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Entretien avec Nathalie Frenette

Agiska Coopérative

Nathalie Frenette est cheffe de la direction d’Agiska Coopérative depuis sa création en novembre 2021. Elle a accepté notre invitation pour échanger sur son expérience comme gestionnaire en coopération et surtout nous permettre de découvrir comment ont évolué la coconstruction d’Agiska Coopérative ainsi que les enjeux actuels et futurs en agriculture.

Guy Litalien : D’entrée de jeu, comment se distingue votre parcours professionnel en coopération?

Nathalie Frenette : Je suis chimiste de formation, j'ai étudié à l’Université de Sherbrooke, je suis native de Longueuil et aînée d’une famille de trois enfants. J’ai commencé ma carrière comme superviseure dans un laboratoire en 1991 dans le domaine pharmaceutique, puis en environnement. Je suis arrivée dans notre réseau coopératif en 1997 comme cheffe de service des laboratoires et j’en suis devenue directrice en 2000.

Environ cinq ans plus tard, j’ai accepté un mandat de gestion des équipes de qualité dans les meuneries et dans les plans de fertilisants chez Sollio Groupe Coopératif. Tandis que je gagnais en expérience, mes mandats sont devenus essentiellement de gérer des centres de profit, plus particulièrement de redresser des résultats financiers.

Qu’est-ce qui vous a motivée à accepter la direction d’Agiska Coopérative?

J’aime évoluer dans la coopération puisqu’on travaille en pérennité, donc à long terme. Je suis devenue directrice générale d’Agrilait en 2014 alors que Ghislain Gervais était président. Ensuite, j’ai poursuivi avec deux autres présidents, Yvon Cyr et Antoine Grisé, jusqu’à la fusion avec les autres coopératives pour former Agiska Coopérative le 1er novembre 2021. J’étais bien dans mon rôle à la direction d’Agrilait, une expérience plus qu’enrichissante.

J’ai hésité avant de postuler à Agiska Coopérative et, après mûre réflexion, j’en suis venue à trouver ma véritable motivation pour relever ce défi, c’est-à-dire la certitude que je pouvais changer la donne dans la création d’Agiska Coopérative. En somme, c’est la mission que je me suis donnée, celle de coconstruire quelque chose de plus grand que moi et dans quoi tout le monde concerné peut mettre la main à la pâte. La première année de fusion, avouons-le, a été difficile pour tous. Dès le début, j’ai pu mettre à profit mes compétences de rigueur et de suivi comme cheffe d’un grand chantier avec la coconstruction d’Agiska Coopérative, un mandat que nos membres nous ont confié et duquel nous pouvons tous être fiers aujourd’hui. Nous accomplissons un formidable travail d’équipe pour mieux servir nos membres et nos clients.

Mais au départ, tout était à construire?

La première année d'activité d’Agiska a été intense et, effectivement, il fallait mettre plusieurs projets en route. Lorsqu’on accède à un poste de direction générale, on se joint à une équipe alors que pour Agiska, j’ai eu le privilège de sélectionner tous les membres de mon équipe de direction composée de femmes et d’hommes aux expériences diversifiées et complémentaires, des gens engagés auprès de leurs équipes. Une fusion, c’est bien entendu de multiples tâches à coordonner, beaucoup d’heures de travail, mais il fallait surtout mobiliser nos employés, s’assurer qu'ils sont tous à la bonne place, les soutenir, réunir leurs forces. Aujourd’hui, je sais que nos 865 employés sont engagés au quotidien pour mieux servir nos producteurs agricoles et nos clients.

Quelle place occupe les membres dans notre coopérative?

D’abord, nos membres sociétaires, nos producteurs agricoles sont toujours pris en compte dans nos décisions. Chaque membre est important. J’ajouterais qu'au sein de l'équipe de direction, c'est devenu un automatisme de nous assurer que les employés tiennent compte de la volonté de nos membres, nous voulons qu'ils le fassent instinctivement. En clair, il faut toujours se demander comment nos actions, nos services et nos produits soutiennent nos membres et contribuent à leurs objectifs. Aussi, nous avons la responsabilité, au comité de direction, de protéger le patrimoine collectif de nos membres, donc de prendre des décisions pour l’ensemble d'entre eux. Et nous pouvons compter sur nos administrateurs pour que cette priorité demeure la ligne directrice des décisions de notre coopérative.

Répondre au besoin de nos membres, c’est l’affaire de tous dans la coopérative. Un membre ne doit jamais hésiter à communiquer avec nos employés, un gestionnaire ou par exemple Ben et Ben, représentants Agrizone, pour obtenir du service. Que les besoins des membres soient communiqués par l'entremise d'un administrateur ou directement à un employé ou à un membre de mon équipe de direction, on se coordonne pour faire les suivis appropriés.

Comment se vit la proximité avec les membres?

