Réflexion sur le taux d’élevage : élever plus ou élever moins de vaches?
Enjeux, tendances et conseils pour optimiser l’élevage dans votre ferme laitière.
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Le prix des veaux et des vaches nous amène vers une réflexion du taux d’élevage à viser dans chaque ferme. Devrait-on élever plus ou moins de vaches? Les avis sont souvent contradictoires.
Rappelons-nous que tout ce qui se passe en Amérique du Nord nous affecte. Depuis le tournant des années 2000, alors que la population nord-américaine a augmenté de 76 millions de personnes, le cheptel de bovins de boucherie, lui, a diminué de 5,6 millions de têtes, et se retrouve sensiblement au même niveau qu’en 1963! Le fort taux d’abattage des femelles de boucherie ces dernières années n’envoie certes pas le signal que la situation est en train de se corriger et que la taille du cheptel augmentera dans les prochains mois. La pression plus grande de la demande totale de viande a créé un besoin grandissant pour des veaux issus de croisements de taureaux de boucherie avec des vaches laitières afin de pouvoir suffire à la demande. On se retrouve donc aujourd’hui, pour une septième année consécutive, avec une baisse du nombre de génisses laitières aux États-Unis et un ratio de remplacement à son plus bas niveau depuis 1991.
Doit-on réviser notre taux d’élevage?
Avec l’augmentation du prix des veaux et des animaux de réforme depuis 2023, combinée au défi de réduire le bilan carbone des entreprises, ce qui met une pression sur l’élevage, une question pertinente revient sur une base régulière : doit-on réviser notre taux d’élevage?
C’est une question pour laquelle la réponse ne sera assurément pas la même pour tous! L’objectif ici est de vous fournir des éléments de réflexion importants qui vous guideront dans vos décisions futures.
- Vos résultats de croissance et de performances en élevage sont-ils satisfaisants?
- Avez-vous l’espace et la main-d’œuvre pour élever plus de bêtes, ou devrez-vous investir si vous allez dans cette direction?
- Votre ferme est-elle en croissance?
- Avez-vous suffisamment de vêlages pour faire votre quota, réformer les vaches non productives et effectuer une sélection volontaire afin d’améliorer les performances technico-économiques du troupeau?
- Si vous avez besoin de vaches, avez-vous de la difficulté à en trouver (selon vos critères d’achat) et combien coûtent-elles?
- Si votre troupeau produit trop de génisses pour vos besoins, vendez-vous des vaches pour la production ou en réformez-vous beaucoup trop? Quel est leur prix de vente?
- Quels sont vos frais variables pour élever des génisses en moins, ou en plus, avec les infrastructures et la main-d’œuvre dont vous disposez?
- L’espace dédié aux vaches taries ou en transition est-il déjà insuffisant?
Cette dernière question est très importante et devrait être traitée en priorité. L’espace de couche et à la mangeoire, pour nos vaches taries ou en transition, est un incontournable à respecter pour favoriser la santé et la productivité du troupeau. Si les vaches sont déjà affectées par un manque d’espace ou qu’elles risquent de l’être de quelque façon que ce soit, la priorité devra être assignée à ces individus. Le taux d’élevage calculé ne devra pas nuire à leur bien-être ni à la capacité de tarir ces animaux au bon moment.
Une fois cet élément pris en compte, votre expert-conseil possède un outil qui lui permet de vous présenter une simulation personnalisée du revenu total annuel de vos animaux et duquel on soustrait les frais d’élevage variables et les achats de vaches, si nécessaire. Comme le prix des animaux peut varier dans le temps, on pourra simuler plusieurs scénarios afin de bien en mesurer les impacts et de prendre la meilleure décision.
Le tableau 1 présente la différence annuelle entre les revenus d’animaux totaux moins les frais variables et les achats et ventes de vaches, avec les mêmes bâtiments et la même main-d’œuvre, en fonction de cinq simulations de taux d’élevage qui varient de 0 % à 80 %. Les critères utilisés pour les calculs sont les suivants : un taux de réforme de 30 % chez les vaches et de 10 % chez les premiers veaux, un intervalle de vêlage de 400 jours et un de mortalité chez les veaux de 5 %. La proportion de veaux vendus a été calculée à 5 % de mâles laitiers, à 10 % de femelles croisées de boucherie et à 85 % de mâles croisés de boucherie, à l’exception du scénario sans élevage où 100 % des veaux produits sont des mâles croisés de boucherie. Tous ces chiffres, bien sûr, peuvent être personnalisés dans toutes les simulations.
