières rayant du coup une demande de 4 milliards de gallons d’éthanol et de biodiesel. Cela a provoqué une chute des prix du maïs, la fermeture de douzaines de raffineries ou la réduction de leur production et la mise à pied de travailleurs ou moins de travail dans 150 usines », écrit-il en substance.

L’ex-secrétaire à l’Agriculture dénonce aussi l’intention du président Trump de compenser, d’une somme de 300 M $US de fonds publics, les compagnies pétrolières qui ont vu leurs exemptions annulées, à la suite de la dénonciation de ces passe-droits. 

Nos demandes répétées d’entrevues auprès du président de l’Iowa Corn Growers Association (ICGA), qui regroupe 8 000 producteurs, pour obtenir son point de vue sur la situation, n’ont jamais eu de suite.  Pour sa part, Ted Hamer, qui consacre une partie de sa récolte de maïs à la transformation d’éthanol se dit « déçu ». 

Le 9 octobre dernier, le président Trump a dépêché son secrétaire à l’Agriculture, Sonny Perdue, pour annoncer un investissement de 20 M $US dans une raffinerie du nord de l’Iowa afin d’augmenter la production d’éthanol pour que les Américains roulent à l’année avec un mélange d’essence contenant 15 % d’éthanol ou E15. 

« C’est de la poudre aux yeux ! La promesse d’essence E15 revient à chaque élection. Jamais les compagnies pétrolières vont endosser un tel projet. En conséquence, il ne passera pas au Congrès », croit Darin Newson. 

Trump demeure favori

Ni la guerre commerciale avec la Chine ni la gestion de la COVID-19 ne feront changer le vote de Ted Hamer pour Donald Trump, le 3 novembre prochain. Selon un sondage d’AgriTalk, dit-il, un podcast que le producteur écoute à bord de sa moissonneuse-batteuse, 80 % à 83 % des producteurs de sa région vont voter pour le candidat républicain.

« C’est insensé ! Les producteurs américains ne jurent que par le libre marché, mais engrangent les dollars de Trump à tour de bras », ajoute Darin Newsom.

Selon l’Environmental Working Group, « King Corn » est le premier État récipiendaire des compensations financières octroyées en 2019 par le président D. Trump, un montant de 1,5 G$, pour dédommager ses guerres tarifaires avec la Chine et ses principaux partenaires commerciaux, dont le Canada.

Avec l’ajout des aides pour compenser les pertes des producteurs dues au coronavirus cette année, le soutien du président représentera en 2020 le tiers du revenu net des producteurs de l’Iowa, comme ceux du reste de l’Amérique.

Nicolas Mesly

QUI EST NICOLAS MESLY
Nicolas Mesly est reporter, photographe et agronome (agroéconomiste). Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de vingt reprises. Il est chroniqueur économique, entre autres à la radio de la Société Radio-Canada.

nicolas@nicolasmesly.com

QUI EST NICOLAS MESLY
Nicolas Mesly est reporter, photographe et agronome (agroéconomiste). Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de vingt reprises. Il est chroniqueur économique, entre autres à la radio de la Société Radio-Canada.