Je participe aux activités de notre coopérative, une occasion exceptionnelle pour échanger avec nos membres. Nous avons commencé une tournée dans les fermes l’an dernier avec notre président et notre directeur agricole puisqu’il s’agit d’occasions pour discuter avec nos membres et surtout comprendre leurs besoins. Nous poursuivons ces tournées cette année sur notre grand territoire. C’est fort agréable d'aller à la rencontre de nos membres quand ça va bien, mais c'est aussi très important de le faire quand il y a des problèmes à résoudre et ils peuvent compter sur ma détermination pour trouver des solutions équitables et réalistes.

Les femmes s’investissent beaucoup en agriculture, qu’en pensez-vous?

C’est un fait, il y a de plus en plus de femmes qui s’impliquent en agriculture et aussi en coopération. Plus de la moitié des inscriptions en agronomie dans les écoles d’agriculture à l’université sont des femmes. On constate le même phénomène à l'ITAQ. Depuis très longtemps, les femmes s'impliquent dans les fermes et leurs responsabilités exigent d’elles de contribuer par leurs compétences acquises au fil des ans de concert avec leur formation générale. De plus en plus de femmes font partie de nos équipes d’experts-conseils.

Elles s’impliquent également en coopération. Plusieurs des ambassadrices et des administratrices d’Agiska participent au développement de notre coopérative et elles jouent des rôles de premier plan dans la gestion de leurs fermes. Dans notre équipe de direction, nous sommes trois femmes qui jouent également un rôle d’influence dans nos instances et au niveau opérationnel de notre coopérative. D’un autre côté, en régie agricole, ce secteur s’illustre comme un milieu de potentiel pour elles puisqu’il y a peu de femmes qui s'investissent comme gestionnaires, un phénomène qui s’observe dans tout le grand réseau coopératif agricole.

Quels sont nos atouts pour faire face aux prochaines années?

On vient de connaître des années difficiles, une période de vents de face. Pour l’avenir, tablons sur nos atouts, c’est-à-dire notre diversité. Par exemple, le territoire où nous sommes situés, c’est une région où l'agriculture est forte et bien ancrée depuis très longtemps. Bien sûr, nous devons composer avec plus de concurrence. En revanche, nos équipes d’Agiska sont bien engagées dans le service aux membres et investies dans notre mission, un atout de premier plan face à la concurrence. Aussi, la force de notre modèle d’affaires coopératif nous distingue dans le secteur agricole, notamment pour assurer la pérennité pour les générations futures. Et comme le disait notre président lors de la dernière assemblée générale, nous contribuons significativement au développement économique et social de notre grande région, connue comme le grenier du Québec.

Que pensez-vous des grands enjeux comme les changements climatiques?

Les enjeux climatiques, on ne peut pas nier cela; tant nos membres que notre coopérative doivent déjà composer avec leurs effets. Je considère essentiel de conscientiser nos parties prenantes à ces enjeux et de s’investir dans une transition responsable. Notre coopérative favorise et soutient les projets en agriculture durable. Nous avons activement participé à des initiatives par le soutien de nos commandites dans le cadre du partenariat avec le Jour de la Terre pour les coulées agricoles et la distribution d’arbres. L’achat de crédits carbone est effectué afin de rendre nos évènements carboneutres.

Agiska Coopérative contribue à diverses initiatives, comme celui du projet AgroCarbone Grandes Cultures et la sensibilisation aux bandes riveraines à travers un projet pilote en collaboration avec Sollio Agriculture. Nous prenons part au projet de diagnostic à la ferme et de recours aux technologies à la ferme.

Dans le secteur détail, nous accordons une grande importance au choix de nos fournisseurs, nous évitons le gaspillage et nous favorisons l’achat local et la consommation durable. Notre filiale Agrilait s’implique dans le traitement des eaux et la récupération du plus grand nombre d'éléments possibles, bref dans la promotion de l’économie circulaire. Le groupe Symac s’implique dans l’agriculture de précision. Enfin, Agiska s’est dotée d’une démarche de responsabilité d’entreprise en 2023 qui marque le début d’un engagement significatif vers une gestion plus responsable et durable. D’ailleurs, nous amorçons la réalisation de notre propre bilan carbone comme coopérative.

En terminant, comment un membre peut-il contribuer à cet avenir durable?

D’abord, en s’investissant dans son patrimoine collectif, en démontrant sa solidarité, laquelle est une valeur coopérative. En nous le disant quand le service a besoin d’amélioration. Bien entendu, en utilisant les produits et les services de sa coopérative puisqu’elle lui appartient, mais aussi parce que cela fait que la coopérative pourra se maintenir au-devant de ses besoins.

En somme, c’est être plus fort ensemble pour cultiver demain!

Photo par Guy Litalien

Guy Litalien

Guy Litalien est conseiller principal, responsabilité d’entreprise et affaires publiques chez Agiska Coopérative.

Guy Litalien est conseiller principal, responsabilité d’entreprise et affaires publiques chez Agiska Coopérative.