Il est évident que l’on ne peut pas comparer les extrêmes sans tenir compte des frais fixes et des salaires. Par exemple, entre 66 % et 80 %, on observe une différence de 11 732 $ par année, ce qui pourrait représenter le salaire nécessaire pour s’occuper des 14 génisses supplémentaires et donner la latitude de faire de la sélection volontaire et de vendre six vaches pour la production. Cependant, si on voulait comparer le passage de 50 % à 80 % avec un projet de construction, donc 30 génisses de plus, on aurait près de 20 000 $ comme montant de départ pour effectuer le remboursement des prêts, l’entretien de la bâtisse et des équipements, voire payer la main-d’œuvre supplémentaire.
L’option de faire garder à forfait des taures est-elle possible pour éviter l’investissement? S’il en coûte 3200 $ de frais variables pour élever une génisse, donc autour de 4,40 $/jour, si des taures sont élevées à forfait pendant cinq mois à 5,40 $ par jour (par exemple), on augmenterait le coût d’élevage de 150 $ par génisse, mais on demeurerait bien en deçà de la valeur marchande. Vous comprenez que chaque situation mérite d’être calculée.
Le contexte a changé, c’est clair. Si on simule les calculs avec les mêmes frais d’élevage variables, dans un marché où les vaches à lait se vendent 3500 $ chacune, comme il y a quelques années, et où tous les prix des vaches de réforme et des veaux du tableau 1 étaient divisés par deux, les scénarios seraient très similaires, comme le démontre le tableau 2.
Dans ces conditions, élever ou acheter des vaches fraîchement vêlées donne le même résultat, mais avec une charge de travail très différente. Avec cette hypothèse, si on prenait la décision d’élever plus d’animaux en investissant des capitaux et en ajoutant des frais fixes et des remboursements de prêts reliés à l’élevage, l’option des achats de vaches serait avantageuse. Peut-être reverrons-nous ces prix un jour, mais dans le contexte actuel, où la valeur des animaux est élevée, maximiser le taux d’élevage, selon les capacités de la ferme peut devenir une stratégie payante.
Maximiser le taux d’élevage, oui, mais comme mentionné précédemment, est-ce que les vaches taries ou en transition ont déjà souffert d’un manque d’espace? Si oui, toutes les mesures nécessaires devront être mises en place pour donner la priorité à ces animaux, avant même de penser à augmenter le taux de remplacement.
De plus, considérant la valeur actuelle des veaux croisés, il faut être très prudent avec l’envie de retarder la réforme en gardant des vaches non productives sous prétexte qu’elles sont gestantes de veaux qui valent cher. Chaque cas est unique, mais retarder la sortie d’animaux à faible rendement pour un éventuel gain au prochain vêlage pourrait être un frein à une sélection volontaire de performance. Et tout particulièrement en robotique, car ces animaux à faible production, en fin de lactation, en plus de donner une marge journalière peu enviable, sont à risque de voler la place au robot à des vaches qui ont des traites plus payantes. Et ce, sans parler du défi de faire sa place à la mangeoire, selon la hiérarchie rencontrée ainsi que l’espace alloué.
Dans un contexte de cible de carboneutralité d’ici 2050, comme le souhaitent les Producteurs laitiers du Canada, il serait facile d’élever les animaux de façon moins individuelle pour obtenir un meilleur bilan carbone, mais s’il faut acheter des vaches que quelqu’un aura élevées, collectivement, cela ne change pas la donne. Tous ensemble, on devra bien peser le pour et le contre de nos choix. Si vous avez quelques vaches de trop pour effectuer une sélection de performance et que vous les vendez à une ferme qui en a besoin, car elle en élève moins, cela pourrait devenir une stratégie collective gagnante où chacun trouverait son compte, et ce, tant sur le plan environnemental que technico-économique. La réponse n’est pas unique et facile, mais demande une réflexion sociale.
Et pour l’avenir du bétail?
Que se passera-t-il dans le futur pour le prix du bétail, la consommation de viande bovine, sa disponibilité et la capacité de payer du consommateur? Dans les conditions actuelles, si vous réussissez bien, opter pour une stratégie d’élevage qui maximise vos infrastructures et vos ressources humaines est probablement la meilleure idée. Si les prix baissent vers ceux donnés en exemple au tableau 2, ça demande réflexion. Mettez l’accent sur vos vaches taries (et sur leur transition) pour lesquelles le respect du confort et de l’espace n’est pas négociable. Une fois décidé le nombre de génisses que vous pouvez et voulez élever, voyez avec votre fournisseur de génétique la meilleure stratégie pour produire ces femelles. Votre cible ne sera peut-être pas du tout la même que celle de votre voisin, et vous aurez probablement tous deux pris la bonne décision!
N’hésitez pas à communiquer avec votre expert-conseil Sollio pour une simulation personnalisée des scénarios à évaluer pour votre ferme, car toutes les fermes n’ont pas les mêmes objectifs, performances, coûts, ressources physiques et humaines et, encore moins, la même boule de cristal pour les prévisions futures du prix des animaux!
Cet article est paru dans le Coopérateur d'octobre 2025.