La baisse de production estivale revient fidèlement année après année, malgré des changements de régie, d’alimentation et de génétique mis en place pour l’éviter et s’ajuster au marché. C’est le même scénario partout, qu’on soit au Québec, en Floride ou en Pennsylvanie. Des stratégies existent pour en réduire les conséquences.
Certains diront que l’été 2023 a manqué de chaleur et de soleil, mais le cycle de production des vaches a suivi la même baisse que d’habitude. Le bulletin (Farm Report) de mars 2024 du Miner Institute illustre très bien que la variation saisonnière de la production laitière existe depuis des décennies (figure 1).
La chaleur ou la photopériode?
Les résultats de recherches menées par l’Université de Pennsylvanie suggèrent qu’il existe un rythme circannuel de production lié aux changements de photopériode. La baisse de production en été serait due non seulement à la chaleur accrue, mais également à ce rythme ancré dans le métabolisme des vaches.
Peut-on, sur une base de troupeau, complètement éliminer ces variations de production en réduisant le stress thermique? Peut-être que non, mais une chose est certaine, les stratégies mises en place pour rafraîchir les vaches en été donnent des résultats positifs à court et à long termes. Voyons d’abord l’impact que peut avoir une augmentation de la température corporelle des vaches.
Stress de chaleur et performance
La première réponse du métabolisme de l’animal à un stress de chaleur est une diminution de la consommation et de la productivité. La chute de production est de plus grande amplitude que la chute de consommation, car une partie de l’énergie disponible sera utilisée pour maintenir la température corporelle.
Plus une vache produit de lait, plus son métabolisme transforme des nutriments et plus elle génère de chaleur. On estime que la température critique à laquelle une vache souffrira de la chaleur est de 5 °C inférieurs si elle produit 45 kg comparativement à 35 kg de lait. Les plus fortes productrices seront donc les plus affectées par la chaleur.
Bilan chaleur et comportement
Comme on parle de bilan énergétique, on parle aussi de bilan de « chaleur ». La vache en produit, en dissipe et en absorbe, mais son bilan net doit rester à zéro pour que sa température corporelle demeure stable.
Pour réduire sa production de chaleur, la vache :
- réduit sa consommation, particulièrement sa consommation de fibre qui génère beaucoup de chaleur en fermentant;
- priorise l’oxydation du glucose plutôt que les gras pour produire de l’énergie cellulaire;
- réduit ses activités, donc bouge moins et marche moins.
Pour augmenter sa dissipation de chaleur, la vache :
- augmente son taux de respiration à plus de 60 respirations par minute;
- redirige son flux sanguin vers les extrémités pour permettre plus d’évaporation par la peau;
- passe plus de temps debout afin de favoriser plus d’évaporation en surface.
La figure 2 illustre bien le changement de comportement des vaches. Lorsque l’index combiné de température et d’humidité (ITH) augmente, la température corporelle augmente (courbe en noire), le taux de respiration dépasse les 60 respirations/min (carrés noirs). Pour dissiper cette chaleur, la vache se lève (ligne orange haute); lorsque sa température redescend, elle se couche (ligne orange basse).
Un stress thermique peut réduire le temps couché de 30 %. Comme la rumination est plus efficace en position couchée, ce changement dans le budget temps nuit à l’efficacité alimentaire en raison d’une moins bonne santé ruminale, d’une augmentation des besoins d’énergie pour rester debout et dissiper la chaleur et d’un plus faible flux sanguin à la glande mammaire lorsque debout plutôt que couchée.
Stress de chaleur et reproduction
Comme les vaches réduisent leurs activités, il devient plus difficile de détecter les chaleurs, puisqu'elles seront beaucoup moins démonstratives. Elles deviennent beaucoup moins démonstratives. Il faut donc avoir l’œil ouvert. Les protocoles de détection facilitent la détection des chaleurs, mais l’impact négatif de l’augmentation de la température corporelle sur le succès à la saillie n’en sera pas pour autant éliminé puisque le système hormonal des vaches est aussi altéré par la chaleur.
Des changements dans la sécrétion d’hormones telles que la progestérone, l’œstrogène et l’hormone lutéinisante (LH) ont été observés. Le développement folliculaire et la survie des embryons sont aussi compromis. Un stress thermique de courte ou de longue durée pendant la période entourant l’insémination risque d’affecter négativement le taux de conception (TC).
Qu’il s’agisse d’un stress d’une journée ou de plus longue durée, le risque existe. Le TC peut baisser de plus de 20 %. Comme la vache a un cycle de 21 jours, on comprend que l’impact peut mettre quelques mois à se manifester, ce qui explique pourquoi les paramètres de reproduction peuvent mettre du temps à revenir à la normale.
Stress de chaleur et boiteries
Le fait que les vaches passent plus de temps debout met une pression supplémentaire sur leurs sabots, ce qui risque de provoquer des inflammations qui se manifesteront souvent deux mois plus tard. La figure 3, tirée d’une présentation de Karl Burgi, expert en santé des sabots, souligne le délai de deux mois entre les augmentations de température (ligne orange) et l’augmentation des lésions (ligne jaune).
Comme la chaleur stimule la croissance des microorganismes se trouvant dans la litière, il ne faut pas négliger l’hygiène des logettes en période de canicule pour ne pas causer plus de mammites et de métrites en plus des boiteries liées au changement de comportement. Il n’est pas rare de voir des augmentations de taux de cellules somatiques en été. Des vaches qui boitent marchent moins, ce qui se traduit par moins de visites à la mangeoire, moins de visites au robot de traite, moins de signes de chaleur, etc.
Ventilation et comportement
L’utilisation de ventilateurs pour augmenter les mouvements d’air au niveau des vaches est un moyen efficace pour les aider à maintenir leur température corporelle et à rétablir une certaine normalité dans leur budget temps, comme le démontrent les résultats d’une étude menée par l’Université du Wisconsin en 2023. L’impact de trois régimes de ventilation a été comparé dans un environnement ou l’ITH était d’environ 75, donc au-dessus du seuil de 68 considéré comme étant problématique.
Les vaches ont été exposées à des mouvements d’air de 0,4 m/s (contrôle), 1,7 m/s (60 % de la capacité des ventilateurs) ou 2,4 m/s (100 % de la capacité des ventilateurs) mesurés à 0,5 m au-dessus de l’aire de couche. L’augmentation de la circulation d’air a permis de réduire la température corporelle des vaches et de rétablir le temps passé couché, se traduisant par une augmentation de la consommation volontaire de matière sèche et de la production de lait malgré le stress thermique (figure 4).
Que faire?
On comprend maintenant que le stress de chaleur a des répercussions sur le métabolisme et le comportement de nos vaches laitières. Discutez avec votre expert-conseil du programme Oasis. Comme la température corporelle est au centre des changements observés, le premier objectif devrait être de mettre en place des systèmes de ventilation permettant de rafraîchir les vaches et de s’assurer que les déplacements d’air sont suffisants au niveau des vaches (incluant les vaches taries), que ce soit dans les logettes, à la mangeoire, dans la salle d’attente du salon de traite ou dans l’aire d’attente au robot.
Photo d'en-tête par Patric Nadeau
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