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Peste porcine africaine et influenza aviaire : rester sur le qui-vive!

Pour réduire le plus possible les risques de contamination des élevages par la peste porcine africaine et l’influenza aviaire, les vétérinaires Eloualid Benabid et Nadia Bergeron, respectivement directeur des services vétérinaires, et gestionnaire de projets, mesures d’urgence et bien-être animal, chez Olymel, recommandent la plus stricte vigilance en matière de biosécurité.



Peste porcine africaine

Coopérateur : Comment la maladie évolue-t-elle à l’échelle mondiale?

Eloualid Benanbid et Nadia Bergeron : Elle est encore très préoccupante. Des cas se déclarent un peu partout dans le monde. Moldavie, Allemagne, Italie, Grèce, Pologne, Hongrie, Roumanie… D’après des données récentes publiées par le Système d'Information sur les Maladies Animales, on dénombre, au cours du premier trimestre 2023 dans l'Union européenne, 55 foyers chez les porcs domestiques et 2799 foyers chez les sangliers1.

En Chine, dans le nord notamment, il y a eu une recrudescence des cas. On en compte aussi de très nombreux au Vietnam. Le cheptel y est durement touché. Il y a également de nouveaux cas en Russie. En Afrique du Sud, même si elle est endémique sur le continent africain, on observe que de nouvelles cellules de cas se forment. Elle est toujours très présente. Autant chez les porcs domestiques que chez les sangliers. C’est préoccupant.

De ce côté-ci de l’Atlantique, elle s’est pratiquement répandue partout en Haïti et en République dominicaine. Une récente communication de la ministre Bibeau indiquait que l’évolution de cette maladie était préoccupante pour le Canada. Des produits alimentaires transformés (saucissons, par exemple) potentiellement contaminés qu’apportent des voyageurs en provenance de pays où l’on recense parfois des cas de peste porcine africaine entrent toujours illégalement au Canada et aux États-Unis.

Il y a donc des risques qu’elle atteigne les États-Unis et le Canada?

Les épidémiologistes ne se questionnent pas à savoir si ça va arriver, mais quand ça va arriver.

Que se passera-t-il si elle se déclare chez nous pour les abattages, l’exportation et la consommation?

Comme on le sait, les activités du secteur porc sont largement basées sur les exportations. Plus de 70 % de notre production trouvent preneurs à l’étranger. Si vous coupez l’exportation, vous impactez toute la chaîne d’approvisionnement.

Comment avance la possibilité de créer des compartiments exempts de contamination afin de pouvoir continuer l’exportation, dans l’éventualité d’une déclaration de la maladie sur notre territoire?

On y travaille. Il y a des normes de l’OIE et de l’ACIA à respecter. À partir des normes, on établit un programme à la ferme, à savoir comment ça va s’appliquer concrètement. En présence de la maladie sur notre territoire, si on veut continuer à exporter à partir d’un compartiment, il faut prouver, données à l’appui, que ce dernier en est exempt. Autrement dit, si la maladie se déclare ici, et que nos partenaires acceptent notre programme de compartimentation, toutes nos activités ne seraient pas nécessairement mises à l’arrêt.

La biosécurité demeure-t-elle le meilleur moyen d’éviter sa propagation?

C’est la clé. On n’a pas d’autres alternatives. Comme pour toute autre maladie, c’est ce qu’on peut faire de mieux pour empêcher l’introduction du virus dans les bâtiments.

Où en sommes-nous avec le développement d’un vaccin contre la PPA?

Il y a des avancés. Des recherches sont en cours dans certains pays. Il faudra voir les prochaines études qui seront faites sur l’efficacité de ce vaccin sur des porcs avec des données scientifiques. Il reste aussi à déterminer dans quelles circonstances un vaccin pourra être utilisé et accepté par les différents pays. Est-ce que le vaccin sera autorisé dans les pays indemnes comme le Canada? C’est à suivre.



