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COVID-19 : Les vingt ans de Jean-Philippe Guillet

Photo : La COVID-19 a chamboulé la vie étudiante de Jean-Philippe Guillet. 


Saint-Damase. « Le virus de la COVID-19, ça fait partie de la vie. Je doute qu’un événement semblable se reproduise, mais il y aura certainement d’autres choses ! », affirme Jean-Philippe Guillet, étudiant à l’ITA de Saint-Hyacinthe. Il envisage de prendre la relève et donne un sérieux coup de main depuis trois ans à Ses deux parents, copropriétaires de la Ferme Patrick Guillet Inc., surtout à l’époque des semis. 

La COVID-19, le jeune producteur n’est pas près de l’oublier. Pour lutter contre le petit virus létal, le premier ministre du Québec, François Legault, déclare l’urgence sanitaire et ordonne la fermeture des écoles, des cégeps et des universités le 13 mars. Trois jours plus tard, Jean-Philippe fête ses vingt ans. 

Il n’a pu récupérer ses effets personnels que dix semaines plus tard, sous haute surveillance à l’ITA de Saint-Hyacinthe. Pas question de célébrer son diplôme en Gestion et technologies d’entreprises agricoles. Quant à son bal de finissant, pour lui et sa cuvée d’une soixantaine d’étudiants, il est remis aux calendes grecques. 

Le jeune homme a hérité de l’ADN d’agriculteurs. Son père, Patrick Guillet, est vice-président de La Coop des Montérégiennes, la dixième plus importante coopérative agricole du Québec. Sa mère, Chantal Boyer, est issue de « la Famille agricole de l’année 2019 ». Là encore, la COVID-19 a chamboulé les cérémonies pour célébrer cette famille terrienne du Québec cette année.

 

trio

Photo : Le trio Patrick, Chantale et Philippe ne peut se permettre de tomber malade pendant l’époque cruciale des semis. (356)

 

Protéger les semis


« Nous avons coupé tous les contacts personnels, pour protéger nos semis », raconte Chantal Boyer dans le vaste hangar de la ferme. Les semis, c’est l’époque cruciale pour la rentabilité de l’entreprise et ni elle, ni son conjoint, ni son fils aîné ne doit tomber au front.
« On fait encore l’épicerie pour trois familles. La nôtre, mes beaux-parents, et une tante âgée », poursuit-elle. Celle-ci limite toujours les sorties et ne fait les emplettes qu’à un seul supermarché, pour éviter toute contamination. 

Craignant des problèmes de transport, « J’ai commandé tous mes produits phytosanitaires, engrais et semences à la coopérative au début mars en prévision des semis », précise Patrick Guillet. 

L’agriculture sera décrétée un service essentiel par les autorités et la coopérative a dû adapter sa logistique pour ne pas interrompre ses services. Le personnel, comme le conseil d’administration, opère depuis en mode télétravail. 

 

attentat

Photo : L’attentat terroriste des tours jumelles à New York en septembre 2001 s’est répercuté dans les champs de la ferme. On cultive plus aujourd’hui de maïs sucré que de citrouilles ornementales. 

 

L’attentat terroriste du 11 septembre 2001 


La COVID-19 va-t-elle influencer l’avenir des productions à la ferme ? Si on se pose la question, c’est que l’attentat terroriste des tours jumelles à New York le 11 septembre 2001 a changé la donne à la ferme. 

« On exportait des citrouilles aux États-Unis et beaucoup de commerces où elles étaient vendues pour l’Halloween étaient situés dans le périmètre touché », explique Patrick Guillet. 

L’histoire d’horreur a fait basculer l’entreprise de la production de citrouilles vers la production de maïs sucré. Un aspect technique a aussi joué dans cette décision : la présence d’un petit champignon aux champs, phytophthora capsici, favorisé par l’accumulation d’eau qui est aux cucurbitacées ce qu’est la COVID-19 aux humains.  

Si bien qu’aujourd’hui, on cultive 80 % des 175 ha en grandes cultures — maïs, soya — et 20 % cultures maraîchères, avec plus de maïs sucré et moins de citrouilles ornementales. 

En ce 22 mai, les semis de grandes cultures sont terminés depuis longtemps, mais ceux de maïs sucré vont s’échelonner jusqu’au 1er juillet. Pas question d’élaborer sur le choix des variétés semées, « c’est le secret de la Caramilk », car ce marché de niche est très concurrentiel. Elles seront récoltées à partir du 10 juillet avec de l’aide de main-d’œuvre locale. 

« La réputation de notre maïs sucré est reconnue ! Mais les consommateurs seront-ils au rendez-vous dans les kiosques et au marché public de Saint-Hyacinthe ? », se questionne Chantal. 

Qui sait à quoi ressembleront les futures récoltes à la ferme et dans quel contexte climatique, sanitaire, ou géopolitique ? 

Fort de ces vingt ans Philippe, lui, envisage de poursuivre ses études en agroéconomie à l’Université Laval. L’avenir de la ferme Guillet et par ricochet, celui de l’agriculture du Québec est entre bonnes mains. 

Nicolas Mesly

Nicolas Mesly est journaliste, agronome (agroéconomiste) et photographe. Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de 30 reprises. Auteur, conférencier, documentariste, il collabore entre autres au Coopérateur, à l'émission radio Moteur de recherche/SRC et il est correspondant canadien pour le journal La France Agricole.
nicolasmesly@gmail.com
Nicolas Mesly est journaliste, agronome (agroéconomiste) et photographe. Les associations de presse du Canada ont récompensé son travail journalistique et photographique à plus de 30 reprises. Auteur, conférencier, documentariste, il collabore entre autres au Coopérateur, à l'émission radio Moteur de recherche/SRC et il est correspondant canadien pour le journal La France Agricole.