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Chroniques / Pause-Pensée

Une visite à Mondragon

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Au cœur du Pays basque espagnol, le siège social du Groupe Mondragon respire la prospérité.

Nous sommes reçus dans une petite salle de cinéma tout à fait douillette, il y a des œuvres d’art sur les murs et, dans un hall vaste et lumineux où nous nous attardons, trône une maquette du grand complexe de Mondragon. On nous explique brièvement : « Ici, un de nos supermarchés; là, un de nos centres de recherche, puis un des bâtiments de notre université; par là, une de nos usines… »

Mondragon. Mythique Mondragon. Voilà un groupe coopératif résolument engagé dans le marché. Ses installations, dispersées sur tous les continents, génèrent des revenus d’environ 12,6 milliards d’euros (17,7 milliards $ CA). Ses activités sont regroupées sous quatre grands secteurs : la finance, l’industrie, la distribution et… la connaissance! Quelque 74 000 travailleurs y gagnent leur pain quotidien. Devant le gigantisme de l’entreprise, on s’attendrait à un peu de lourdeur administrative mais, au contraire, on constate que le Groupe présente un modèle d’affaires agile, flexible et extrêmement innovateur.

Agile et flexible, parce que le Groupe est fortement décentralisé. C’est un conglomérat inversé, constitué d’entités autonomes et indépendantes reliées par des structures de coordination très légères, qui assurent la gestion de l’intercoopération. La centaine de coopératives de travailleurs propriétaires du Groupe sont spécialisées et limitent leur taille pour préserver la proximité interne. La diversification, tout comme la croissance, c’est par le réseau qu’on l’obtient. Ainsi, les nouvelles activités se développent par la mise sur pied de nouvelles coopératives, toujours autonomes et indépendantes, mais soutenues par l’ensemble du Groupe.

Dans ce modèle d’affaires, l’intercoopération est au cœur de la stratégie : les travailleurs circulent d’une coopérative à l’autre, l’argent transite par des prêts entre coopératives (garantis par le siège social) et la connaissance se partage dans les activités communes d’éducation, de recherche et de développement. Cette extraordinaire combinaison d’actifs permet d’innover à fond. En 2012, 19 % du chiffre d’affaires a été réalisé grâce à des produits qui n’existaient pas cinq ans auparavant. Aujourd’hui, le Groupe détient 467 brevets, et plus de 1600 chercheurs à plein temps testent de nouvelles idées, de nouveaux produits.

Côté gouvernance, la solidarité est le maître mot. Une règle de non-concurrence interne a été établie et est respectée. Tous les mois, les coopératives acheminent leurs états financiers au siège social pour permettre un balisage rigoureux. De plus, une partie des excédents est versée annuellement dans un fonds de solidarité, auquel peuvent avoir accès les coopératives en difficulté, après que leurs membres travailleurs, bien sûr, ont consenti des ajustements sur leurs propres salaires – on est solidaires les uns des autres, oui, mais on est d’abord responsables chacun chez soi. On nous confirme en outre que le ratio entre le plus bas et le plus haut salarié n’excède jamais 1 pour 6 dans les coopératives du Groupe.

Mais il n’y a rien de parfait en ce bas monde! Et les critiques à l’égard de Mondragon visent généralement le fait qu’il y existe deux classes de travailleurs : les travailleurs membres, dans les coopératives du Groupe, et les travailleurs non membres, dans des usines acquises hors du pays. On comprendra qu’implanter une culture coopérative là où il n’y en a jamais eu est tout un défi, puisqu’une coopérative se construit a priori par une prise en charge du milieu.

Non, le Groupe Mondragon n’est pas parfait. Mais il expérimente, il ose, il procède par essais-erreurs et il continue d’avancer. Il est animé d’un idéal, faisant de l’éducation sa clé de voûte. Pour la petite histoire, rappelons que Mondragon est né d’une école et qu’aujourd’hui une université coopérative s’y rattache. Ce n’est pas anodin. D’ailleurs, à l’entrée du siège social, on peut lire une citation du père Arizmendiarrieta, source d’inspiration pour Mondragon : « Pour démocratiser le pouvoir, il faut socialiser le savoir. » Voilà. Tout a été dit. 

Colette Lebel

QUI EST COLETTE LEBEL
Colette a occupé le poste de directrice des Affaires coopératives chez Sollio Groupe Coopératif. Elle collabore au Coopérateur depuis plus de 20 ans.

colette.lebel@lacoop.coop

colettelebel@sollio.coop

QUI EST COLETTE LEBEL
Colette a occupé le poste de directrice des Affaires coopératives chez Sollio Groupe Coopératif. Elle collabore au Coopérateur depuis plus de 20 ans.

colette.lebel@lacoop.coop