
Détruite par un incendie survenu le 20 décembre 2021, la Ferme Lescal de Saint-Noël, dans la Matapédia, au Bas-Saint-Laurent, renaît de ses cendres grâce à la ténacité et à l’ardeur de Steeve Parent et de ses enfants Louis-Philippe et Eugénie.
Loin de se décourager, la famille s’est serré les coudes dans l’adversité. « J’ai l’esprit compétitif. Je savais que j’avais de la relève. Nous en avons parlé et la décision de reconstruire a été prise assez rapidement », raconte le paternel, qui est copropriétaire de l’entreprise avec son fils.
Eugénie possède un diplôme d’études professionnelles en production laitière tandis que son frère Louis-Philippe est détenteur d’un baccalauréat en agronomie. « Lorsque nous avons pris la décision de reconstruire, j’ai transféré 50 % des parts à Louis-Philippe, précise le père. Eugénie a trois jeunes enfants. Elle va intégrer la compagnie un peu plus tard. Pour l’instant, elle est employée. »
L’entreprise avait une excellente génétique au sein de son troupeau avant l’incendie. « On voulait revenir au même niveau rapidement, même si on repartait le troupeau de zéro, ou presque. Seulement quelques génisses ont été sauvées du feu et placées en pension chez des producteurs voisins », indique Steeve Parent.
Les mois de décembre n’ont pas été joyeux pour la famille Parent entre 2019 et 2021. En 2019, la fille d’Eugénie a été hospitalisée aux soins intensifs à Québec pendant un mois et demi. L’année suivante, le décès du père de Steeve a compliqué l’incorporation de la ferme puisque les terres étaient demeurées à son nom. En 2021, l’étable était rasée par le feu.
De nombreux défis
Les propriétaires ont fait face à de nombreux défis pendant la construction, notamment le coût élevé des matériaux qui a explosé pendant la pandémie. « Nous avons dû être créatifs et trouver beaucoup d’équipements usagés pour rentrer dans notre budget très serré. Plusieurs pensaient que nous n’y arriverions pas, mais nous y sommes parvenus », lance fièrement Steeve.
« Je ne voulais pas mettre trop de pression sur les enfants. Financièrement, il fallait trouver les fonds et demeurer dans des coûts viables, signale-t-il. On voulait reconstruire correctement en misant sur le bien-être animal, mais avec un taux d’endettement réaliste. Nous nous sommes donnés un an pour établir un budget et trouver du financement. Nous avons trouvé beaucoup d’équipements usagés sur Internet. À part les matelas, tout l’équipement est usagé. Cela nous a permis d’économiser environ 225 000 $. »
« Nous avons bûché notre bois que nous avons fait scier. Tout le bois utilisé dans la construction de l’étable provient de nos arbres. La construction de l’étable a été faite par Louis-Philippe et moi avec l’aide de deux ouvriers, d’un entrepreneur et de deux amis de la famille. Nous avons commencé la construction le 15 mai 2023 et le 1er avril 2024, les animaux entraient dans l’étable. Nous avons travaillé six jours sur sept. Cela nous a permis de bâtir l’étable pour moins de 500 000 $. À cela s’ajoute un 225 000 $ pour les équipements et l’électricité », précise Steeve Parent.
Les vaches sont attachées
La nouvelle étable mesure près de 1350 mètres carrés (14 500 pieds carrés). Les vaches sont attachées. « C’était la dernière année où nous avions le droit de construire pour des vaches attachées, mentionnent les propriétaires. Nous n’avions pas les dimensions pour être en stabulation libre. Il aurait fallu démolir la fosse et changer l’équipement pour le fumier. Si nous avions été obligés, je ne sais pas si nous aurions reconstruit. Par contre, nous avons conçu l’étable pour qu’elle soit transformable dans l’avenir. Si les jeunes sont motivés, on pourrait faire la phase deux dans une dizaine d’années et passer en stabulation libre. Ce qu’on voulait d’abord, c’était de redémarrer et d’acheter du quota. »
Rebâtir le troupeau
Mis à part les quelques génisses qui avaient été sauvées, le troupeau a été reconstitué en entier. « Nous avons acheté des vaches dans des encans spécialisés et chez des producteurs que je connaissais. L’acclimatation des vaches s’est bien faite, même si elles venaient d’un peu partout. Certaines ont dû s’habituer à de l’ensilage en balles rondes. Après un mois, lorsque les vêlages ont commencé, nous avons atteint des niveaux de production que je ne pensais jamais atteindre aussi vite », affirme Steeve.
