Photo : Nicolas Gauthier et sa conjointe, Ruth Ellen Brosseau, sont très impliqués dans le commerce agroalimentaire en Mauricie. (Crédit : Christophe Champion)
Les entreprises agricoles qui approvisionnent des marchés de proximité suscitent un intérêt croissant, de la part tant des agriculteurs que des consommateurs. La pandémie a fait dévier ces entreprises de leur trajectoire habituelle, mais elles se sont adaptées… et rapidement. En voici un bel exemple : Le Rieur Sanglier.
Nicolas Gauthier, de la ferme Le Rieur Sanglier, située à Yamachiche, a toujours commercialisé ses produits dans sa région : boutique à la ferme, ventes aux restaurateurs, marchés et événements locaux, service traiteur pour méchouis, tables champêtres, etc. La COVID-19 n’a pas freiné son succès, mais l’a propulsé.
Certes, l’arrivée de la pandémie a multiplié les ventes de l’entreprise, mais l’éleveur (qui compte entre 400 et 500 sangliers en élevage) a dû déployer beaucoup d’efforts. Il a cessé les ventes auprès des restaurateurs, marchés et événements locaux, et arrêté les activités liées aux méchouis et tables champêtres. Il s’est tourné vers le marketing, via notamment sa page Facebook, en rappelant à ses « amis » que la boutique est ouverte, en annonçant les produits vedettes et en leur offrant des rabais. Et ç’a marché.
C’est la conjointe de Nicolas, Ruth Ellen Brosseau – qui s’est fait connaître à titre de députée néo-démocrate dans Berthier-Maskinongé de 2011 à 2019 –, qui anime la page Facebook. Des années à la Chambre des communes, dont quelques-unes à défendre l’agriculture, ça aiguise le sens du marketing!
Dans cette période de confinement, la plupart des ventes se font par Internet, « alors que ce n’est vraiment pas dans les habitudes des gens d’acheter de la viande en ligne », affirme Nicolas Gauthier. Toutefois, la pandémie et les mesures de confinement s’étirant dans le temps, il y a fort à parier que les consommateurs adopteront cette nouvelle habitude de commander leur viande en ligne. C’est ce que Nicolas souhaite.
Des résultats fulgurants
Au milieu du mois d’avril, Nicolas a lancé un système de boîtes contenant plusieurs produits de la ferme : des pièces de viande, des saucisses, des tourtières, des pâtés, des terrines, etc. Puis, il a commencé la livraison à domicile. « La réponse a été fulgurante, raconte-t-il avec un enthousiasme débordant. Une douzaine de sangliers ont ainsi été vendus en 48 heures. On n’a pas perdu le contrôle, mais on était accoté. »
Ce qui est le plus étonnant dans cette frénésie, c’est que le printemps est généralement la saison morte pour toutes les activités de commercialisation. Comme c’est la période des mises bas, l’énergie est plutôt dirigée vers le troupeau de sangliers, le plus gros au Québec.
Nicolas Gauthier est également en train de former un troupeau de cerfs sikas du Japon. « Ce cerf est une très belle bête, et je veux en faire un attrait pour la clientèle d’agrotourisme », dit-il. Il compte aussi quelques bisons à titre d’essais. Le but est d’offrir également cette viande à sa clientèle.
Les travailleurs ne sont pas nombreux à la ferme Le Rieur Sanglier, membre de Novago Coopérative. Ils sont deux à faire tout le travail, c’est-à-dire Nicolas et Ruth Ellen. Dans les périodes plus occupées, ils reçoivent l’aide des deux fils de Nicolas et de celui de Ruth Ellen : Simon Gauthier (17 ans), Thomas Gauthier (14 ans) et Logan Brosseau (18 ans).
Vice-président de la Coopérative de Solidarité Agroalimentaire Régionale de la MRC de Maskinongé, Nicolas Gauthier a longtemps souhaité innover et lancer la livraison à domicile des produits des membres de la coopérative. La pandémie lui aura permis de concrétiser ce projet. « Nous avons reçu des fonds de la MRC de Maskinongé et de notre député, Simon Allaire, pour mettre en place un projet pilote », raconte le producteur. C’est ainsi qu’à travers la Coopérative de Solidarité, ils sont à créer une CUMA pour s’offrir les services de livraison car cette tâche devenait fastidieuse pour tout le monde.
Ainsi, la Coopérative de Solidarité comptera dorénavant trois secteurs d’activité : les marchés publics, la plateforme de commande en ligne et la CUMA. Deux coordonnatrices, dont Ruth Ellen, ont la responsabilité de mettre en place ce grand projet.
En dépit de son succès, l’éleveur de sangliers, de cerfs et bientôt de bisons déplore la grande ouverture de nos marchés aux pays étrangers. « Dans les viandes de gibier, nous sommes autosuffisants à 20 %. Malgré cela, nous avons de la difficulté à écouler nos stocks, car les produits importés sont plus importants que ceux d’ici. » Nicolas Gauthier critique notamment l’étiquetage trompeur qui permet à tout produit, quelle que soit sa provenance, d’être désigné « produit du Québec » s’il est transformé au Québec. « C’est un non-sens », affirme-t-il.
Une histoire de destin
Il y a parfois des événements inattendus qui tracent notre destinée. C’est le cas pour Nicolas Gauthier. Après avoir remporté le concours du meilleur plan d’affaires de l’Université Laval, toutes disciplines confondues, il a décidé, sur un coup de tête, d’acheter la terre que son père possédait mais n’exploitait pas. Son sujet : l’élevage de sangliers. C’était en 1998, alors qu’il était étudiant en agroéconomie. « Ça m’a donné une bourse d’environ 10 000 $ pour acheter mes premiers animaux et commencer la production une semaine après la fin des cours.