Une croissance durable et technologique chez Olymel

Entretien avec le président-directeur général d'Olymel, Yanick Gervais, sur l'avenir de l'entreprise.

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Témoignage et entrevue
Olymel
Yanick Gervais, président-directeur général d'Olymel
Yanick Gervais, président-directeur général d'Olymel

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Patrick Dupuis

Directeur et rédacteur en chef au magazine Coopérateur

Agronome diplômé de l’Université McGill, Patrick travaille au Coopérateur depuis une trentaine d’années.

Olymel se transforme, se modernise et diversifie ses marchés. Optimisation, performance et valeur ajoutée figurent tout en haut de son agenda. Une vision d’avenir que nous explique son président-directeur général, Yanick Gervais, à la barre d’Olymel depuis 2021.

Coopérateur : D’abord, avec les défis géopolitiques actuels, comment Olymel s’adapte-t-elle aux fluctuations des marchés internationaux du porc et de la volaille?

Yanick Gervais : Notre porc est de qualité et reconnu partout. À l’heure actuelle, ce sont les tarifs de la Chine sur les sous-produits du porc qui nous touchent. La Chine a un contrôle quasi total de ce marché. Il y a quelques années, cette situation aurait eu des impacts encore plus grands pour Olymel, mais nous avons effectué un grand travail de diversification qui fait qu’aujourd’hui, aucun marché autre que le Canada n’a plus de 15 % de nos ventes de porc. L’impact est donc beaucoup moindre sur nos résultats.

Cela dit, les tarifs que la Chine a imposés sur ces produits nous forcent à évaluer d'autres marchés. Notre équipe de stratégie commerciale est pleinement à l’œuvre pour développer de nouveaux marchés en Asie et en Afrique, entre autres. C’est plus complexe, mais, en revanche, on diversifie nos marchés et les prix sont meilleurs.

Du côté américain, nous sommes pour l’instant protégés par les ententes de l’Accord Canada–États-Unis–Mexique (ACEUM). On ignore quelle forme prendra la nouvelle mouture de l’ACEUM en 2026 et quels produits en feront partie ou non. Depuis quelques années, notre nouveau modèle d’affaires est davantage axé sur les produits à valeur ajoutée, dont la demande est en forte croissance en Corée et au Japon, mais également dans nos marchés locaux, ce qui nous prémunit de ce qui ressortira de l’accord. La gestion de l’offre dans la volaille nous protège également de soubresauts dans les marchés, mais reste à voir ce qui en résultera au terme des négociations.

Nos usines d’abattage et de transformation de volaille, dans lesquelles nous investissons régulièrement pour y développer de nouvelles technologies, sont avantageusement positionnées en matière d’efficacité et de productivité à l’échelle nord-américaine. Nous figurons dans le top dix, et parfois même au premier rang dans certains créneaux.

Coopérateur : Comment Olymel se compare-t-elle aux entreprises du secteur porcin américain?

Yanick Gervais : Notre modèle est différent de celui des États-Unis. Les entreprises américaines sont nettement plus grosses que les nôtres : les producteurs y font du porc plus léger à faible coût et ont facilement accès aux grains. Les usines d’abattage de 100 000 porcs par semaine ne sont pas rares et sont généralement situées à proximité des régions d’élevage, alors que nous, dans l’ensemble de nos établissements, nous abattons 120 000 porcs par semaine et avons choisi de miser sur la valeur ajoutée des produits que nous transformons. La valeur ajoutée est un modèle qui nous sert bien et les marges sont intéressantes.

Coopérateur : Quelles innovations Olymel souhaite-t-elle mettre en place pour renforcer sa performance et demeurer compétitive à l’échelle mondiale?

Yanick Gervais : Nos résultats financiers sont excellents. Nous avons d’ailleurs affiché en 2024 la troisième meilleure performance des dix dernières années. Nous avons des bases solides pour investir à nouveau de manière chirurgicale, tant dans le porc que dans la volaille. Il s’agit majoritairement de projets visant à réduire les manipulations, améliorer la précision et la constance dans les opérations et accélérer les délais de production. En plus de réduire les coûts et d’augmenter la productivité, ces projets vont nous permettre également d’avoir des impacts positifs sur la santé et sécurité au travail (SST) et les conditions de travail de nos employés, mais aussi de réduire notre impact environnemental.

