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Sucrer la dent du dragon chinois

Plus gros producteur de sirop d’érable au monde, le Québec est-il en mesure de sucrer la dent d’une classe moyenne de 400 millions de Chinois?

« La Chine est sur notre radar, mais nous n’avons pas de budget pour y investir l’effort de développement nécessaire », explique Mylène Denicolaï, directrice de la promotion et du développement des marchés aux Producteurs et productrices acéricoles du Québec (PPAQ). 

Cette organisation fait la promotion de la marque générique des produits de l’érable « Maple from Canada ». Pour le moment, la Chine est le 15e marché d’exportation du sirop d’érable québécois, très loin derrière les États-Unis, le plus gros acheteur, suivi du Royaume-Uni, de l’Allemagne et de la France. Les PPAQ disposent d’un budget promotionnel limité pour sucrer ces marchés. Et pas question de le saupoudrer, au risque de voir un déclin des ventes dans les pays dits « prioritaires ». 

Charles Lavoie, expert de mise en marché en Chine chez WPIC Marketing + Technologies, qui a travaillé 10 ans à Pékin et à Hongkong, explique que, d’une part, les consommateurs chinois achètent frénétiquement en ligne via des plateformes comme Tmall, propriété d’Alibaba (l’équivalent d’Amazon). D’autre part, les influenceurs sur les médias sociaux ont des dizaines de milliers d’adeptes prêts à se jeter sur les produits vantés.  

Pourquoi alors les PPAQ ne recrutent-ils pas une vedette sportive chinoise, un peu comme la jeune joueuse de tennis québécoise Leylah Fernandez? La championne, qui s’est rendue en finale du Grand Chelem à New York, a dévoilé devant des millions d’auditeurs que la potion magique des joueurs canadiens était « le sirop d’érable »! 

« Retenir les services d’une athlète professionnelle, ça coûte une fortune! » réplique Mylène Denicolaï.  

La directrice a fait faire une étude du marché chinois, en 2020, grâce au financement d’Agriculture et Agroalimentaire Canada. Cette étude concluait elle aussi que la vente via des plateformes numériques et le rôle des influenceurs sont la clé du succès pour percer la muraille culturelle de Chine. L’enjeu est, justement, de faire connaître aux consommateurs chinois des recettes arrosées de sirop d’érable ou concoctées à partir de celui-ci.  

Il y a aussi un autre enjeu : la capacité de livrer la marchandise. « La récolte de nos producteurs est tributaire de Dame Nature, et année après année, nous ne savons pas quel genre de volume nous allons pouvoir commercialiser », explique François Sylvestre, directeur principal des ventes et de la mise en marché à la coopérative Citadelle, un des 10 principaux exportateurs de sirop d’érable du Québec.   

C’est sans compter que, même si la Chine est un gigantesque marché, « les acheteurs chinois de sirop sont peu nombreux et les exportateurs canadiens se livrent une guerre de prix entre eux », explique Jean-Damien Cangelosi, responsable du développement des affaires en Chine et en Asie chez Citadelle. 

Par contre, les deux représentants commerciaux de la coopérative entrevoient un avenir plus brillant pour la canneberge. En effet, les consommateurs chinois sont déjà très friands de petits fruits, ce qui n’est pas le cas pour le sirop d’érable.  

« Il faut être imaginatif et valoriser nos produits, dit Jean-François Lépine. Les canneberges du Québec concurrencent très bien les canneberges américaines, en raison de la qualité. » L’ex-délégué commercial en Chine participait à l’exposition internationale Bakery China 2021, à Shanghai. Les consommateurs chinois adorent les pâtisseries concoctées avec des petits fruits secs ou congelés. Et leurs pâtissiers font de véritables œuvres d’art, notamment en matière de gâteaux de mariage. Parions que les producteurs québécois sucreront la dent du dragon chinois d’abord avec un petit fruit rouge plutôt qu’avec une coulée de sirop d’érable. 

Nicolas Mesly

QUI EST NICOLAS MESLY
Nicolas Mesly est reporter, photographe et agronome (agroéconomiste). Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de vingt reprises. Il est chroniqueur économique, entre autres à la radio de la Société Radio-Canada.

nicolas@nicolasmesly.com

QUI EST NICOLAS MESLY
Nicolas Mesly est reporter, photographe et agronome (agroéconomiste). Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de vingt reprises. Il est chroniqueur économique, entre autres à la radio de la Société Radio-Canada.