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Quand empreinte carbone, diminution des GES et rentabilité se conjuguent au présent

Agiska Coopérative

Parmi les nombreux défis que doivent affronter les entreprises agricoles de chez nous, diminuer leurs émissions de gaz à effet de serre (GES) est devenu un incontournable. Certaines entreprises réussissent ce tour de force tout en améliorant leur rentabilité. Jérôme Beaudoin de la Ferme Éthier-Pelland de Saint-Nazaire-d’Acton, en Montérégie, a accepté de partager la recette du succès de la ferme avec le Coopérateur.

D’entrée de jeu, le jeune agriculteur de 38 ans indique que l’entreprise spécialisée en production porcine et en grandes cultures n’a pas pris ce tournant à contrecœur. « Ça fait partie de la culture de l’entreprise qui a été bâtie dans les années 70 », lance-t-il. Lise Éthier et Luc Pelland ont toujours été à l’avant-garde dans le domaine de l’environnement. Ils ont toujours eu une pensée plus grande que la production seulement.

Ils étaient sensibilisés à ces questions et ils intervenaient, soit en optant pour le semis direct ou en aménageant des haies brise-vent. Ce sont des pratiques implantées depuis longtemps dans l’entreprise. « Nous perpétuons ces pratiques tout en améliorant certains points qui ont une incidence sur les émissions de GES », explique Jérôme, qui a délaissé le domaine de l’enseignement pour se consacrer à cent pour cent à l’agriculture.

La Ferme Éthier-Pelland possède quatre porcheries dans lesquelles elle produit à son compte 3900 porcs du sevrage à la vente. Elle possède 250 truies avec les Fermes Boréales en Abitibi-Témiscamingue, dont elle achète les porcelets. La ferme cultive quelque 266 hectares de terre, principalement en maïs, en soya et en céréales.

Le maïs est destiné aux porcs et a été la première culture à faire partie du plan de diminution des GES. « Nous trouvions aberrant de cultiver du maïs, de le vendre, de le transporter à la meunerie, de le transformer en moulée avant de le ramener à la porcherie. La même tonne de maïs était transportée deux fois. Nous avons donc décidé de construire un plan de séchage en 2019. En séchant nous-même nos grains et en les transformant avec notre moulange à grains, nous diminuons beaucoup le transport. Les camions qui ne sont pas sur la route, ce sont des GES de moins et nous trouvions ça important », expose Jérôme.  

La précision, gage d’économie

Toute entreprise qui souhaite perdurer doit gérer rigoureusement ses finances. Cette exigence s’est mariée sans difficulté aux objectifs d’améliorer l’empreinte carbone de l’entreprise. « Du côté de l’alimentation, nous avons travaillé avec les experts-conseils pour nous assurer d’avoir les bonnes quantités de nourriture pour le poids des porcs. Nous voulions un programme d’alimentation précis. Ça fait partie des éléments essentiels pour optimiser l’alimentation du porc et diminuer les émissions de GES », décrit Jérôme.

L’ajout de lactosérum dans l’alimentation des porcs s’inscrit également dans le tournant durable des acteurs de la ferme. « Depuis quelques années, nous utilisons ce déchet alimentaire d’une fromagerie. Ça diminue la consommation d’eau, nous permet d’acheter substantiellement moins de moulées et retire des camions de la route, une autre occasion de réduire les émissions de GES, décrit-il. Nous travaillons beaucoup dans les porcheries pour faire notre part en plus de diminuer nos coûts, car ça va ensemble ces enjeux-là. C’est une forme de recirculation, en plus de nous permettre d’économiser de l’argent. »

« Nous utilisons aussi la technologie dans les bâtiments pour améliorer notre efficacité et réduire notre consommation d’électricité et de propane. Les silos sont équipés de balances pour optimiser la gestion des aliments pour fabriquer les recettes de moulée les plus justes. Un système de ventilation Maximus a été installé dans chaque bâtiment pour assurer la meilleure qualité de l’air et réduire la consommation d’énergie. Nous avons un projet d’améliorer l’isolation dans les porcheries afin de récupérer de la chaleur l’hiver et de moins ventiler l’été », poursuit l’éleveur-cultivateur.

Le bilan carbone avec Sollio

Avec le chercheur en agronomie Saber Hamdani, de Sollio Agriculture, la ferme a d’ailleurs participé à un projet pilote sur le bilan carbone. « Nous analysions tous les intrants de la ferme : l’électricité, le diesel, l’essence, les semences. Tout. Les chercheurs de Sollio Agriculture calculaient les émissions et déduisaient tout ce qui séquestrait du carbone comme les plantes de couverture, les engrais verts, les haies brise-vent et les boisés de la ferme. En matière de GES, l’analyse nous a révélé que nous en produisions 12 % moins que les autres entreprises similaires. C’est en grande partie en raison de nos pratiques à la ferme », explique fièrement Jérôme.

Le réseau coopératif fait aussi sa part dans les efforts de la Ferme Éthier-Pelland pour améliorer les pratiques durables. Jérôme consulte régulièrement son expert-conseil chez Agiska Coopérative, David Plourde. « Nous avons investi dans un épandeur d’engrais à taux variable pour améliorer notre gestion de l’azote. L’utiliser au bon moment, à la bonne place pour ne pas créer de surcharge et utiliser uniquement ce dont le sol a besoin et au moment où il en a de besoin. Oui, la règle des 4B, reconnaît-il en riant. Nous suivons les recommandations de David et de mon agronome. »

Jérôme aura bientôt un autre défi pour David : « Nous voulons inclure une quatrième culture dans la rotation pour améliorer encore plus l’empreinte carbone. Elle devra faire ses frais, évidemment. Je vais consulter David sur ces questions-là », indique le producteur.

L’entreprise applique ses fumiers à l’aide d’un système d’irrigation qu’elle possède en coopérative d’utilisation de machinerie agricole (CUMA). « Nous n’utilisons pas de citerne pour épandre du fumier sur nos champs. Ça aide au niveau de la santé des sols et de l’amélioration de la matière organique. Il y a toujours de la place pour améliorer la matière organique », conclut l’agriculteur. La charrue a également été délaissée au profit du semis direct et du travail minimum du sol, toujours dans l’esprit de diminuer les émissions de GES et d’améliorer l’empreinte carbone.



Faire son bilan carbone à la ferme

Pour en savoir plus, lisez Pourquoi et comment faire un bilan carbone à la ferme?, de Sollio Agriculture.


Photo de Stéphane Payette

Stéphane Payette

QUI EST STÉPHANE PAYETTE
Membre de l'Ordre des technologues du Québec, Stéphane est expert-conseil en productions végétales à Novago Coopérative.Il est également journaliste à la pige pour le Coopérateur.

stephane.payette@sollio.ag

QUI EST STÉPHANE PAYETTE
Membre de l'Ordre des technologues du Québec, Stéphane est expert-conseil en productions végétales à Novago Coopérative.Il est également journaliste à la pige pour le Coopérateur.