L’investissement de 142 millions $ que nous allons réaliser à notre usine La Fernandière, à Trois-Rivières, où nous produisons pour l’instant exclusivement de la saucisse, en est un bel exemple. Nous allons augmenter la production, améliorer la mise en caisses et la palettisation, développer des produits pour diversifier nos marchés au Canada. Nous allons aussi y introduire davantage d’intelligence artificielle (IA).

Nous avons d’ailleurs mis sur pied notre propre laboratoire d’intelligence artificielle que dirige une de nos employés, experte en la matière. L’IA pourra aussi nous aider à optimiser les prises de commandes avec les inventaires et les routes de livraison à partir de nos sites de distribution, ou encore à mieux classer les produits sur la ligne de production, avec un taux de conformité de plus de 99,9 %.

Coopérateur : Après La Fernandière, allez-vous moderniser d'autres usines?

Yanick Gervais : La Fernandière, c’est un projet majeur de consolidation de nos infrastructures de production. Les prochains projets seront plus modestes : ce seront des investissements à forte rentabilité et à faible risque pour changer des lignes de production, optimiser des pratiques. Nous allons miser sur les nouvelles technologies, dont l’intelligence artificielle, pour augmenter par exemple la précision des découpes de flancs de porc, un produit à haute valeur ajoutée.

L’IA nous permet entre autres d’effectuer des découpes très précises à l’aide d’un laser à eau, en fonction du flanc qui se présente sur la chaîne, et selon les exigences des principaux marchés où ces flancs sont acheminés (production de bacon ou marchés japonais et coréen). Cet équipement, déjà en place à Ange-Gardien, sera aussi installé dans nos usines de Saint-Esprit, Yamachiche et Red Deer, en Alberta.

Coopérateur : Le 19 juin dernier, vous étiez conférencier à la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Vous avez entre autres mentionné ceci : « On a grandi grâce à des acquisitions. Aujourd’hui, Olymel, c’est 12 000 employés, 26 usines et un chiffre d’affaires de 4,6 milliards $ ». Outre les investissements dans vos propres infrastructures, des acquisitions sont-elles dans la mire d’Olymel?

Yanick Gervais : Il n’y a rien de prévu de ce côté. Notre portefeuille de marques dessert bien nos marchés. Cela dit, nous envisageons de croître dans le secteur de la volaille dans l’Ouest canadien si des occasions d’affaires se présentent.

Coopérateur : Quelles initiatives déployez-vous pour réduire l’empreinte environnementale des activités de l’entreprise?

Yanick Gervais : À l’aide de l’IA, nous visons à réduire les émissions de nos déplacements en camion, tant pour livrer nos produits que pour nous approvisionner chez nos fournisseurs. Nous voulons aussi améliorer les chargements de chaque camion en planifiant mieux nos inventaires. L’efficacité énergétique dans nos usines passe par un meilleur ordonnancement de production, qui se définit par l’organisation des différents éléments – matières premières, main-d’œuvre, etc. – pour produire dans un certain délai de fabrication en tenant compte des coûts. Par exemple, si un produit demande une plus grande consommation d’énergie, à quel moment devrions-nous le fabriquer en fonction des pointes qui sont gérées par Hydro-Québec? Ces opérations effectuées par diverses personnes pourraient être rassemblées et traitées par un modèle d’intelligence artificielle.

Le développement durable s’intègre sur l’ensemble de notre chaîne de valeur : de l’élevage jusqu’aux opérations de transformation, d’entreposage et de transport. Nous avons l’objectif de réduire de 25 % nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, un objectif que nous prévoyons pouvoir surpasser en constatant l’impact de nos récentes initiatives.

Coopérateur : Comment Olymel entend-elle répondre aux nouvelles attentes des consommateurs?

Yanick Gervais : Une chose est sans ambiguïté pour le consommateur, c’est que nous sommes une entreprise à 100 % québécoise. Nous offrons des produits locaux de haute qualité.

