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Projet SoyaGen : Le soya sous tous ses génomes

Les cultivars de soya que vous semez chaque année résultent de 8 à 10 ans de tests, et plusieurs milliers de dollars ont été investis avant qu’ils puissent être vendus. Le nombre de lignées produites et testées par un programme de développement variétal dépasse les dizaines de milliers. Ce chiffre pourrait chuter drastiquement grâce à la génomique.

En prime, un nouvel outil de détection de la pourriture phytophthoréenne (causée par Phytophthora sojae) pourrait offrir une aide dans la prise de décision lors de l’achat de semences.

Sollio Agriculture a participé à un vaste projet, SoyaGen, mené par François Belzile et Richard Bélanger, tous deux professeurs à l’Université Laval. Ce projet avait pour but de développer des connaissances au niveau génétique et de mettre au point un outil diagnostique pour les maladies aux champs. 

La première phase du projet touchait les connaissances génétiques sur le soya au Canada. « Dans un premier temps, nous voulions développer le savoir génétique par la caractérisation en profondeur d’une centaine de variétés, essentiellement représentatives du soya canadien, adaptées à des saisons assez courtes, dit François Belzile, professeur de génomique végétale. Le but était de décoder le bagage génétique de A à Z, c’est-à-dire de séquencer complètement le génome de cette centaine de variétés. Un des angles auxquels nous avons accordé notre attention est la maturité. Au Canada, les étés ne sont pas longs, alors si des variétés de soya ne possèdent pas un bon bagage génétique de ce côté-là, elles sont les premières à être éliminées. »

Le projet SoyaGen permet aux sélectionneurs de connaître une lignée, hâtive ou tardive, et de choisir celle-ci en fonction de son potentiel de croissance. « Si on croise deux cultivars hâtifs en vue de trouver dans leur descendance une lignée encore plus hâtive, mais que ces deux parents ont le même bagage génétique qui contrôle la maturité, il n’y aura aucun progrès, explique François Belzile. Par contre, si les deux parents sont de même maturité, mais que leur bagage génétique est différent, en les croisant nous pouvons espérer avoir des lignées encore plus hâtives. »

Outil de diagnostic aux champs 

Un autre aspect important du projet SoyaGen touchait la résistance aux maladies, par le biais d’une meilleure caractérisation des agents pathogènes principaux. Pour François Belzile, deux types de retombées découlent de cette phase. « Nous pourrons développer des variétés avec de meilleures résistances face à certaines maladies et un nouvel outil de diagnostic au champ, déclare-t-il. Si une maladie comme celle causée par Phytophthora sojae est présente dans le champ, de quel variant ou pathotype s’agit-il? C’est comme pour la COVID : est-ce le variant Alpha, Bêta, Omicron? Les variants de Phytophthora sojae n’ont pas tous la même virulence, et les gènes de résistance du soya ne confèrent pas la même protection contre chaque variant. Avec cet outil-là, le producteur sait quel type est dans son champ et il peut acheter une variété contenant un gène de résistance qui y est adapté. Dans un de nos essais chez un producteur, ce dernier avait semé un cultivar adapté, et son rendement a été de 450 kg de plus à l’hectare. C’est une augmentation intéressante. » 

La grande quantité de gènes de résistance aux différents variants ou pathotypes de Phytophthora sojae assurera un effet positif dans les champs de soya qui bénéficieront de cet outil. « C’est vraiment spécifique comme interaction, ajoute le chercheur. Quand tu as le bon gène de résistance pour le pathotype que tu as, c’est l’immunité, la défense complète, le “vaccin végétal” qui marche à 100 %. L’inverse est aussi vrai. Si tu n’as pas le bon gène, tu es fait! »

Pour le nématode à kyste, le progrès est plus timide. Un seul gène de résistance offre une protection aux cultivars de soya, et des variants du nématode qui sont capables de surmonter cette résistance font leur apparition. « Quelques nouveaux gènes se pointent le bout du nez, mais c’est sur un horizon de 10 à 20 ans », précise Jérôme Auclair, sélectionneur en amélioration végétale chez Sollio Agriculture. 

François Belzile précise cependant qu’une entreprise, AYOS diagnostic, a été fondée pour offrir aux producteurs le service de détection des variants de Phytophthora sojae à partir d’un simple échantillon de sol. Cette année, AYOS diagnostic offre ce service à un nombre limité de producteurs canadiens, et il est encore possible pour ceux qui sont intéressés de l’obtenir pour la saison 2022.

Sollio aux premières loges

Jérôme Auclair estime que les avancées seront bénéfiques pour le réseau québécois de coopératives. « Nous pourrons produire des variétés plus rapidement et à moindre coût, dit-il. Nous étudions des dizaines de milliers de lignées avant de terminer avec une ou deux en commercialisation. Avec le projet SoyaGen, nous pourrions aller de 10 000 que nous testons à 1000, ou bien continuer avec 10 000 et faire des avancées beaucoup plus rapides.

Pour l’analyse génétique d’une lignée, nous sommes passés de 25 à 30 $ à seulement 5 $. Ça fait toute une différence dans le budget. » 
Le virage génomique donne un outil de pointe au programme d’amélioration génétique du soya de Sollio. « Avec cet outil, nous pourrons offrir de meilleures variétés aux agriculteurs pour faire face aux défis de l’avenir, soit produire plus de rendement avec moins d’intrants de façon durable, et ce, malgré un climat instable », annonce Jérôme Auclair. 

Ce fait s’explique par la révolution apportée par la génomique. « Avant, nous devions étudier un gène à la fois, explique François Belzile. Avec l’approche génomique, nous nous intéressons à l’ensemble du bagage génétique des plantes. Avec ce projet, nous avons bâti un modèle qui détermine la relation entre le bagage génétique et le comportement au champ. Ça aide à prendre des décisions éclairées. Pour vous donner une idée, nous avions entre 300 et 400 lignées faisant partie de notre sélection. Si nous générions des croisements, ça ferait plus de 60 000 familles, avec chacune plusieurs lignées. C’est largement plus que ce que des sélectionneurs chevronnés pourraient réaliser. Avec la modélisation que nous avons mise au point, nous pouvons prédire le comportement de certains croisements génétiques. » 

Les données générées par cette modélisation permettront à Jérôme Auclair et son équipe d’être encore plus efficaces. « Avant, nous avions un plat devant nous, mais nous n’avions pas la recette ni les ingrédients, image Jérôme Auclair. Maintenant, nous avons les ingrédients. Plus besoin de les deviner. Il ne manque que la meilleure recette. » Vivement Ricardo!

Stéphane Payette

QUI EST STÉPHANE PAYETTE
Membre de l'Ordre des technologues du Québec, Stéphane est expert-conseil en productions végétales à Novago Coopérative.Il est également journaliste à la pige pour le Coopérateur.

stephane.payette@sollio.ag

QUI EST STÉPHANE PAYETTE
Membre de l'Ordre des technologues du Québec, Stéphane est expert-conseil en productions végétales à Novago Coopérative.Il est également journaliste à la pige pour le Coopérateur.