
Convaincre des producteurs de se regrouper exige de faire valoir les avantages de la coopération, lesquels dépassent la relation de nature commerciale. Mais il faut d’abord connaître les rôles du membre dans une coopérative. Commençons par un petit rappel sur le fonctionnement du modèle coopératif pour ensuite discuter des rôles et de leurs avantages.
Le fonctionnement du modèle coopératif
Les membres des coopératives et des mutuelles adhèrent avant tout à une association de personnes. La même logique s’applique lorsque des coopératives se regroupent en fédération.
Cette association, par le moyen d’une entreprise, vise à répondre aux besoins et aux aspirations de ses membres adhérents. La particularité coopérative réside dans sa structure de participation, à la fois démocratique et économique. Sur le plan démocratique, les membres de la coopérative choisissent, au moyen de leur vote, les membres de leur conseil d’administration et participent aux décisions concernant les grandes orientations de leur coopérative. Sur le plan économique, les membres participent par la souscription de capital social, par l’achat d’intrants auprès de la coopérative et par la vente de leur production céréalière, avicole, porcine, acéricole, etc., à leur coopérative. En fonction de leur volume d’affaires avec leur coopérative et de la performance celle-ci, les membres peuvent parfois toucher une ristourne.
Le mot clé de la coopération ici est celui de la participation. La coopérative existe d’abord par et pour les personnes qui y participent. Elle n’existe pas pour celles qui ne font que souscrire à du capital. En découle de la notion de propriété collective qui n’est pas celle d’investir pour vendre ses parts avec plus-value, mais plutôt de participer à la coopérative pour répondre à ses besoins en tant que producteur agricole.
Les rôles et les avantages des membres
Maintenant, quels sont les rôles de nos membres et quels avantages tirent-ils de cette relation?
Le membre d’une coopérative est à la fois usager, copropriétaire, investisseur et membre d’une communauté d’intention. Voyons chacun de ces rôles et les avantages concurrentiels qui en découlent, avantages qui ne peuvent être reproduits par les concurrents à capital-actions.
Usager
À titre d’usager de la coopérative, le producteur a accès à du volume d’achat et à un marché. Il s’agit de la relation économique. Ensemble, les membres producteurs obtiennent des bénéfices qu’ils n’auraient pas individuellement, sinon à coûts plus élevés. Et parce qu’ils sont ensemble, les producteurs permettent d’éviter les monopoles de transformateurs ou d’autres intermédiaires de marché qui nuiraient à leurs intérêts. De plus, la coopérative favorise des relations de confiance à long terme. Cette confiance peut se retrouver dans l’engagement de la qualité des productions agricoles et des produits transformés par la coopérative année après année.
En plus de l’achat et de la vente en gros, la transformation et la commercialisation offrent également un avantage important. Les coopératives permettent aux membres producteurs de se rapprocher du consommateur final dans la chaîne de valeur, ce qui réduit le nombre d’intermédiaires.
Copropriétaire
Dans leur rôle de copropriétaire avec les autres membres, les producteurs gardent le contrôle de la coopérative. Ils s’assurent, par l’entremise du conseil d’administration, que la coopérative est gérée dans les intérêts des membres. Ce contrôle implique une diminution de la prise de risque pour rendre l’entreprise plus pérenne. La coopérative permet aussi, par l’inclusion des membres, la prise de décisions éthiques ancrées dans les valeurs partagées par les membres et non seulement fondées sur des considérations financières.
Investisseur
Le chapeau d’investisseur se concrétise lors de la souscription de parts de membre qui permet de participer aux activités économiques. La coopérative cherchera le meilleur prix pour ses membres dans sa fourniture d’intrants comme dans la vente et la transformation des productions de ses membres, le cœur de métier de ses membres. La coopérative permet de retourner la plus-value de ses activités économiques aux personnes qui ont participé à sa création – les membres – ainsi que la plus-value des autres étapes dans la transformation et la commercialisation. Les excédents sont créés par et pour les membres et leur communauté. Cette répartition distingue la coopérative de l’objectif premier de l’entreprise à capital-actions qui recherche le meilleur rendement sur le capital investi par les actionnaires. Les deux objectifs sont totalement différents.
Membre d’une communauté d’intérêts
Le dernier chapeau est celui de membre d’une communauté d’intérêts enracinée localement. Les coopératives ne peuvent exister sans le soutien de la communauté de membres qui les ont créées. En même temps, elles existent pour fournir des services à cette même communauté dans un but qu’un modèle d’entreprise démocratique est le mieux à même d’atteindre. La coopérative contribue à maintenir un équilibre dans l’économie en agissant aux côtés des sociétés d’État et du marché. En cas de crise, cette diversité d’organisations permet d’amortir les chocs. Et les ressources sociales des coopératives, notamment par le regroupement en fédérations, permettent une résilience face à ces mêmes chocs.
La coopération est le contraire du jeu à somme nulle où le gain de l’un signifie une perte pour l’autre. La coopération permet plutôt de participer, de contribuer à l’aventure commune et de créer de la richesse ensemble. La coopérative repose sur les liens qui unissent ses membres. Surtout maintenant, renforçons les liens entre les membres et entre les membres et leur coopérative. L’histoire le démontre, les coopératives changent la donne dans la création et la répartition de la richesse. Dans le contexte actuel de guerre tarifaire et de protectionnisme, nos coopératives et nos mutuelles peuvent non seulement agir en rempart, mais comme véhicule de développement.
Texte de Claude-André Guillotte, directeur de l’Institut de recherche et d’éducation pour les coopératives et mutuelles de l’Université de Sherbrooke (IRECUS)
Référence : Limnios, E. M., Mazzarol, T., Soutar, G. N., & Siddique, K. H. (2018). The member wears Four Hats: A member identification framework for co-operative enterprises. Journal of Co-operative Organization and Management, 6(1), 20-33.
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