Le monde des demi-vérités

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Depuis les dernières décennies, les changements s’accélèrent.
Prenons l’exemple du téléphone. Cent ans après sa commercialisation, en 1877, nous en étions encore au fameux système téléphonique rural où plusieurs abonnés se partageaient une même ligne. En 1985, nous devions encore passer par la téléphoniste pour utiliser nos cartes d’appel. Depuis, la technologie a tellement évolué que la majorité d’entre nous peut maintenant accéder à Internet grâce à cet appareil.
L’information étant devenue très accessible, il faut aujourd’hui en gérer la surabondance, la qualité et le propos. Jusqu’à il n’y a pas si longtemps, savoir lire entre les lignes nous permettait d’attribuer une valeur à ce qu’on lisait, voyait ou entendait. Or, avec la multiplication des sources d’information, on constate une dogmatisation plus fréquente : « C’est sur Internet, donc c’est vrai! » Voici deux exemples tirés d’un numéro récent d’un magazine de production bovine qui illustrent bien cette tendance.
Les paradigmes recyclés
Dans le premier article, un auteur cite une expérience datant des années 1600. Après avoir placé un arbre dans un pot rempli de terre et l’avoir arrosé pendant cinq ans, Jean-Baptiste Van Helmont a conclu que la croissance de l’arbre (74 kg) n’avait nécessité qu’une quantité infime de sol (57 g)… et que c’est l’eau qui s’était transformée en arbre!
Bien entendu, l’auteur en profite aussitôt pour corriger les erreurs d’interprétation de Van Helmont. « Une plante est composée de carbone, d’oxygène, d’hydrogène, d’azote et d’autres éléments minéraux. Moins de 5 % de ses éléments constituants lui viennent du sol. » Rien à redire jusque-là. C’est après que ça se gâte un peu…
Son affirmation est : « Si on favorise une vie microbienne active dans les sols, on n’a pas à se soucier des 5 % d’éléments qui y sont prélevés : les bactéries vont les fournir ad vitam æternam en recyclant les déjections des animaux et les débris végétaux. On peut bien ajouter des fertilisants (organiques ou inorganiques), mais à quel prix? »
C’est à ce point précis qu’on tombe dans le monde de la demi-vérité. En effet, selon le concept « rien ne se perd, rien ne se crée », tous les éléments « recyclables » doivent retourner au sol à leur point d’origine si on veut pouvoir maintenir les mêmes rendements aux mêmes endroits. Faisant donc totalement abstraction du fait qu’une récolte de fourrages de 3000 kg/ha prélève annuellement 120 kg d’éléments fertilisants et que la vente des veaux hors de la ferme constitue une exportation nette de nutriments qui ne retournent pas à leur point d’origine, l’auteur fait ici miroiter une « illusion réaliste ».
La date de vêlage idéale
Dans le même numéro, un autre auteur traite de la période de mise bas. Son propos est que lorsque nous tentons de dominer la nature (de faire autrement), les coûts augmentent et les profits diminuent. Par conséquent, des vêlages en mai et en juin, au moment où le taux naturel de survie des veaux est le plus élevé, constituent la période de vêlage à privilégier.
Sans remettre en question la totalité de son propos, on doit admettre qu’il n’expose qu’une partie de la vérité : dans la nature, le taux de survie atteint à peine 80 % dans les bonnes années! Peu importe la réduction potentielle des coûts, aucun producteur bovin ne peut se permettre de si mauvaises performances sans mettre son entreprise en péril. La nature aurait-elle besoin d’un coup de pouce?
De ces deux exemples, où savoir lire entre les lignes peut aider grandement, on tire une conclusion bien plus évidente : la pensée magique ne s’applique pas en agriculture! Pour qu’il y ait profits, il faudra toujours que les revenus soient plus élevés que les dépenses. Point à la ligne. Votre travail rigoureux aura toujours de l’importance. Nous sommes là pour vous aider.
Bonne réflexion!