La production annuelle moyenne du troupeau est de près de 12 000 kg de lait par vache. « À la Coop, nous avons un classement pour la quantité de lait produite avec le pourcentage de gras et nous sommes au cinquième rang entre Rivière-du-Loup et Caplan », ajoute-t-il.
Du travail en famille
Toutes les tâches sont effectuées par Steeve, Louis-Philippe et Eugénie. En plus, Steeve travaille comme représentant pour Unoria Coopérative et Louis-Philippe est préparateur pour les expositions.
Eugénie est là en soutien en l’absence de son père ou de son frère. « Nous sommes toujours deux pour la traite. Nous sommes bien installés. Les vaches ont eu à s’adapter parce que la traite se fait par-derrière. Nous n’allons pas sur le côté des vaches. C’est plus rapide », explique-t-elle.
L’entreprise a déjà augmenté son contingent. « Nous sommes à 69 kg. Nous avons commencé à acheter du quota. On aimerait se rendre à 100 kg avant de penser à notre deuxième phase. Nous avons 70 emplacements pour des vaches. Si on maintient notre rythme de production, on devrait faire facilement 100 kg avec 70 vaches », indique Steeve.
Quarante-cinq vaches en lactation
Présentement, le troupeau compte entre 45 et 50 vaches en lactation sur un total de 85 têtes de Holstein pur-sang. « Je suis un gars de Holstein, lance le paternel. Louis-Philippe commence à avoir un petit faible pour la Jersey. Il en a intégré une au troupeau. »
Pour les prochaines années, l’objectif est de continuer à acheter du quota, de maintenir le niveau de production et d’améliorer la génétique du troupeau.
Une entreprise familiale
Dans les années 1980, les parents de Steeve Parent exploitaient une entreprise laitière. « En 1990, ils ont vendu le quota à mon frère. À cette époque, j’étais encore au secondaire. Mes parents ont démarré en production bovine. J’ai fait de la mécanique automobile. J’ai travaillé un peu à Montréal et je suis revenu à I’ITAQ de La Pocatière pour faire mon cours en production animale. J’ai commencé à travailler à la Coop en mai 1997. Ça va faire 28 ans au printemps. Je suis expert-conseil en production animale et végétale à temps partiel », raconte Steeve Parent.
En 2011, Steeve a participé au programme d’aide au démarrage d’entreprises laitières (12-12) de la Fédération des producteurs de lait. À ce moment, sa conjointe terminait un retour aux études en soins infirmiers. « Lorsqu’elle a fini sa formation, j’ai présenté une demande au programme et nous avons été retenus. »
« Nous avons rénové l’ancien bâtiment et, le 1er décembre 2011, nous avons commencé à traire des vaches. Nous avions encore du bœuf, mais nous exploitions deux entités différentes. Les deux entités sont demeurées actives jusqu’à l’incendie. Pour la ferme laitière, nous avons acheté du quota graduellement. La production bovine a diminué tranquillement. Au début, nous produisions pour la marque Natur’BOEUF. Lorsque Natur’BOEUF a arrêté, nous avons diminué la production bovine », relate Steeve.
Production laitière en croissance
Si la production bovine a diminué, la production laitière a progressé. « Nous avons commencé avec un contingent de 24 kg de matières grasses par jour. Notre quota a augmenté graduellement. Lorsque nous avons brûlé, le 20 décembre 2021, nous possédions 65 kg. Ça venait de faire 10 ans, le 1er décembre, que nous étions en activité », souligne Steeve Parent.
Troupeau bovin
Aujourd’hui, l’élevage de bovins de boucherie de type vache-veau compte 40 vaches de race Angus noire. Les veaux sont commercialisés comme veaux d’embouche à 340 kg (750 lb).
« J’aime encore le bovin de boucherie. Nous avons une partie de terre qui se prête davantage au pâturage qu’à la récolte de foin », explique Steeve.
La Ferme Lescal exploite 225 ha (550 acres) de terre en culture. L’entreprise produit de l’avoine de semence pour le réseau Coop sur environ 35 ha (80 acres), 18 ha (40 acres) d’avoine conventionnelle et 18 ha de maïs à ensilage.
Après avoir fait face à de l’adversité pendant trois années consécutives, les membres de la famille Parent peuvent enfin se concentrer sur ce qu’ils aiment faire dans la vie : travailler au développement de leur entreprise. Tant mieux, car ils ont des objectifs ambitieux pour les prochaines années.
Photo : Sophie Jean