Peut-on lésiner sur le potassium?
En exportant du champ des doses massives de potassium et en ne fertilisant pas suffisamment, les producteurs agricoles prennent-ils un risque mal calculé?
Tous les cinq ans, l’International Plant Nutrition Institute (IPNI) publie un rapport statistique détaillé basé sur les résultats de 62 laboratoires nord-américains agréés pour analyser la fertilité des sols.
« Depuis 2001, les sols du Québec se sont appauvris en potassium à un rythme d’environ 1 % par année. Or, en moyenne, le niveau de potassium dans les sols du reste du Canada et des États-Unis n’a reculé que de 0,4 % annuellement pendant la même période. »
— Pr Scott Murrell, responsable du dossier du potassium, IPNI.
Miser sur la fertilité naturelle?
Les sols loameux et argileux constituent une banque de potassium échangeable qui peut masquer les baisses de rendement, surtout si on utilise les hybrides et les variétés performantes d’aujourd’hui, explique Lotfi Khiari, professeur de fertilisation des sols à l’Université Laval.
Cependant, la fertilité naturelle des sols a ses limites. En fonction d’un rendement moyen de 10 t par hectare dans le maïs ou de 3 t par hectare dans le soya, un sol moyennement riche en potassium (200-300 kg de K/ha) pourra épuiser son potassium échangeable en à peine trois à six ans.
« À ce rythme, c’est le potassium immobilisé entre les feuillets d’argile qui sera ensuite puisé, ce qui contribuera à la destruction de la stabilité structurale du sol », explique le Pr Khiari. Recharger le sol avec des engrais de ferme ou avec de la potasse n’est donc pas un luxe, puisque le potassium a un effet limitatif sur les rendements et donc sur la rentabilité des entreprises.
C’est le temps d’y voir
Comment expliquer ce recul constant dans les sols québécois d’un élément pourtant fortement lié aux rendements? Les experts ciblent les prix des grains et ceux des engrais, très volatils, et dont les pics et les creux ne sont pas nécessairement coordonnés. Mais bonne nouvelle : le prix actuel de la tonne de chlorure de potassium est à son plus bas niveau depuis 10 ans (graphique).
Selon Jeremy Goodfellow, directeur principal des approvisionnements en fertilisants de La Coop fédérée, c’est le temps ou jamais pour les producteurs de regarnir la banque minérale en potassium.
« Ne pas remplacer le potassium est synonyme de malaise latent. Il ne faut pas attendre de se heurter à un mur, parce que la fertilité est longue à rebâtir, » prévient Alexandre Mailloux, directeur de la recherche-développement en productions végétales de La Coop fédérée.
« Le temps est venu de mettre l’accent sur le potassium, conclut Scott Murrell, ce minéral oublié qui n’a pas vraiment d’effets préjudiciables sur l’environnement, à l’inverse de l’azote et du phosphore. »
Lire le reportage complet dans l’édition de janvier-février du Coopérateur.