Influenza aviaire

Depuis janvier 2023, 24 nouveaux cas d’influenza aviaire hautement pathogène identifiés dans des élevages commerciaux ou dans des basses-cours au Québec ont fait la manchette. Depuis fin 2021, les cas déferlent partout sur la planète. Plus de 60 pays sont atteints. Des dizaines de millions d’oiseaux d’élevages commerciaux ont péri, sans compter les oiseaux sauvages qui ont également succombé à la maladie. Comment envisagez-vous la suite des choses?

Tous les spécialistes s’entendent pour dire qu’une autre vague sévère est bel et bien entrée en force2. C’est inévitable, il faudra intégrer l’influenza aviaire dans nos pratiques. La menace est constante. Il semble que l’on a affaire à une souche plus virulente, qui cause plus de dégâts. Le virus est présent dans les populations d’oiseaux sauvages migrateurs, qui sont les principaux vecteurs de transmission, partout en Amérique du Nord, mais également en Amérique latine. Ces oiseaux représentent un réservoir naturel. On a aussi vu des cas chez des mammifères marins et terrestres (dauphins, ours, chats, renards, loutres).

Doit-on se résigner à vivre avec cette maladie? Deviendra-t-elle endémique?

Elle est présente partout dans le monde. Asie, Europe, Amérique (récemment identifiée en Argentine et en Uruguay chez des oiseaux sauvages, au Chili, et à Cuba, dans un zoo). Tout présage qu’on se dirige vers une endémie, soit une présence permanente partout sur la planète.

Quelles conséquences a-t-elle sur la filière?

La menace constante de la grippe aviaire est un problème pour la filière volaille du monde entier. Cette épidémie dans les cheptels et les effets qu’elle entraîne sur le commerce complexifient énormément les activités quotidiennes de toute la filière.

Comme pour la PPA, un vaccin contre H5N1 pourrait-il être efficace? Où en sommes-nous dans son développement?

Des recherches sont en cours. Il faut savoir que le virus de l’influenza aviaire est un virus à ARN, comme le coronavirus de la COVID-19. Les erreurs de réplication sont nombreuses et peuvent provoquer des mutations et donner de nouveaux variants. Le virus peut aussi se recombiner avec d’autres virus. Au Canada, par exemple, la souche d’origine eurasienne, qui a fait son entrée par Terre-Neuve, s’est reproduite avec des souches nord-américaines. Les mutations et recombinaisons pourraient donc réduire l’efficacité des vaccins. Un autre élément important à considérer dans la décision de vacciner les oiseaux avec un vaccin contre l’influenza aviaire est la possibilité que nos partenaires commerciaux décident de fermer les marchés à l’exportation.

La biosécurité est toujours de rigueur. Il s’agit sans aucun doute de la meilleure ligne de défense, n’est-ce pas?

Oui, la biosécurité, encore et toujours. Le virus est excrété dans les sécrétions et les fientes. La biosécurité est le meilleur moyen de contribuer à réduire les risques de transmission de la maladie. Il faut rester vigilant, en tout temps, ce qui n’est pas facile! Il peut y avoir une brèche.


1 Source : 3Trois3.com - Communauté Professionnelle Porcine
Pour plus d'informations sur la situation mondiale de la peste porcine africaine, consultez cette carte interactive des cas de PPA.
Vous trouverez ici les dernières informations sur le virus de la peste porcine africaine et sur ce que vous pouvez faire pour l’empêcher de pénétrer dans votre exploitation (en anglais).
2 Lien vers davantage d'informations ici.

Patrick Dupuis

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

patrick.dupuis@lacoop.coop

patrick.dupuis@sollio.coop

QUI EST PATRICK DUPUIS
Patrick est rédacteur en chef adjoint au magazine Coopérateur. Agronome diplômé de l’Université McGill, il possède également une formation en publicité et en développement durable. Il travaille au Coopérateur depuis plus de vingt ans.

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