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Produire sans tout reconstruire à la Ferme Rodrigue

Unoria Coopérative

Les propriétaires de la Ferme Rodrigue, située à Saint-Anaclet-de-Lessard et membre d’Unoria Coopérative, ont décidé en 2016 de faire le virage robotique en modifiant le bâtiment existant.

Aujourd’hui, l’entreprise atteint des performances dignes de mention, avec une production moyenne d’environ 45 kg de lait par vache. Jean-Philippe Rodrigue et Caroline Guimond ont de quoi être fiers. Les maîtres mots de leur succès en traite robotisée? Prévention, santé, stabilité et analyse.

La production de la Ferme Rodrigue a connu une révolution avec l’installation de deux robots de traite dans une étable peu conventionnelle en forme de T. Toute la transformation du bâtiment s’est faite à l’intérieur des murs, ce qui a forcé les producteurs à faire preuve d’ingéniosité et d’un brin d’optimisme, car les robots sont placés dans un cul-de-sac.

Les dominées et les dominantes sont donc forcées de se croiser pour la traite. « On s’était fait dire que ça allait être dur, que ça ne marcherait pas, que les vaches n’iraient pas se faire traire, raconte Caroline. On sait que ce n’est pas l’idéal, mais les vaches se sont habituées et on ne s’en tire pas si mal! » La qualité de la prévention et l’attention portée au bien-être animal y seraient pour quelque chose.

Prévention et santé

En traite robotisée, les vaches doivent absolument être traitées aux petits oignons. La santé du foie, du rumen et des pieds et des membres est une obligation pour avoir des vaches qui performent. « Elles sont libres, explique Jean-Philippe. Si elles ont mal quelque part, elles n’iront pas à la traite volontaire. » « On donne tout notre possible dans le bien-être animal, ajoute Caroline. On est à l’écoute de tous les mini problèmes. »

« Pour réussir à faire du lait comme ça, ça commence chez les vaches taries et durant la préparation aux vêlages », affirme Jean-Philippe. Le tarissement se fait environ à 60 jours du vêlage. Une vingtaine de jours avant le vêlage, les vaches reçoivent un bolus de Rumensin. Il est donné à tous les animaux. Dans l’alimentation de transition, les vaches ont une ration anionique. « On entraîne la vache à aller chercher le calcium dans ses réserves, explique Aurélie Lévesque, l’experte-conseil de la ferme. Quand elle vêle, son métabolisme est prêt. »

Une fois que la vache vêle, un bolus de calcium lui est également administré pour l’aider à atteindre son pic de lactation. Elle est aussi isolée pendant 24 h pour qu’elle se repose et se couche avant de rejoindre le troupeau où elle devra établir sa place.

Parmi les soins quotidiens, on retrouve des nettoyages minutieux. Les bols à eau sont lavés tous les jours (sauf la fin de semaine, repos oblige). Les stalles sont grattées régulièrement. Les robots sont récurés par Caroline. L’objectif : diminuer les risques de maladies. 
Et le tout fonctionne! « Notre taux de cellules somatiques, dans la dernière année, était à 105 000. On est beaucoup dans la prévention, de la naissance au tarissement », précise la productrice.

Pour prévenir le stress thermique, des ventilateurs ont aussi graduellement été ajoutés depuis 2022, partout où il était possible d’en mettre. « Ça a amené de la stabilité dans les écarts de lait, explique Jean-Philippe. Je ne peux pas dire que les vaches n’ont pas chaud quand il fait 30 °C dehors, mais on est mieux dans l’étable que dehors. » « Ça fait du bien. On va à l’étable pour se rafraîchir! » rigole Caroline.

Les résultats sont au rendez-vous : « On visait 45 kg cet été, explique Aurélie. Finalement, on est monté plus haut que ça à 48-49 kg pendant quelques semaines et, quand il y a eu les grosses chaleurs de juillet, on est revenu à 45 kg. C’est quand même fou! Surtout aux robots, c’est une traite volontaire, et elles en font 3,3 en moyenne, où on veut que les vaches soient le plus confortables possible. Si elles ont chaud, elles sont perchées, elles ne se couchent plus, elles ruminent moins, font moins de lait, vont moins au robot, mangent moins... La ventilation, c’est l’investissement qui est le plus rentable à faire. »

Stabilité, ou comment favoriser la traite volontaire

Le rythme de la ferme est lui aussi réglé au quart de tour, toujours au bénéfice du bonheur bovin. « C’est la routine et la stabilité pour les vaches qui font qu’on réussit. Le gros de l’ouvrage se fait le matin, explique Jean-Philippe. L’après-midi, on les laisse tranquilles. Quand tu as compris ça en robotique, tu peux avoir des passages la nuit. »

Les vaches trouvent ainsi leur rythme. « Celles qui sont couchées l’après-midi vont y aller durant la nuit, c’est certain », précise le producteur.

