Aller au contenu principal

Gérer la pluie et l’irrigation « dans le nuage »

Photo : L’entreprise lévisienne Hortau, qui possède un bureau en Californie, est un chef de file dans l’irrigation de précision, aussi bien au Québec qu’aux États-Unis, pays où la gestion de l’eau est un enjeu important.

Se rendre au champ pour consulter des tensiomètres et ajuster l’irrigation? Ça va lorsqu’on n’a qu’une parcelle. Mais quand des maraîchers et des horticulteurs ont grand à surveiller, le contrôle à distance et l’irrigation de précision au moyen d’une plateforme infonuagique trouvent toute leur pertinence – et un soutien de taille : le Fonds de solidarité FTQ.

Au Québec, l’été 2020 passera à l’histoire en raison de la pire sècheresse qu’on y ait enregistrée. Un déficit hydrique difficile à concevoir pour cette province, qui possède 3 % des réserves mondiales d’eau douce. Imaginez la situation en Californie, maintenant, avec son climat aride… C’est dans cet État que nous joignons Jocelyn Boudreau, dans les bureaux de la filiale états-unienne de l’entreprise Hortau, situés à San Luis Obispo, entre Los Angeles et San Francisco. Lévisienne d’origine et implantée aux États-Unis depuis 2007, Hortau y réalise maintenant 80 % de son chiffre d’affaires.

Amandes, agrumes, fraises et vignes en Californie, bleuets en Colombie-Britannique, canneberges en Nouvelle-Écosse, houblon, framboises et pommes de terre au Québec : plusieurs cultures profitent d’une gestion raisonnée de l’eau grâce à des systèmes d’Hortau, démarrée en 2002 par Jocelyn Boudreau, ingénieur, et Jean Caron, professeur de physique des sols et d’hydrodynamique à l’Université Laval. Même si l’entreprise compte aujourd’hui 65 employés et près de 1 000 clients, Jocelyn Boudreau, qui est chef de la direction, aime dire qu’il reste dans l’esprit bouillonnant qui anime les jeunes pousses (start-up). « Quand on a lancé l’entreprise, on trouvait qu’il n’y avait rien d’adéquat sur le marché pour bien gérer l’eau, qui est plus importante encore que des éléments comme l’azote, le phosphore ou le potassium, explique-t-il. L’idée, c’est de garder la plante dans sa zone de confort et d’optimiser la gestion des réserves. »

Un réseau de tensiomètres brevetés, connectés sans fil et alimentés par des panneaux solaires, mesure non pas la quantité d’eau, mais la capacité des plantes à soutirer l’eau. Le démarrage des pompes, la lecture des débitmètres, le contrôle des valves et l’irrigation par goutte-à-goutte sont ajustés en conséquence, en mode manuel ou, chez de plus en plus de producteurs, en mode automatique. On intègre maintenant d’autres paramètres, comme la température sol-air, l’humidité relative, l’évapotranspiration, les degrés-jours et les prévisions obtenues de stations météorologiques situées à la ferme ou dans la région. Tout est relié à la plateforme logicielle infonuagique d’Hortau, accessible via une application sur appareils mobiles. On peut même configurer des alarmes en cas de gel, de canicule ou d’autres conditions météos critiques.

Hortau fait valoir que, du côté de la colonne des dépenses, les coûts associés à la gestion de l’eau sont réduits de 25 à 30 % en moyenne : moins d’eau prélevée (les entreprises états-uniennes doivent payer celle qu’elles pompent ou qu’elles consomment), moins d’électricité pour faire fonctionner les systèmes d’irrigation, moins de main-d’œuvre pour gérer les systèmes, etc.

La gestion optimisée améliore même la colonne des revenus, notamment en raison des hausses de rendement : 20 % dans la fraise, 18 % dans la laitue, 40 % dans la canneberge – sans parler de la qualité des végétaux et de la santé globale des plantes. « Le rendement du capital investi est atteint après la première ou la deuxième année », clame le site Web d’Hortau. Cela est possible grâce aux tensiomètres, qui jaugent en permanence et en temps réel les besoins présents et prévus des plantes, sans sous-irriguer, surirriguer ni gaspiller. Dans certaines régions du globe, la haute salinité des sols due à des décennies d’irrigation est un problème grave qui affecte la productivité des champs et des cultures. De même, le lessivage des éléments fertilisants dans la nappe phréatique et le ruissellement sont fortement diminués, car les gros apports d’eau sont réduits.

« On travaille maintenant sur l’apprentissage automatique pour prévenir les besoins, explique Jocelyn Boudreau. La plateforme fait des prédictions et se corrige d’après les résultats obtenus. L’intelligence artificielle et les algorithmes permettent de rehausser la précision de l’irrigation. » Autre axe de développement : l’imagerie satellite, pour tenter de détecter les stress hydriques. Combinée à des données au sol et à l’observation du feuillage, cette technologie rendra bientôt possible d’ajuster encore davantage la modélisation logicielle des besoins hydriques.

Pas mal pour des Québécois, qui possèdent les plus grandes réserves d’eau au monde!

L’agro attire les investissements

Pandémie ou pas, l’agriculture est un secteur essentiel, et le Fonds de solidarité FTQ – c’est méconnu – est un investisseur majeur dans ce domaine. « Avec nos 16 Fonds régionaux de solidarité FTQ, on s’assure d’être sur le terrain pour comprendre les enjeux, les acteurs présents, tout l’univers de l’agroalimentaire », révèle Patrice Jolivet, vice-président aux investissements dans ce secteur. L’équipe des investissements agros compte cinq personnes, qui demeurent attentives aux occasions de conjuguer les rendements du portefeuille d’actions et les rendements au champ en aidant les entreprises à se moderniser. « Le potentiel d’innovation en agroalimentaire est très grand, dit Patrice Jolivet. Pour nous, il est facile de favoriser cet écosystème, notamment parce qu’il se dote, comme nous, d’objectifs de développement durable et qu’il mise sur des technologies propres, comme celles d’Hortau. »

C’est en 2018 que le Fonds a pris une participation dans l’actionnariat d’Hortau. « Ce financement du Fonds nous permet de réaliser nos rêves et de concrétiser nos projets, qui demandent beaucoup de capital », s’enthousiasme Jocelyn Boudreau. Comme Hortau est en croissance, avec de nouveaux systèmes reliés à l’Internet des objets (après l’eau, on parle maintenant de mieux gérer les fertilisants, les pesticides, les insectes et les maladies au moyen de capteurs et de pièges connectés), les liquidités affluent pour développer l’entreprise, dont la croissance, en retour, laisse entrevoir des perspectives de rentabilité rehaussées. Un cercle vertueux où tout le monde gagne : Hortau, le Fonds et les 708 000 actionnaires-épargnants.

Étienne Gosselin

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.

etiennegosselin@hotmail.com

QUI EST ÉTIENNE GOSSELIN
Étienne collabore au Coopérateur depuis 2007. Agronome et détenteur d’une maîtrise en économie rurale, il œuvre comme pigiste en communication et dans la presse écrite et électronique. Il habite Stanbridge East, dans les Cantons-de-l’Est, où il cultive le raisin de table commercialement.