En janvier dernier, Olymel a lancé sa toute nouvelle image de marque, une étape importante pour rendre la marque plus visible, plus contemporaine et plus attrayante. Ce changement d’image s’inscrit dans le processus plus large de transformation d’Olymel et reflète l’évolution de l’entreprise au cours des dernières années.

Au printemps, nous avons lancé une nouvelle gamme novatrice de produits de porc. C’est un énorme succès. Un autre volet est prévu cet automne avec d’autres découpes, comme des produits de volaille marinée et des produits de dindon prêts à être cuits.

Nos marques Lafleur, Olymel, La Fernandière, Pinty’s jouissent d’une forte notoriété. Les gens y sont fidèles. Les produits de ces gammes figurent depuis des années parmi les meilleurs vendeurs au Québec, incluant nos concurrents.

Cela dit, on ne perd pas de vue l’innovation. Le bacon précuit, lancé il y a une dizaine d’années, alors inexistant dans nos marchés, est un exemple d’innovation réalisée avec un produit classique. Aujourd’hui, nous sommes les leaders dans ce créneau. Nous sommes aussi très présents dans le marché des services alimentaires, en restauration, auprès de grossistes et en hôtellerie, là où l’innovation est moins perceptible, mais où l’on en fait beaucoup pour répondre aux besoins de cette clientèle qui aime proposer de nouveaux mets aux consommateurs. Autre exemple, pour les saucisses à déjeuner, peu de gens savent que nous approvisionnons ce marché à hauteur de 95 %.

Notre mot d’ordre, c’est de rester proche du client, de l’écouter, de bien comprendre sa business pour mieux le conseiller. C’est ainsi que nous nous positionnons comme des leaders.

Coopérateur : Olymel œuvre dans une industrie qui a été marquée par une importante évolution dans les dernières années. Qu’est-ce qui a fait votre succès?

Yanick Gervais : Sans hésitation, ce sont nos gens. La meilleure vision, si notre monde n’y adhère pas, ne fonctionnera pas. Cette vision doit être partagée, bien communiquée, transparente. Nous devons nous l’approprier. Nous n’avons jamais caché nos difficultés quand elles se sont présentées ni caché notre plan de match pour nous en sortir. Nous avons décidé d’une destination et fixé les jalons pour nous y rendre. Je l’ai souvent répété, nous avons accès aux mêmes technologies, aux mêmes moyens de financement, aux mêmes bassins de clients. Ce qui fait toute la différence, c’est le talent de notre personnel. C’est d’avoir développé ensemble de nouveaux produits et de nouvelles façons de faire innovantes. Tout ce que nous réalisons et tous nos succès, ce sont nos gens, ainsi que les collaborations et les expertises que nous allons chercher à l’externe, qui en sont porteurs.

Coopérateur : Olymel aura 35 ans en 2026. Comme comptez-vous souligner cet anniversaire et quelle est votre vision de l’avenir pour l’entreprise?

Yanick Gervais : Nous allons le souligner avec nos employés, qui sont nos premiers ambassadeurs, mais également avec notre écosystème complet, comme je me plais à le dire, soit avec tous nos partenaires d’affaires, car le rôle de chacun est essentiel. Je tiens également à souligner les anniversaires prochains de certaines de nos marques. La Fernandière aura bientôt 80 ans, et Lafleur, 120 ans!

Pour l’avenir, Olymel continuera de croître. Sans doute par des acquisitions et des partenariats à l’échelle canadienne, bien que, comme je l’ai mentionné, rien n’est défini pour le moment. Nous avons les capacités opérationnelles, les produits, le portefeuille de marques nécessaires. Nous voulons nous rapprocher des universités, des chambres de commerce, nous faire davantage connaître comme une entreprise dynamique, bien de chez nous, en excellente santé financière, compétitive, créatrice de valeur, positionnée partout dans le monde, et dont nous sommes fiers.

Olymel en un clin d’œil

  • 12 000 employés
  • 26 usines
  • Bureaux à l’étranger : Corée du Sud, Japon, Australie
  • Chiffre d’affaires : 4,6 milliards $

Cet article est paru dans le Coopérateur d'octobre 2025.

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