La stabilité se reflète également dans l’alimentation. Les producteurs de la Ferme Rodrigue observent minutieusement ce qui entre dans l’estomac de leurs animaux, entre autres par des analyses mensuelles des fourrages. Le stade de la plante et la longueur de la coupe pour les récoltes sont également évalués avec précision. « Les fourrages, c’est majeur par rapport au coût alimentaire », confirme Jean-Philippe.

« Au robot, il faut être constant, ajoute Aurélie. Mon travail, c’est de m’assurer que tout est tout le temps pareil. Plus c’est plate, mieux c’est! » précise l’experte.

Analyse des résultats

Les chiffres démontrent que toutes les stratégies mises en place à la ferme fonctionnent et aident aussi les producteurs à s’améliorer. « Avec les graphiques d’activités que les robots génèrent, je suis beaucoup plus performant par rapport à l’intervalle vêlage. Il est maintenant à 384 jours! » affirme Jean-Philippe, qui cerne ainsi mieux les chaleurs des vaches.

La moyenne du premier vêlage à la Ferme Rodrigue se fait à 23 mois. Les vaches à leur premier veau, qui constituent pourtant 30 % du troupeau actuel, performent d’ailleurs très bien. « Je m’attends à ce que ça continue à s’améliorer. J’ai confiance! » confie Caroline.

Parmi les sources de données consultées à la ferme, on retrouve AgConnexionMC | Lactascan, l’outil numérique développé par Sollio Agriculture. « J’ai toujours hâte de le recevoir pour voir où on en est rendus. Ça aide à s’améliorer », explique Caroline. (Lisez leur témoignage.)

« Tous les mois, on dirait que ça avance », affirme Jean-Philippe. Les résultats lui donnent raison : depuis 2023, la ferme est passée de 100 à 82 vaches en lactation, tout en livrant le même quota. Dix-huit vaches en moins, ainsi que l’élevage qui s’y rattache, c’est de l’argent.

On s’étonne moins, du coup, de voir la marge alimentaire à près de 9000 $/vache depuis ce printemps, avec 3,2 kg en gras et protéines livrés. La marge par vache est sur une courbe ascendante depuis deux ans. Elle dépasse également la moyenne et le top 25 %  des troupeaux répertoriés dans Lactascan (8399 $/vache). Chapeau!

La diminution du nombre d’animaux offre d’autres avantages, dont du temps libre au robot. Certaines vaches à la traite très rapide bénéficient ainsi d’une fonctionnalité : la priorité à l’alimentation. Lorsqu’il n’y a plus de lait à traire, elles peuvent alors finir leurs aliments. « La moulée donne un boost à la production de lait. Si une vache faisait 35 kg, qu’elle a son temps d’alimentation et qu’elle monte à 38 kg, ça vaut la peine», explique Caroline.

Ce sont les chiffres et la génétique qui ont permis à la Ferme Rodrigue de viser des vaches de plus en plus performantes. « Aujourd’hui, sur chaque saillie, une réflexion est faite! » insiste Jean-Philippe.

L’avenir de la Ferme Rodrigue

Les résultats florissants de la Ferme Rodrigue lui promettent un bel avenir. Envisage-t-on d’agrandir l’étable? « C’est un surplus d’ouvrage pour moi en ce moment. J’en ai déjà assez! Quand on voit trop grand, on en vient à seulement entretenir ce qu’on a », explique avec sagesse Jean-Philippe.

« À court terme, on vise la maximisation vache par vache. À moyen terme, on veut continuer comme c’est là. Et à long terme, ce sont les enfants qui vont voir ça! » conclut Caroline.

Photo par Patric Nadeau

Stéphanie McDuff

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires. 

Stephanie.McDuff@sollio.coop

Stéphanie est Rédactrice et chef de la production numérique pour le Coopérateur. Diplômée de l’Université du Québec à Montréal, elle est détentrice d’un baccalauréat et d’une maîtrise en études littéraires.