Symphonie laitière en lait majeur
Avec l'aide de leur accompagnatrice et mentor de l’entreprise Alliée de votre réussite, l'équipe de la Ferme Lesfranches reste soudée.

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Généralistes, les frères Maxime et Michaël Rondeau excellent dans la planification et la direction. En langage musical, ce sont de bons chefs d’orchestre, mais ils avaient besoin d’un soliste pour leur symphonie laitière – ils produisent quotidiennement 3,25 kg de gras-protéine par vache! En Gabriel Marois, leur gérant de troupeau, ils ont trouvé un excellent premier violon.
« Ici, on se choisit chaque jour pour s’épanouir dans le travail », lance Gabriel, à l’intelligence managériale et émotionnelle certaine, qui parsème son discours d’expressions comme « éviter les non-dits », « faire travailler les gens ensemble » et « pas obligé de subir pour grandir ». Au fil des décennies, la ferme a souvent été pionnière, acquérant un silo en béton en 1963 ou une fourragère automotrice en 2001. En déléguant une partie névralgique de la ferme à un ami passionné d’élevage, les frères demeurent avant-gardistes – sur le plan humain cette fois.
À la croissance tous azimuts s’additionne un questionnement existentiel. Depuis trois ans, on a amorcé un travail sur les tempéraments de chacun et la personnalité de l’entreprise avec l’aide de l’accompagnatrice et mentor Nathalie Tremblay de l’entreprise Alliée de votre réussite. Nommer sa réalité et ses désirs n’est pas aisé. « C’est clair ce qu’on veut, mais ce n’est pas clair non plus, illustre ironiquement Michaël. Il faut arriver à dire pourquoi on est en affaires. »
En agriculture, on gère souvent les urgences, mais il faut pouvoir se projeter dans le futur, donner un sens aux actions. Ce sens s’exprime au travers des valeurs : si la famille est importante pour l’un, mais que le travail l’est plus pour l’autre, des compromis devront émerger pour éviter un conflit et un coût humain, explique Nathalie.
Avec elle, tout a débuté par les ressources humaines, le travail sur soi, l’humain au centre de l’entreprise. Après quelques tests psychométriques pour caractériser les esprits, on a abordé les notions de valeurs, de besoins, d’attentes, d’objectifs. Une vision commune doit pouvoir se dégager. « L’être et le savoir-être associés aux personnes devraient primer sur le faire, le savoir-faire et l’avoir, associés aux actifs », rappelle-t-elle.
« On a créé une zone de sécurité pour nommer les vraies choses, dans des rencontres individuelles et de groupe, raconte Nathalie. Ainsi, le jour où une goutte menacera de faire déborder le vase, on aura une meilleure capacité d’autorégulation des individus soumis à la pression. On cherche un leadership plus mobilisateur qui ne sera ni impulsif ni directif. » À la clé, une communication claire et directe sans être directive, bienveillante sans être impulsive. Bien communiquer n’est ni naturel ni inné.
Nathalie Tremblay évoque le concept VUCA développé en 1987 par l’armée états-unienne pour décrire un monde multilatéral post-guerre froide, qui n’est plus dichotomique. L’acronyme, qui rassemble les mots vulnérabilité, incertitude (uncertainty), complexité et ambiguïté, jette un éclairage sur les défis auxquels font face les entreprises. Nature rapide et imprévisible du changement, imprévisibilité des événements, entrelacement des problèmes, réalités obscures : y reconnaissez-vous le secteur agricole? Êtes-vous prêts à affronter humainement les changements anxiogènes imposés par le contexte économique et politique? À faire face à la musique?
Cet article est paru dans le Coopérateur de juillet-août 2025.